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La réaction du sol

Dans notre dernière causerie, nous indiquions que le bulletin d'analyse, qui était remis, devait contenir entre autres renseignements la teneur en chaux de la terre analysée. Son pourcentage de calcaire est exprimé sous la rubrique : « Réaction ou pH du sol. »

Dans l'eau du sol existe en dissolution une quantité de corps nécessaires à la nutrition des plantes : toutes ces solutions nutritives qui circulent ainsi dans le sol sont en état d'instabilité constante, d'abord parce que les combinaisons chimiques varient et se renouvellent sans cesse, et aussi parce que la faculté qu'ont les racines de choisir dans ces solutions ce qui leur est utile perpétue cette instabilité. De sorte que, selon la prédominance de tels ou tels éléments dans ces combinaisons chimiques, les racines des plantes se trouvent en présence de liquides nourriciers acides, neutres ou basiques. Si, dans l’eau du sol, les acides sont en excès par rapport aux bases, le sol est dit à réaction acide. Si, au contraire, il y a excès de bases, le sol est dit à réaction basique ou alcaline et, si les proportions d'acides et de bases se neutralisent, on dit que la réaction du sol est neutre. Pour traduire numériquement ce phénomène, les chimistes expriment l'acidité du sol à l'aide d'une mesure spéciale, le pH, dont ils chiffrent l'ordre de grandeur de 0 (maximum d'acidité) à 14 (maximum d'alcalinité) ; ainsi, une terre a réaction neutre présente un pH égal à 7 (qu'on exprime pH 7), alors qu'un pH inférieur à 7 indique une terre acide et qu'un pH supérieur à 7 indique une terre alcaline. Pratiquement, le pH des terres oscille autour de7 (neutralité), et il est très exceptionnel qu'il descende au-dessous de 4 et qu'il s'élève au-dessus de 9.

Cette notion, ainsi définie, est très importante à connaître, voire indispensable au point de vue pratique :

1° Elle permet de savoir entre quelles limites les plantes peuvent fournir les plus hauts rendements :

Plantes cultivées.

Réaction du sol la plus favorable
ou pH.

Conséquences pratiques.

Asperges
 
Betteraves potagères
 
Chou navet
 
Carottes
 
Haricots
 
Navets
 
Pois
 
Topinambour
 
Pomme de terre

6 à 6,50
 
6 à 6,50
 
5,50 à 6,50
 
5.50 à 6,50
 
6 à 7
 
5,50 à 6,50
 
6 à 7
 
5,50 à 7
 
5 à 5,50

Fumure organique + acide phosphorique
(scories ou super).
La meilleure terre se rapproche du pH de neutralité,
fumure azotée nitrique.
Fumure organique + engrais phosphatés
(scories ou super).
Fumure organique + tous engrais à base de sulfate.
 
Pas de calcaire : ne pas chauler avant la culture.
Fumure phosphopotassique (grain à former).
Fumure organique + sulfates.
 
Pas d'amendements calcaires avant cette culture.
Fumure phosphopotassique (grains).
S’accommode de tous les sols.
 
S'accommode des sols acides :
nécessité d'une fumure organique, et les engrais
ammoniacaux sont les mieux appropriés.

 

2° Elle est le renseignement le plus important en vue des améliorations à apporter au sol (amendements argileux ou calcaires) et des engrais à employer. En terre calcaire ou alcaline, il sera inutile de chauler ou d'apporter des amendements et des engrais renfermant du calcaire : du nitrate de chaux, de la cyanamide calcique, par exemple. En terre acide, au contraire, on évitera l'emploi des engrais « acidifiants », tels le nitrate de soude, d'ammoniaque, le chlorure de potassium, le sulfate d'ammoniaque.

Tableau des engrais.

Engrais des sols alcalins
pH = 7 et au-dessus,

Engrais des sols acides
et très acides
pH = 5 à 6,5.

Engrais des bons sols de culture
pH = 6,5 à 7,5.

Sulfate d'ammoniaque.
Superphosphates.
Sylvinite.
Nitrate de soude.
Chlorure de potassium.
Sylvinite double.
Ammonitrates.

Scories.
Sulfate de potasse.
Nitrate de chaux.
Cyanamide de chaux.
Urée.

Sulfate d'ammoniaque.
Cyanamide.
Nitrates Superphosphates.
Scories.
Chlorure de potassium.
Sylvinite double.

 

Interprétation du tableau.

Cas d'un engrais azoté : le sulfate d'ammoniaque. Dans les sols privés de calcaire, il ne se transforme pas en carbonate d'ammoniaque retenu grâce au pouvoir absorbant du sol et, en terre acide, il produit de mauvais effets en augmentant cette acidité, d'où son exclusion de la colonne 2 et la nécessité de chauler avant son emploi.

Cas d’un engrais potassique : le chlorure de potassium. Comme pour le sulfate d'ammoniaque, la présence du calcaire du sol décompose le sel potassique : le chlorure donne du carbonate de potasse et du chlorure de calcium, et le carbonate est retenu par le pouvoir absorbant du sol. Ici encore, la présence, d'une quantité suffisante de chaux est indispensable, faute de quoi l'assimilation de la potasse ne se fait pas (exclusion de la colonne 2).

Cas d’un engrais phosphaté : il est évident que les scories, de par leur richesse en chaux (scories Thomas : 50 p. 100 de chaux), réussissent bien dans les sols pauvres en calcaire. Mais le choix de l'engrais phosphaté demeure subordonné à la nature du sol : en terre acide, la cyanamide calcique (60 à 70 p. 100) réussit bien sur les terres argileuses, pauvres en cet élément qu'elle apporte, de même le nitrate de chaux.

Ainsi, tout jardinier soucieux de la fertilité de sa terre ne devra jamais oublier que la présence de la chaux dans le sol est la condition fondamentale de toute action de la plupart des engrais. Le jardinier, d'après le bulletin d'analyse, connaîtra son sol, ce qui lui permettra d'appliquer les façons culturales propices, de choisir les engrais les plus judicieux et de lui confier des cultures appropriées.

Boileau.

Le Chasseur Français N°647 Janvier 1951 Page 34