Nous rattacherons à ce groupe un pin indigène, le pin
laricio de Corse, parce qu'il est utilisé dans la France continentale
exactement comme une espèce introduite.
On peut se demander la raison pour laquelle les reboiseurs
ont fait appel à des espèces exotiques, alors qu'ils disposaient des nombreuses
espèces et variétés françaises de pins, dont nous avons parlé dans un précédent
article. Comme nous l'avons souligné, l'emploi des pins indigènes ne convient
pas à certaines stations particulièrement défavorisées ; les sols calcaires
secs de la zone tempérée froide, par exemple, et les sols très humides ou
tourbeux. Quant au pin à crochets, susceptible de réussir en toute station, il
est peu intéressant, en raison de la lenteur de sa croissance. Il était donc
utile de rechercher si certaines espèces exotiques ne pouvaient avantageusement
remplacer les espèces françaises pour résoudre ces problèmes particuliers ; à
cet effet, on a fait appel aux espèces suivantes :
a. Les pins laricios. Pins à deux feuilles, constituant une
espèce collective, à plusieurs variétés; et occupant une aire vaste et morcelée
tout autour du bassin méditerranéen. Deux variétés sont particulièrement
intéressantes :
— le pin laricio de Corse, employé sur les terrains
siliceux, parfois les terrains calcaires (à condition qu'ils soient profonds et
assez frais) ;
— le pin laricio d'Autriche, une des meilleures espèces de
reboisement des terrains calcaires secs (rendzines).
b. Le pin Weymouth (Pinus Strobus). C'est
un pin à cinq feuilles d'origine américaine, calcifuge, qui convient bien aux
sols siliceux, et tout particulièrement aux sols humides, tourbeux, car il
résiste à l'asphyxie des racines.
c. Enfin le pin de Monterey, ou pin remarquable (Pinus insignis),
est un pin à trois feuilles, très intéressant par son extrême rapidité de
croissance ; il peut être utilisé dans la zone côtière de l'ouest de la France.
Nous allons passer en revue ces différentes espèces en
insistant sur leurs exigences et leurs possibilités d'utilisation.
1° Le pin laricio d'Autriche, ou pin noir (Pinus laricio austriaca).
— Cette espèce se reconnaît à ses aiguilles denses, de
couleur foncée, et piquantes ; elle a été utilisée sur une large échelle pour
le reboisement de tous les sols calcaires superficiels et secs (Causses, Alpes
méridionales).
En Champagne, son emploi a donné de bien meilleurs résultats
que celui du pin sylvestre, espèce réussissant mal sur les affleurements
calcaires. On l'installe soit par semis (semis en ligne ou en plein), ou mieux
par plantation de plants âgés de trois ans.
2° Le pin laricio de Corse.
— Cette espèce convient également aux sols calcaires, à
condition qu'ils soient assez frais et profonds ; mais c'est surtout pour le
boisement des sols siliceux, des landes à bruyères, par exemple, que son emploi
est à recommander. La réussite est meilleure dans les landes sèches et les sols
sableux assez secs et filtrants que dans les landes humides sur sols à Gley.
On distingue facilement le laricio de Corse du pin noir à
son feuillage clair, peu fourni (on n'observe souvent qu'une simple touffe
d'aiguilles à l'extrémité des rameaux dénudés), et à ses aiguilles souples et
frisées, surtout dans la jeunesse.
Notons que le pin laricio de Corse, par la rapidité de sa
croissance, l'extrême rectitude de son fût, son parfait élagage, se montre
nettement supérieur au pin sylvestre, lorsqu'il est employé dans les mêmes
conditions ; mais, au point de vue technologique, il faut signaler l'épaisseur
plus grande de l'écorce et la différenciation tardive du bois de cœur.
Enfin, il importe de signaler que l'utilisation du laricio de
Corse est à exclure des régions à hiver trop rigoureux, car il souffre des
extrêmes hivernaux trop accentués. Il se cultive sensiblement de la même façon
que le pin sylvestre.
3° Le pin Weymouth (Pinus strobus).
— Ce pin, originaire de la région du Saint-Laurent, en
Amérique, se reconnaît aisément à ses aiguilles fines, groupées par cinq sur un
rameau court, et à son cône allongé, à écailles minces, dont le mucron est
rejeté à l'extrémité. Cette espèce à grande rapidité de croissance convient
parfaitement au reboisement de tous les terrains siliceux, mais plus
particulièrement des sols mouilleux ou tourbeux, où les autres espèces de pins
réussissent mal. Elle supporte un ombrage tamisé et peut être utilisée pour
garnir des clairières à abri latéral, en forêt.
Le bois, peu coloré, tendre, convient surtout à des usages
spéciaux : déroulage (allumettes), menuiserie, pâte à papier.
Le pin Weymouth offre malheureusement un inconvénient grave
: il est très sensible à une maladie de l'écorce, la rouille vésiculeuse, qui
peut causer de grands ravages dans les peuplements purs trop serrés ; d'autre
part, à l'inverse des autres pins, il faut planter des plants assez forts, âgés
de quatre à cinq ans. Pour éviter les dégâts de la rouille, il est indiqué de
mélanger des feuillus (Aunes, par exemple), et d'éclaircir les peuplements très
fortement par la suite.
Signalons l'existence d'une espèce botaniquement voisine du Weymouth,
le pin de l'Himalaya (Pinus excelsa), très ornemental par ses aiguilles
fines et très longues et ses gros cônes.
4° Le pin de Monterey, ou pin remarquable (Pinus insignis).
— Ce pin, à trois feuilles, fines et souples, d'un vert
tendre (vert «gazon »), est originaire de la région de Monterey, en Californie.
Cette espèce, qui peut réussir sur des sols variés, présente l'inconvénient de
donner un bois médiocre, noueux (caisserie), et celui d'être très sensible au
froid (elle gèle à -15°) ; c'est une espèce océanique exigeante en humidité de
l'air, qui ne doit être utilisée qu'à une faible distance des côtes, depuis le
Sud de la Bretagne jusqu'au Pays basque.
Son intérêt essentiel réside dans son extraordinaire
rapidité de croissance ; certains sujets atteignent, à seize ans, plus de 20
mètres de hauteur.
Conclusion.
— Les espèces de pins introduites, jointes aux espèces
indigènes, permettent de faire face à presque toutes les exigences du
sylviculteur en matière de résineux, pour le reboisement des sols nus.
Nous avons déjà signalé, toutefois, l'intérêt des essences
d'ombre (sapins) pour l'amélioration des forêts feuillues dégradées ; et celui
de diverses espèces originaires de l'Ouest américain (Douglas, Thuya géant),
remarquables, tant par leur rapidité de croissance que par la qualité de leur
bois. Il faut donc se garder, dans l'exécution des reboisements, de créer des
peuplements purs d'une trop grande étendue, mais il est nécessaire de varier
les espèces utilisées en les adaptant au mieux aux différentes conditions de
milieu des stations à repeupler.
Le Forestier.
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