Le vieux précepte médical « Prévenir vaut mieux que guérir »
trouve son application dans l'observation et l'interprétation que l'on peut faire
de ces différents signes pour décider, à propos et en temps voulu, les soins ou
traitements à réserver aux animaux qui les présentent.
L'état de santé, chez le cheval — comme chez tout autre
animal domestique, — réside dans le fonctionnement normal et régulier de tous
les appareils de son organisme et se manifeste en particulier par une
physionomie éveillée, la vivacité du regard, la mobilité des oreilles, la
facilité des mouvements, l’ardeur au travail, tout en continuant à se montrer
attentif à tout ce qui se passe autour de lui.
Le cheval bien portant a la peau souple, moite et légèrement
grasse; le poil est lisse, brillant, doux au toucher ; la colonne vertébrale
plie sous la pression des doigts ; l'appétit se montre à des époques régulières
; la digestion s'accomplit normalement et facilement, les crottins expulsés
sont bien moulés, demi consistants plutôt que durs et recouverts d'une sorte de
pellicule de mucus ; l'émission des urines se fait sans efforts apparents et à
des intervalles assez éloignés : l'urine est claire, légèrement ambrée.
La température du corps est uniforme partout ; prise au
thermomètre placé dans le rectum, elle oscille entre 37°,5 et 38°,5 ; le
travail et les variations atmosphériques pouvant provoquer des écarts d'un degré
environ ; de même que chez toutes les espèces, la température est d'au moins un
demi degré plus élevée le soir que le matin. La circulation est régulière, les
pulsations, au nombre de 36 à 40, se succèdent à des intervalles égaux, l’impulsion
de l'artère est douce, élastique et d'une plénitude moyenne, sans tension
exagérée ; chez les poulains, jusqu'à l'âge de deux ans, le nombre moyen de
pulsations varie entre 50 et 70, tandis que chez les chevaux il est de 32 à 38.
L'exploration du pouls chez le cheval se fait à l'artère
glosso-faciale, à l'endroit où elle s'applique sur l'os maxillaire inférieur,
en quittant la région de l'auge pour gagner la joue ; .en plaçant une main sur
le chanfrein de l'animal, l'autre le pouce appuyé sur la face externe du maxillaire
et les doigts sur l'artère, en pressant doucement, il est facile de sentir et
de compter les pulsations.
Le cheval en bonne santé respire calmement et régulièrement
; les mouvements respiratoires sont au nombre de 9 ou 10 par minute pour les
adultes, 10 à 12 pour les poulains, 8 ou 9 pour les vieux sujets ; ils
s'accélèrent normalement sous l'influence du travail, mais reviennent
promptement à leur nombre normal par le repos. Les muqueuses apparentes
(bouche, yeux et naseaux) sont rosées et légèrement humides ; l'examen de la
conjonctive, riche en vaisseaux sanguins, qui tapisse l'intérieur des
paupières, est le signe le plus couramment employé pour se faire une opinion de
l'état de santé d'un animal. On y procède en maintenant la tête du cheval par une
main appliquée sur le chanfrein, ou en saisissant la lèvre inférieure si la tête
se tient trop bas, puis on place l'index de l'autre main sur la paupière
supérieure, le pouce sur l'inférieure et en pressant légèrement sur le globe de
l'œil, tout en écartant les paupières, la muqueuse apparaît largement, dans
l'angle de leur commissure interne.
Les signes précurseurs d'un état maladif quelconque chez un
cheval se manifestent par le manque d'entrain au travail, la diminution des
efforts ou le ralentissement des allures, la tristesse de la physionomie,
l'indifférence aux excitations de son conducteur, qui serait mal avisé de les
accentuer, et qui agira beaucoup plus sagement en le rentrant à l'écurie, pour
ne pas risquer d'aggraver son mal. Attaché à sa place habituelle, le cheval
porte la tête basse et, plutôt que de chercher dans sa mangeoire ou son
râtelier, il s'en tient éloigné, « à bout de longe », gardant quelquefois entre
les lèvres un brin de paille qu'il a essayé de grignoter, ce qu'on constate en disant
qu'il « fume la pipe » ! Son attitude est raide, contractée sur ses quatre
membres, aucun n'étant mis au repos à tour de rôle ; il se déplace
difficilement, ne réagit pas à la pression de la colonne vertébrale quand on la
pince dans la région des reins. Les chevaux malades ne se couchent que très
rarement, sauf pourtant quand ils souffrent d'affections de l'appareil digestif
(coliques).
De ce côté, le premier signe qui frappe l'attention d'un bon
palefrenier est la diminution ou la perte complète de l'appétit, si toutefois
il s'est assuré qu'il n'y a pas dans la bouche, la langue ou les dents une
lésion provoquant une gêne de la mastication. « Cheval qui mange ne meurt pas
», disaient les anciens hippiatres, mais on peut dire maintenant que l'inappétence
(anorexie) est toujours le signe certain d'un état morbide, s'accompagnant de
fièvre, occasionnant le plus souvent une soif très vive, qu'il est indiqué de
calmer par les boissons tièdes (thé de foin) ou dégourdies et blanchies avec de
la farine d'orge ou du son.
Les autres signes de maladie, qui. peuvent être fournis par
les appareils respiratoire et circulatoire, sont essentiellement du ressort du
vétérinaire, qu'il y aura toujours intérêt à consulter rapidement. En attendant
son arrivée, le cheval sera, autant que possible, isolé dans une écurie
tempérée, bien aérée, garnie d'une bonne litière, à l'abri des courants d'air ;
il sera bouchonné vigoureusement s'il présente des frissons avec les oreilles
et les membres froids, et soumis à une diète liquide faite de barbotages, mashes,
ou de décoctions de céréales, auxquels on ajoutera sel de nitre et sulfate de
soude pour activer la sécrétion urinaire et favoriser le bon fonctionnement des
intestins.
J.-H. Bernard.
|