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Au verger

Premiers travaux

A la Chandeleur, l’hiver s'éteint ou prend rigueur ! dit un vieux, très vieux dicton.

Et, de fait, de grands froids sont encore possibles ; mais on va quand même, à grands pas, vers la belle saison ...

Par temps de gelée, on transporte, dans les carrés dont le sol est durci, fumiers et composts que l'on enterrera au cours des prochains labours ou défoncements.

On termine la peinture et la pose des lattes des espaliers et des contre-espaliers. On achève également la préparation du terrain en vue des plantations de printemps.

Lorsque la température est douce, on continue les plantations, qui sont grandement facilitées si l'on a les arbres sous la main, condition qui n'est possible que si l'on a pris la précaution de les faire venir de pépinière à l'automne, et de les mettre en jauge, avec le plus grand soin, dans une partie saine du jardin.

On termine la taille et le palissage des arbres adultes, et on commence à tailler les jeunes arbres en cours de formation. Pour ces derniers, il est recommandé d'effectuer de préférence la taille à la serpette, afin de faire des coupes bien nettes, de cicatrisation plus facile.

Dès que les yeux à bois des pêchers commencent à se gonfler, il faut, sans retard, faire un traitement de préservation contre la cloque avec une bouillie bordelaise forte (5 kilogrammes de sulfate de cuivre et 5 kilogrammes de chaux pour 100 litres d'eau), ou avec une bouillie à l'oxychlorure de cuivre.

On peut continuer, sans inconvénient, pendant tout le mois, sur poiriers et pommiers, les traitements d'hygiène générale effectués soit avec des huiles minérales, soit avec du formol, soit avec du permanganate de potasse. Par contre, à partir du 10 février, il convient de cesser les traitements aux huiles d'anthracène sur les arbres à fruits à noyau.

Ne pas manquer de visiter, chaque semaine, le fruitier pour en retirer les fruits qui se gâtent, ainsi que ceux arrivant à maturité qu'il faut livrer à la consommation.

Améliorons nos vergers par regreffage des vieux arbres.

— Depuis quelque temps déjà, une propagande active est faite, par les services officiels et certains organismes privés, en vue d'améliorer la qualité de nos produits pour leur permettre de soutenir la concurrence des produits étrangers, aussi bien sur les marchés intérieurs que sur les marchés étrangers, dans la bataille économique prévisible à brève échéance.

Nos cultures fruitières n'échappent pas à cette alternative ; aussi nous faut-il, le plus vite possible, en améliorer les produits par tous les moyens à notre disposition.

La création de nouveaux vergers où, seules, seront plantées des variétés susceptibles de donner des fruits de qualité est évidemment un moyen de parvenir, dans un avenir plus ou moins éloigné, au but poursuivi.

Mais, concurremment avec celui-ci, il est possible d'en utiliser un autre, susceptible de donner rapidement un résultat positif.

Il consiste à changer la qualité de la production d'un vieil arbre, encore bien portant, en profitant des avantages de son âge, c'est-à-dire de la capacité d'absorption de ses racines, qui rend possible la formation rapide d'une nouvelle charpente et une fructification abondante, dans le minimum de temps et avec peu de frais, alors que l'arrachage de l'arbre âgé et son remplacement par un plus jeune exigeraient de grosses dépenses et ne réussiraient pas toujours. D'autre part, l'entrée en rapport de l'arbre planté en remplacement se ferait attendre longtemps.

Le rabattage du vieil arbre, combiné avec son regreffage, permet cette réalisation.

Le procédé de greffage à employer est le greffage en couronne. Il se pratique au printemps, au moment où la sève circule déjà activement, de manière à permettre de soulever facilement l'écorce du sujet à greffer. L'époque convenable est sensiblement celle du début de la floraison de celui-ci.

L'ordre des opérations à effectuer est le suivant :

    a. Rabattage de l'arbre à regreffer ;
    b. Ramassage et mise en conservation des greffons ;
    c. Exécution du greffage ;
    d. Soins consécutifs.

a. Rabattage de l'arbre.

— Pour les pommiers et poiriers, il est indispensable de l'effectuer pendant la période de repos de la sève, c'est-à-dire de décembre à fin février. On garde les branches principales les mieux placées. On supprime les autres, en faisant des coupes très nettes. Les branches conservées sont toutes rabattues à une longueur déterminée, pour établir entre elles un équilibre convenable (fig. l).

b. Ramassage et conservation des greffons.

— C'est aussi de décembre à février que l'on coupe les greffons. Les rameaux de l'année précédente, bien aoûtés et parfaitement sains, sont les plus convenables. S'il s'agit de greffons de poiriers et de pommiers, on les conservera fort bien, jusqu'à l'époque du greffage, simplement piqués de quelques centimètres dans la terre au pied d'un mur exposé au nord. Si, au contraire, il s'agit de greffons d'arbres à fruits à noyau : pruniers ou cerisiers, dont la végétation se manifeste de bonne heure au printemps, il sera préférable soit de les conserver dans un frigorifique, si l'on en a un à sa disposition, soit de les placer dans une rigole étroite et peu profonde, pratiquée au pied du même mur et coffrée avec des planches, en les enterrant dans du sable et couvrant la rigole d'une planche et d'une butte de terre, afin d'obtenir un meilleur isolement contre les élévations de la température extérieure.

c. Exécution du greffage.

— L'époque en est approximativement, avons-nous dit, celle de la floraison de l'arbre à regreffer. Après avoir recoupé chaque branche, rabattue en janvier, un peu au-dessous du point où on l'avait primitivement sectionnée, en veillant à faire une coupe perpendiculaire à la direction de la branche et à bien aviver cette coupe à l'aide d'un instrument tranchant : serpette ou plane de charron, on met en place plusieurs greffons, préalablement taillés en bec de flûte (fig. 2). Chacun d'eux est glissé sous l'écorce après une légère incision celle-ci à l'emplacement choisi. Le nombre de greffons varie selon la grosseur de la branche ; on les espace ordinairement de 5 à 6 centimètres. Puis on ligature à l'aide soit de raphia, soit d'une cordelette, qu'il conviendra de trancher par la suite. Il ne reste plus qu'à recouvrir les plaies de mastic à greffer, pour les préserver de la pluie et du soleil. Cette dernière opération, fort importante, doit être faite avec le plus grand soin.

d. Soins consécutifs au greffage en couronne.

— Dès que les greffes sont terminées, il y a lieu de les tuteurer. En remettant à plus tard cette opération, on s'expose, en effet, à l'oublier ou à la faire trop tard. On fixe à la branche greffée, près de chaque greffon, une baguette munie de quelques ramifications de façon à abriter le greffon du vent et à éviter son décollement. Il ne faudra pas manquer plus tard, lorsque les pousses du greffon se développeront, de les attacher au tuteur à l'aide de jonc ou de raphia.

Pendant quelque temps, on favorise la montée de la sève dans la branche greffée en conservant à proximité des greffons une pousse du sujet (tire-sève). On supprimera ce tire-sève, de même, d'ailleurs, que toutes les pousses nées au-dessous des greffons, dès que les bourgeons de ceux-ci auront 8 à 10 centimètres de longueur.

E. DELPLACE.

Le Chasseur Français N°648 Février 1951 Page 99