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Électrification rurale

L'électrification des campagnes est un facteur essentiel de progrès. Hélas ! nous avons dans ce domaine un retard assez considérable. La plupart des réseaux existants, notamment ceux construits avant 1930, sont devenus notoirement insuffisants. En ce qui concerne la basse tension, par exemple, M. Hoarau de La Source, ingénieur en chef du Génie rural, signale notamment que, sur 3.400 kilomètres de lignes, 450 kilomètres sont à deux fils et 300 à trois fils, tandis que 1.150 kilomètres à quatre fils n'ont que des conducteurs d'un diamètre inférieur à 4 millimètres. II n'est pas exagéré de dire que les réseaux dans leur ensemble doivent être révisés et aménagés. De plus, sur 37.990 communes, on en compte encore plus de 5.000 dont l'agglomération principale et seulement quelques écarts sont électrifiés ; 1.650 n'ont que l'agglomération principale électrifiée et près de 900 sont dépourvues totalement d'installation. De ce fait, près de 2.300.000 ruraux sont encore privés de courant électrique au moment où une autre source d'énergie : l'énergie nucléaire, est en passe d'être utilisée à des fins pacifiques — souhaitons-le ...

Il y a là un anachronisme surprenant. Les techniques de l'électricité ont progressé à pas de géant : éclairage, électrothermie, force, électrochimie, électronique, télécommunications, etc., et 2.300.000 paysans s'éclairent encore à la chandelle ! ... Certes, il ne faut pas manquer de souligner que la guerre et l'occupation ont causé d'importantes destructions et ne nous ont pas permis de réaliser notre programme d'équipement. Néanmoins d'aucuns assurent que, depuis 1945, les réalisations dans ce domaine ne paraissent pas avoir été importantes. Les discours oui, mais la profusion verbale n'ajoute rien à la chose et ne se transforme pas en action.

Le programme de modernisation de l'équipement rural du plan Monnet prévoit la construction de 150.000 kilomètres de lignes nouvelles et de 35.000 transformateurs, afin de desservir aisément les fermes dispersées. Sont prévus également le changement de la tension en 220-380 volts et le renforcement de 70.000 kilomètres de lignes basse tension. Ces quelques chiffres soulignent l'effort gigantesque envisagé. Le financement d'un tel programme est considérable. Où trouver les ressources nécessaires ? Cet aspect financier du problème concerne les collectivités, municipalités, coopératives et l'État. Il s'agit, en effet, de la création ou de l'amélioration d'un bien commun. On croit savoir que l'Électricité de France se montrerait réticente, pour assurer, en partie, le financement de l'extension des réseaux. L'Électricité de France considère que la consommation rurale n'est pas assez importante au point de vue quantitatif. C'est, à notre avis poser le problème à l'envers.

Il faut d'abord que les réseaux existent ou soient améliorés, que la distribution soit satisfaisante, que la fourniture de l'énergie électrique soit régulière. Cette dernière condition essentielle est à peine réalisée ; les deux premières ne le sont pas. Nul doute que lorsque le programme de réalisations aura pris corps, les agriculteurs auront recours à cette source si commode d'énergie. Le paysan sait que, sous réserve de fourniture régulière, l'énergie dont il disposera sera constante, et qu'il aura la possibilité de la fractionner et de la transporter sous forme de force, de chaleur et de lumière là où il en aura besoin. Il a assisté à des démonstrations dans les foires et expositions. Faire marcher un moteur en appuyant sur un bouton ou en abaissant une manette le séduit. La suppression d'ingrédient et l'entretien quasi nul l'enchantent. Il entrevoit la possibilité d'utiliser un treuil électrique de 45 CV pour le labourage des grandes étendues, ou de 3 à 10 CV si c'est un petit exploitant ou un maraîcher. Il connaît le moteur omnibus monté sur trépied ou sur brouette, pouvant actionner successivement les différentes machines d'intérieur de sa ferme, l'utilisation du froid électrique, etc. En un mot, il n'ignore pas que le courant électrique est un des principaux facteurs de modernisation de l'exploitation et de l'habitat.

Quoi qu'il en soit, la réorganisation et la création de réseaux nouveaux ne seront pas réalisées entièrement avant de longues années. C'est pourquoi nous ne saurions trop conseiller l'utilisation d'un appareil excellent, répandu en très grand nombre aux U. S. A., Amérique du Sud, Républiques sud-africaines, Danemark, etc. : l'éolienne. Ce moyen de production d'énergie électrique ne nécessite ni turbines, ni installations coûteuses. C'est l'équipement idéal des fermes isolées. En voici la description sommaire.

A la base, une dynamo entraînée par une hélice mue par le vent. Cette hélice peut être à trois ou quatre pales, elle doit être très flexible, en métal léger ou en bois, résister aux intempéries et tourner au moindre souffle de vent. A 250 tours-minute, soit un vent de 2 mètres-seconde, une bonne éolienne « charge ». Sur certains appareils, il n'existe pas de gouvernail, le système adopté pour que le vent vienne frapper l'hélice derrière la génératrice est celui de la girouette.

En cas de changement de direction du vent, l'ensemble tourne sans secousses ni vibrations.

La dynamo génératrice repose sur un « berceau », le berceau lui-même pivote sur un tube muni d'un porte-balai collecteur de courant.

La valeur principale d'une bonne éolienne réside dans sa sensibilité aux vents, et, en cas de tempête, elle doit pouvoir facilement être mise en drapeau (au moyen d'un câble, ou d'un levier, l'ensemble génératrice et hélice bascule, et l'hélice, se trouvant dans le plan horizontal, n'offre plus aucune prise au vent). Des batteries d'accumulateurs sont disposées à l'intérieur des bâtiments et forment réserve et régulatrice.

L'éolienne existe en 10, 20, 30 ampères et 12, 24, 55, 110 volts. Un appareil de 24 volts est suffisant pour éclairer quinze à vingt lampes ensemble, soit une installation susceptible d'atteindre trente à trente-cinq ampoules avec appareils électro-ménagers et poste de T. S. F. L'appareil de 100 volts permettra de faire tourner des moteurs de 3 à 6 CV et d'éclairer un hameau.

Ainsi tous les villages, tous les hameaux, toutes les fermes isolées ont la possibilité, dès maintenant, d'avoir du courant. L'électricité c'est le confort, la joie de vivre, l'hygiène, l'aisance, le progrès, c'est la ferme ouverte au monde extérieur et non plus repliée sur elle-même. C'est la terre et la ville réunies marquant, comme il convient, l'interdépendance du rural et du citadin dans le monde moderne, où toutes les activités se tiennent de plus en plus étroitement.

G. DELALANDE.

Le Chasseur Français N°648 Février 1951 Page 102