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Élevage des cygnes

Un bel oiseau d'agrément.

— Le cygne est un gros palmipède, de la famille des lamellirostres, caractérisé par un cou long et arqué, qui lui communique un aspect majestueux, lorsqu'il vogue en se mirant à la surface des eaux tranquilles, sur les bassins et les étangs des propriétés d'agrément, dont il est le plus bel ornement.

En mangeant les herbes aquatiques immergées et flottantes qui croissent dans les mares et toutes les eaux dormantes, notamment les lentilles et les algues, les cygnes font disparaître les végétaux marécageux et les larves de moustiques qui s'y nymphosent. Ce palmipède est donc un précieux auxiliaire de la salubrité.

Au point de vue du rapport, l'élevage du cygne n'est pas aussi intéressant que celui de l'oie, sauf dans le cas où on s'adonnerait à la vente des reproducteurs, parce que la chair de ces oiseaux, avec l'arrière-goût de poisson qu'elle exhale, n'est pas de première qualité et que, en raison de leur tardivité, il faut compter au moins deux ans avant de pouvoir les livrer à la consommation. Comme les cygnes sont apparemment de domestication assez récente, ils prennent volontiers la poudre d'escampette avec les cygnes sauvages lors des passages, si on néglige de les éjointer. On leur reproche en outre leur caractère irascible, peu policé, surtout celui des vieux mâles. Pendant la période des élevages, non seulement ils tiennent tête aux grandes personnes, mais ils s'attaquent aux enfants et ils peuvent leur porter des coups d'ailes capables de leur casser un membre.

Pour ces diverses raisons, les cygnes seront plutôt considérés comme des oiseaux d'agrément et de salubrité que comme des animaux de basse-cour exploités pour la viande.

Les races de cygnes.

— Le cygne ordinaire (Cygnus olor), le plus commun, ressemble absolument au cygne sauvage, d'abord par son plumage, qui est d'un blanc immaculé. Son bec est également de couleur rouge orange, terminé par un onglet noir. Le pourtour des narines est noir, de même que la caroncule bossuée située en avant du front. Le noir se prolonge triangulairement jusqu'aux yeux, de couleur brune ; les pattes sont noires. Le poids des cygnes atteints 6 à 8 kilogrammes lorsqu'ils sont adultes, c'est-à-dire âgés de deux ans et demi à trois ans.

En vertu des phénomènes de réversion propres à toutes les espèces animales, le cygne sauvage a donné naissance, accidentellement, à des sujets noirs, ou récessifs, qui, accouplés ensemble, ont reproduit fidèlement ce caractère de mélanisme. C'est ainsi qu'ont été créés les cygnes noirs (Cygnus attatus) et le cygne à cou noir (Cygnus nigricollis).

Le premier diffère du cygne ordinaire par son plumage entièrement noir, sauf quelques plumes des ailes qui sont restées blanches. Mais la couleur du bec est carmin foncé, ongleté rose. L'œil est rouge et les pattes noires. Cette race est assez répandue dans les propriétés d'agrément.

Le cygne à cou noir (Cygnus nigricollis) voit la couleur de son plumage passer brusquement du blanc au noir, à la jonction du cou avec la poitrine. Le noir garnit tout le cou et embrasse la tête, sauf un étroit filet blanc allant du bec à la nuque, en contournant l'œil. Le bec est gris-ardoise, surmonté de caroncules frisées, de couleur rouge vif ; les pattes sont rose pâle.

Le cygne trompette (Cygnus buccinator) doit son nom au cri particulier qu'il émet sur plusieurs notes. Cette espèce est blanche et ressemble au cygne olor. Le bec est noir, prolongé de chaque côté par un triangle noir.

Le cygne de Bewick (Cygnus minor), privé de caroncules, est sensiblement plus petit que les races précédentes. Son plumage est blanc, le bec noir et jaune.

Le cygne musicien (Cygnus musicus), un peu plus fort que le Bewick, n'en diffère pas sensiblement quant à la forme.

Reproduction.

— Tous les cygnes sont monogames, c'est-à-dire qu'ils vivent par couples. C'est à partir du mois de mars, jusqu'en mai, suivant la clémence du climat, que la femelle pond 5 à 8 œufs de grosse taille, à coquille épaisse, qu'elle couvera inlassablement, pendant que le mâle veillera à sa sécurité. Il la relaiera durant quelques heures, lorsqu'elle se restaurera l'après-midi.

Auparavant, les parents auront construit un nid grossier, en joncs et en roseaux, à un endroit surélevé, au voisinage de la pièce d'eau où ils ont élu domicile.

La durée de l'incubation varie, suivant les races, entre cinq et six semaines. A leur naissance, les petits cygneaux sont recouverts d'un duvet soyeux, et ils ressemblent à de gros canetons. Les parents font leur éducation en leur apprenant à nager, puis ils troublent l’eau pour amener à la surface des œufs, des larves et des mollusques aquatiques au profit de leur progéniture. Si la nourriture est abondante et variée, les petits cygnes prennent de la force et, en fin d'année, ils sont aptes à voler. Pour éviter les désertions, lors des passages des cygnes sauvages, il faut les éjointer. C'est une opération bénigne, qui consiste à trancher, avec de forts ciseaux, l'extrémité des ailes ou des dernières phalanges. Dans la pratique, il est encore préférable d'effectuer l'éjointage vers l'âge de quinze jours ou trois semaines. On cautérise en mettant une goutte de perchlorure de fer sur la plaie.

Nourriture et soins.

— Les cygnes sont des palmipèdes rustiques qui, sous notre climat, peuvent se passer de couvert. Sans doute, on peut édifier à leur intention une cabane en torchis ou en pisé, mais il est rare qu'ils en prennent possession, préférant la vie en plein air, même en hiver.

La base de la nourriture des cygnes est représentée par les herbes aquatiques, les insectes et les mollusques qui effectuent leurs métamorphoses sur lesdites herbes ; il faut néanmoins, surtout pendant l'hiver, leur distribuer un supplément, dans une mangeoire, à l'endroit où ils ont l'habitude de séjourner. On leur donnera une pâtée analogue à celle que reçoivent les canards, et, de temps à autre, de l'avoine ou de l'orge. Par fortes gelées, il serait bon de distribuer la pâtée chaude, des verdures ou du grain germé.

Mondiage D'ARCHES.

Le Chasseur Français N°648 Février 1951 Page 105