Au cours de notre dernière causerie, nous avons exposé les
quelques nouveautés et indiqué les tendances du dernier Salon concernant le
moteur. Il nous reste à dire quelques mots sur les organes du châssis. Les
ensembles mécaniques : moteur, boîte de vitesses, essieu moteur, se
disposent sur le châssis suivant trois modes différents. La disposition
classique et la plus répandue, disposition sanctifiée par l'expérience, est la
suivante : moteur à l'avant, auquel fait bloc la boîte de vitesses, un
arbre de transmission forcément long et parfois assez gênant pour les pieds des
passagers, un essieu moteur attaquant les roues arrière. Le moteur est, sur les
châssis modernes, de plus en plus rejeté sur l'avant. Il dépasse même largement
l'axe de l'essieu avant. Un autre groupement des organes en question consiste à
rassembler à l'avant la boîte, le moteur et la transmission ; dans ce cas,
c'est l'essieu avant qui devient moteur. C'est la « traction avant »
qui continue à conquérir du terrain. On a même, dans certains cas, diminué
l'encombrement en longueur du bloc tracteur grâce à l'emploi des moteurs, à
deux ou à quatre temps, à cylindres horizontaux et opposés. La construction
allemande est venue renforcer, sur ce point, la construction française. Enfin,
la dernière disposition consiste à reporter à l'arrière tout l'ensemble. C'est
le « tout à l'arrière ». Notons que, dans les deux derniers cas
ci-dessus exposés, l'arbre de transmission est réduit à sa plus simple
expression. De plus, on a cherché à monter l'ensemble moteur directement sur
les coques, de telle façon que celui-ci se pose, lors du montage, et se dépose,
pour la réparation, en un seul bloc. Enfin, signalons que le radiateur, situé
presque partout à l'avant du moteur, est refoulé parfois à l'arrière dudit,
comme sur les anciennes Renault, avec la Simca Cinq, la Fiat 500 et la Goliath
germanique. Qui va l'emporter de ces trois dispositions ? Il est bien
difficile de se prononcer. Probablement aucune. Si la traction avant assure une
tenue de route inégalable, des raisons d'économie, d'encombrement, de
répartition des charges, de position du centre de gravité, de conditions
particulières, font que les autres solutions ont toujours de fanatiques
partisans. Laissons donc nos ingénieurs à leur compétition et voyons la
suspension. Les roues deviennent de plus en plus indépendantes ; on les
rencontre toutefois encore semi-indépendantes à l'arrière, cependant que le
ressort à lames tend à disparaître au profit de la barre de torsion et, plus
récemment, du ressort hélicoïdal. On lui reproche son poids, son encombrement
et les difficultés à l'adapter au dessin des liaisons modernes. Le ressort
hélicoïdal, courant sur l'essieu avant, gagne même la suspension arrière, comme
on peut le remarquer sur les nouvelles Lancia et Fiat. Les Américains en font
grand usage. Avec les suspensions modernes à grande flexibilité, on reproche
maintenant au ressort à lames les qualités qui, hier encore, étaient fort
recherchées, à savoir la friction entre les lames. Grégoire a réalisé, de son
côté, une suspension à flexibilité progressive et décroissante avec la charge.
On freine maintenant le ressort hélicoïdal et la barre de torsion avec
l'amortisseur hydraulique télescopique. Ce dernier a supplanté presque partout
l'amortisseur à friction d'hier. La suspension à caoutchouc reste toujours dans
le domaine des essais et des prototypes. Sa diffusion en grande série sera sans
doute pour demain. Les suspensions à grande flexibilité ont donné naissance à
de nouveaux mécanismes, dénommés compensateurs, qui assurent la tenue de route
dans le sens vertical (passage des trous ou bosses) et le sens horizontal
(force centrifuge pendant les virages).
Nous connaissons déjà les stabilisateurs antiroulis, barres
de torsion le plus souvent, montés à l'avant et à l'arrière du châssis. Les
compensateurs sont constitués généralement par un corps de cylindre monté
horizontalement ou verticalement, suivant les oscillations à freiner, dans
lequel coulisse un piston, amorti par ressorts hélicoïdaux, ajusté dans l'huile.
La direction fait l'objet de tous les soins des
constructeurs. C'est un organe qui est passé au premier plan avec les hautes
vitesses atteintes par les voitures de série. En France, le système à
crémaillère et pignon se généralise. Le montage à rattrapage de jeu automatique
par ressort, adopté par Citroën depuis quinze ans, a fait école. Les Américains
et certains constructeurs européens restent fidèles à la solution vis et
galets, ou vis et écrou. Alors que chez nous le rapport de démultiplication varie
de 10 à 14, outre-Atlantique il peut atteindre 18 et même 25. La commande
hydraulique des freins est adoptée partout. Sur la question du freinage,
signalons comme nouveautés l'emploi des garnitures plastiques, de système à
rattrapage automatique de l'usure, ainsi que la tendance marquée à accroître
les dimensions des tambours et des surfaces de freinage.
De plus en plus, la caisse, ou plus communément la
carrosserie, fait corps avec le châssis : c'est la solution dite
monocoque. On peut emboutir tout un panneau latéral, assemblé par soudure
ensuite et renforcé par des traverses, poutres ou boîtes (montage Citroën), ou
encore partir d'un cadre à longerons et traverses sur lequel sont soudés les
autres éléments de la caisse : 4 CV Renault, Peugeot 203, Fiat, etc. ...
La tôle d'acier est seule employée dans la construction des véhicules de série,
les alliages aluminium étant réservés aux voitures sport. Notons, en passant,
la carcasse coulée de l'Hotchkiss Grégoire. On voit aussi apparaître, en
Angleterre et en Italie notamment, le tube soudé, principalement sur les
voitures spéciales de grand sport.
Quant aux lignes des carrosseries modernes, elles s'affinent
encore, tout en gardant leurs caractères propres à chacune des écoles
française, anglaise, italienne, américaine. En France, courbe légère tirant sur
le style sport avec ailes intégrées et façades aérodynamiques venant se
raccorder avec ce qui reste des calandres traditionnelles. La Simca Huit, entre
autres, nous a fait apprécier des réalisations aussi simples qu'élégantes. Les
Italiens demeurent de véritables artistes en la matière ; la recherche des
lignes tendues les a conduits à présenter des carrosseries de luxe aux formes
inédites, fines et racées. Les Anglais restent toujours un peu conservateurs, quoique
les efforts considérables qu'ils ont faits pour conquérir les marchés étrangers
les aient incités à ne pas trop choquer l'œil des continentaux. Ils ont
sacrifié pas mal sur l'autel de l'aérodynamisme ; mais, sur leur mécanique
et sur le choix de leurs aciers, il est bien difficile de faire une critique.
Peu de variation dans le style de la carrosserie américaine. Cadillac reste
toujours le précurseur, et tous les constructeurs d'outre-Atlantique, peu ou
prou, ont été marqués par son empreinte. Si leurs réalisations restent toujours
un peu lourdes, elles ne manquent pas d'élégance et donnent une impression de
sécurité totale.
G. AVANDO,
Ingénieur E. T. P.
|