La naissance de l'aviation commerciale s'effectua au
lendemain de la première guerre mondiale, avec les premières liaisons postales
effectuées par les avions de certaines compagnies aériennes privées.
Puis, vers 1920, celles-ci organisèrent le transport des
passagers. L'on sait le développement considérable qu'a pris ce mode de
locomotion, surtout depuis la fin des dernières hostilités.
Après le transport des passagers et du petit fret postal,
les utilisateurs de la locomotion aérienne demandèrent encore plus à l'avion :
le transport de fret de grande valeur, puis le transport de marchandises les
plus diverses.
Toujours dynamiques et doués d'un sens commercial très
développé, les responsables des compagnies aériennes de transport,
nationalisées ou non, s'ingénièrent à satisfaire les desiderata de leurs
clients ... avec les avions commerciaux dont ils disposaient. Et, sur les
aérodromes internationaux, l'on vit débarquer des avions commerciaux le fret le
plus inattendu. Machines-outils, automobiles, ovins ou bovins avaient pris la
place des fauteuils Pullman et de leurs occupants habituels.
L'embarquement, le débarquement de certaines de ces
marchandises, de ces animaux, n'allaient pas sans quelques difficultés.
Devant l'accroissement considérable de la demande de
transport de fret, les compagnies aériennes demandèrent, il y a quelques années
déjà, aux constructeurs, des appareils spécialement conçus pour ce genre de
transport.
C'est ainsi que furent étudiés et réalisés les
avions-cargos.
Le « Bréguet deux ponts ».
— Plusieurs constructeurs dans le monde ont annoncé la
sortie imminente des différents types d'avions-cargos. En France, le célèbre
constructeur Louis Bréguet a terminé la construction et la mise au point de
plusieurs « camions de l'air » de gros et moyen tonnage (5 à 15
tonnes, charge marchande).
Un de ceux-ci a particulièrement retenu l'attention des
techniciens et des utilisateurs éventuels. Dès ses premiers essais, il apparut
que cet avion-cargo aurait la classe internationale. Je veux parler du « Bréguet
deux ponts ».
Cet avion de transport est un quadrimoteur monoplan ; entièrement
métallique, à aile médiane de grand allongement et à empennage à double dérive.
La voilure est intégralement à revêtement travaillant et d'une grande rigidité.
L'atterrisseur, du type tricycle, comporte les
perfectionnements les plus récents. Il s'escamote complètement en vol ; la
roue avant dans la pointe extrême du fuselage et les roues principales dans les
fuseaux moteurs centraux. La sécurité à l’atterrissage est améliorée par le
système de roues jumelées en diabolo.
Cet avion est équipé de quatre moteurs de 2.400 CV au décollage,
grâce au système d'injection d'eau dont ils sont munis.
Les hélices à pas variables en vol sont réversibles afin
d'augmenter le freinage au sol et de réduire ainsi les longueurs d'atterrissage
en charge.
Son poids total est de 50 tonnes ; le « Bréguet
deux ponts » peut ainsi emporter sur un parcours de 2.100 kilomètres une
charge utile de 15 tonnes à une vitesse de croisière approchant celle de 400
kilomètres-heure. Avec 13.000 litres d'essence dans ses flancs, il peut
parcourir près de 6.000 kilomètres sans vent contraire, la charge commerciale
restant encore de 7 tonnes.
Son fuselage de très grand volume est caractérisé par la
présence d'un plancher intermédiaire entre le fond du fuselage et son plafond,
d'où son nom de « deux ponts ». Chacun des deux étages est à la
dimension de l'homme, c'est-à-dire qu'il mesure environ 2 mètres de haut.
Le poste de pilotage est situé dans le bec d'attaque du
fuselage. L'équipage se compose d'un chef-pilote, d'un copilote et d'un mécanicien-radio.
Derrière le poste de pilotage se trouvent installés les postes de navigation,
de radio, avec table à cartes et émetteurs récepteurs radio, ondes longues et
courtes,
Les facilités de chargement.
— Le « cargo deux ponts » a été réalisé pour
offrir le maximum de possibilités d'utilisation en tenant compte de la densité
moyenne des marchandises et de leur mode d'emballage habituel, le principal but
étant, pour un volume de soute déterminé, de développer le plus possible, comme
nous l'avons vu, la surface des planchers, afin de répartir les marchandises et
d'en faciliter la chargement.
Tout contribue, dans la conception du « deux ponts »,
à réduire le temps d'immobilisation de l'appareil au sol.
Quatre grandes portes relevables, commandées par des vérins
hydrauliques, situées à l'arrière du fuselage, donnent accès directement aux
soutes. Une autre porte latérale est située à l'avant du fuselage ; elle
s'ouvre de haut en bas.
Ainsi, ces ouvertures très importantes permettent le
chargement simultané des soutes inférieures et supérieures, avant et arrière,
trois camions pouvant se ranger en même temps « à quai » en long et
en large des soutes.
La partie arrière du pont supérieur est amovible ; elle
peut être supprimée pour permettre le chargement de marchandises très
encombrantes et dont le poids unitaire peut atteindre 12 tonnes.
L'avion se « charge » lui-même, car il est équipé
de moyens de chargement rapides qui ne nécessitent aucune aide mécanique
extérieure. Quatre palans de hissage permettent le chargement par l'arrière ;
de plus, un cinquième palan situé vers la porte avant y facilite le chargement,
il se raccorde aux rails des quatre autres palans qui parcourent tout l'intérieur
du fuselage, aux deux étages.
Par cette rapide description, l'on se rend compte des
facilités de manutention et de remplissage qu'offre présentement l'avion-cargo.
Beaucoup d'autres possibilités sont d'ailleurs offertes par ce dernier :
par exemple, le compartimentage pour le transport d'animaux vivants (porcs,
moutons) en provenance de nos colonies.
Les diverses versions du « deux ponts ».
— Pour terminer, je ne manquerai pas de signaler que trois
autres constructeurs français mettent actuellement au point des avions-cargos :
le « Nord 2500 », le « C. M. 100 ». le «S. O. 30 C. ».
Le « Bréguet deux ponts », d'autre part, n'existe
pas uniquement en version cargo ; douze appareils ont été commandés par Air-France
en version « passagers » suivant les lignes où cette dernière les
utilisera. Les « Bréguet deux ponts » pourront transporter :
soit cent six passagers, 4 tonnes de fret et bagages ; soit, en version
mixte, cinquante-neuf passagers, 8 à 10 tonnes de fret et bagages.
Une expérience serait aussi tentée par notre Compagnie
nationale de transport aérien en faisant bénéficier les passagers du pont
inférieur d'un tarif deuxième classe, ce dernier étant moins confortablement
aménagé que le pont supérieur.
Depuis très longtemps, certains usagers de l'avion réclament
cette innovation. A vrai dire, elle existe déjà sur certaines lignes, mais il
est probable que, grâce à ce nouvel avion de transport à meilleur rendement
commercial, cette innovation se généralisera dans les années prochaines.
Maurice DESSAGNE.
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