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Le modélisme naval

Le maquettisme pour la construction de modèles réduits d'avions, bateaux, ferroviaires, autos, ponts, usines, travaux publics, etc., ne cesse de poursuivre une marche ascendante non seulement chez les professionnels pour des buts utilitaires, mais chez les amateurs pour des fins culturelles ou documentaires ou encore de purs loisirs.

C'est du maquettisme amateur qu'il sera question ici, ainsi que dans une suite d'autres articles et études.

Si le modélisme aéronautique passionne surtout les jeunes, celui touchant les questions navales et les bateaux est de beaucoup le plus important pour les adultes. Celui des ferroviaires est par contre le plus ancien.

Le modélisme naval est aussi le plus complexe. En effet avions, autos et ferroviaires sont des sujets uniquement modernes, tandis que l'art naval fait également appel à l'histoire. Mais, comme il concerne des objets touchant la navigation, il existe deux sortes de réalisations : les unes uniquement de « vitrine » et les autres navigantes.

La question est du reste plus étendue si l'on considère que, pour les bâtiments modernes, il y en a de quatre à cinq catégories : guerre, marine marchande, de commerce ou de passagers, sportive et coloniale.

L'erreur de tous les débutants est de se laisser entraîner par l'attrait du très grand bateau avec tous les détails. On voit des jeunes se lancer dès leurs essais dans la construction d'un Normandie, d'un Richelieu. Il en résulte d'abord de grosses dépenses et aussi, par suite du temps nécessaire à ces grandioses réalisations, des découragements et lassitudes, car il y a des erreurs qui impliquent des recommencements.

On a vu des débutants se lancer du premier coup dans la tentative de reproduire le sous-marin géant Surcouf avec dispositifs de télécommande, des dispositions de plongée et de navigation en surface, du tir des canons, et cela s'est très logiquement terminé par un échec. Même pour un spécialiste, la confection d'un modèle de sous-marin est le thème le plus ardu.

Le débutant devra donc commencer par orienter provisoirement son activité.

Il pourra, s'il est surtout un collectionneur ou un amateur de navigation ... fortuné, acheter des modèles tout construits. Il en existe à tous prix, depuis la maquette de vitrine figurant la caravelle de Christophe Colomb pour deux ou trois cents francs, jusqu'au cuirassé d'escadre au centième qui en coûte des milliers.

Le véritable maquettiste s'orientera vers la construction personnelle. Pour éviter des mécomptes dans ses débuts, il aura intérêt à choisir des modèles simples et à limiter son travail à la construction de la carène. Il trouvera dans le commerce des superstructures compliquées toutes terminées, ainsi que les pièces détachées : ancre, hélices, treuils, cabestan, rouf, hublots, écoutilles, etc.

Il vaut mieux commencer par la maquette de vitrine, mais en s'efforçant de la réaliser cependant comme si elle devait être navigante. S'il y a un défaut de construction — manque d'étanchéité ou d'équilibre, — il n'en résultera ainsi aucune déception, surtout vis-à-vis de l'entourage, et l'on restera sur la position de simple sujet décoratif. Si la réussite est parfaite, ce sera un nouveau succès.

Mais il faut toujours viser au modèle navigant, car un bateau hors de son élément est mort par lui-même, et la seule contemplation finit par se muer en lassitude, sauf pour des modèles exceptionnels ou historiques.

Toutefois le modèle de vitrine peut prendre vie dans un cadre à trois dimensions reproduisant sur le fond un paysage, un fond de mer ou un diorama de pont.

Le meilleur diorama est celui en forme de caisse ou de cube, dont toutes les faces visibles sont remplacées par des vitres, et pourvu d'un éclairage intérieur. Cette réalisation a le gros avantage de se familiariser avec l'outillage, le dessin et les calculs d'échelles et de perspectives.

Le panneau de fond ne devra pas être un tableau de peinture d'une minutie approfondie. Il doit plus suggérer des idées que reproduire un site. On ne saurait, en effet, figurer une mer en tempête avec un bateau immobile.

Il faut apprendre à graduer la perspective avec les angles visuels correspondant le mieux avec la réalité. Pour des raisons dictées par l'expérience, il faudra toujours exagérer les dimensions verticales au préjudice des lignes horizontales. Pour les mêmes raisons, il faudra supposer l'œil ou au niveau de la mer, ou en vue aérienne ; une solution moyenne est toujours défavorable.

Après le fond, les reliefs : une jetée, une digue, des quais sont très faciles à réaliser, mais doivent être raccordés avec la perspective du fond. Cependant un diorama n'est pas un plan en relief.

L'éclairage doit être très soigné, avec plusieurs petites faibles lampes pour autoriser des effets de crépuscule, d'aube ou de pleine lumière. Ces artifices sont identiques à ceux du théâtre avec sa mise en scène.

Pour de très petites maquettes de bateaux, comme celles du commerce pour les sujets historiques, on aura avantage à réaliser des plans en relief, en modelant avec de la pâte à carton légère et solide. On a moins de détails qu'avec le plâtre, mais le travail est grandement facilité. Des pierres éclatées feront merveille pour reproduire des falaises, et du sable figurera à peu de frais une plage.

La mer doit avoir la couleur correspondant à sa profondeur. L'emplacement du bateau sera prévu par une entaille sur un double fond, à moins que l'on n'ait prévu une coque en deux pièces horizontales.

Si l'on a une coque très grande, ou très petite, il faut éviter qu'elle n'écrase le décor ou soit écrasée par lui. En général, on sera satisfait d'un diorama deux fois et demie long comme le bateau.

Une telle présentation doit être simple, et l'on doit se méfier toujours de la tendance au gigantisme avec la reproduction des gratte-ciel de New-York. On sera beaucoup plus satisfait d'un simple petit port de pêche ou d'une grotte avec une minuscule grève sur laquelle sécheront filets et petites barques.

La représentation miniature en style jardin japonais est aussi extrêmement séduisante, car on peut y placer de véritables petits arbustes et surtout des cactées.

Les réalisations sont infinies, et l'on cite le cas de cet amateur novice ayant raté totalement son essai de modèle de bateau qui en fit une épave au milieu d'un aquarium avec un scaphandrier et des poissons exotiques autour. Dans un concours de modélisme, il eut le premier prix !

Cependant ces dioramas ne doivent être considérés que comme des accessoires pour constituer des pièces de salon.

L'intérêt majeur réside dans la confection de maquettes navigantes. Leur réalisation est sans grande difficulté, surtout grâce au Musée de la Marine, qui fournit à des prix très raisonnables des plans simples et parfaits, et procure également des brochures pour les réalisations et constructions.

Dans des articles ultérieurs, nous verrons à donner les grandes lignes des réalisations possibles aux amateurs. Ceux-ci peuvent du reste se grouper en adhérant aux amis du Musée de la Marine,

Sylvain LAJOUSE.

Le Chasseur Français N°648 Février 1951 Page 122