L'humus indispensable

La matière organique, en se décomposant lentement dans le sol, donne naissance à un ensemble de composés complexe désignés sous des noms différents : vieille graisse, vieille force, terreau, matière noire et enfin, plus scientifiquement, sous le nom d'humus. Ce dernier joue un rôle si important que « rien ne saurait le remplacer » ; or, à l'heure actuelle, il est fort difficile de s'en procurer. Que faire ?

Comprenons le rôle important joué par l'humus dans le sol.

— Au point de vue physique.

Une proportion de 1 p. 100 de matières humiques mêlée intimement à du sable ou du calcaire suffit pour donner au mélange une cohésion remarquable, aussi grande que celle obtenue à l'aide de 10 p. 100 d'argile plastique ; le mélange résiste à l'arrosage sans se délayer. L'humus agit donc comme un ciment reliant les différentes particules fines de la terre : on dit que l'humus donne du corps aux terres trop légères, qu'il les rend plus fortes.

Par contre, l'acide humique qu'il renferme diminue la cohésion de l'argile : on dit qu'il ameublit les terres fortes.

Grâce à sa couleur noirâtre, ou tout au moins grâce a sa teinte foncée, il présente l'importante propriété d'emmagasiner la chaleur solaire reçue et de favoriser la germination des graines.

— Au point de vue chimique.

Matière azotée par excellence, l'humus met à la disposition des plantes l'azote indispensable à la vie végétale.

— Détruit par une oxydation lente dans le sol, il résulte que le carbone de l'humine est libéré sous forme de gaz carbonique, qui, dissous dans l'eau du sol, contribue à solubiliser les éléments minéraux du sol et permet ainsi leur assimilation par les plantes.

— Enfin la plupart des sols ont la propriété de retenir, malgré l'action dissolvante des eaux, un certain nombre de matières nutritives nécessaires à la vie des végétaux. C'est à cette propriété particulière que l'on donne le nom de pouvoir absorbant, et l'humus est une des causes du pouvoir absorbant de la terre.

— Au point de vue biologique.

L'humus apporte des microbes ; c'est une véritable culture microbienne qui ensemence le sol en micro-organismes utiles et favorise la multiplication de ceux qui existent déjà dans le sol.

Ainsi, l'humus est le véritable régulateur des propriétés physiques, chimiques et biologiques du sol. Son rôle est capital ; il constitue un précieux auxiliaire des engrais minéraux, dont il favorise dans une très large mesure la bonne utilisation. Il est donc nécessaire et indispensable de maintenir dans le sol un stock de matières organiques et de l'améliorer par des apports continuels.

Pratique de l'apport d'humus au jardin.

Un grave problème se pose pour les jardiniers et amateurs : la pénurie de fumier. En raison du développement de l'automobile, du tracteur, de la motorisation de l'armée, etc., le fumier est devenu rare et coûteux. D'autre part, un emploi abusif d'engrais chimiques sans matière organique suffisante a conduit à une sorte de stérilisation du sol, résultant de l'oxydation et de la disparition de l'humus. Ce grave problême, qui prend une « allure catastrophique », n'a pas échappé au monde agronomique, lequel a entrepris une véritable croisade de l'humus : en 1948, Congrès international de l'humus à Paris ; en 1950, Congrès international de l'humus par le mouton, etc ...

Comment apporter au jardin l'humus nécessaire ?

1° En fabriquant du fumier artificiel ;
2° En enfouissant des engrais verts ;
3° En fabriquant de bons composts.

Fabrication du fumier artificiel.

Disposer sur une surface étanche, quelque peu inclinée, un lit de paille de 60 à 80 centimètres d'épaisseur, arroser fortement trois fois de suite à environ douze heures d'intervalle à raison de 800 litres par tonne de paille. Recouvrir le tout d'une couche de fumier naturel jouant le rôle de « levain » et répandre de façon uniforme un mélange nutritif dont la composition est indiquée ci-dessous. Au lieu d'eau, il est mieux d'arroser avec du purin ou du liquide de la fosse d'aisances. Au bout de deux ou trois jours, il se produit une élévation de température. Procéder alors à un fort tassement de la paille et, au bout d'une dizaine de jours, opérer avec un nouveau lit de paille en recommençant la série des opérations, sauf l'addition de fumier. Il suffit alors de 2 à 3 kilos d'azote par tonne de paille, et on arrose avec le purin recueilli s'écoulant du tas.

Remarques pratiques importantes :

— nécessité d'un « bon pied de fermentation » constitué par du fumier et un apport d'engrais chimique ; la fermentation apporte les microbes indispensables à l'opération, et la température dégagée doit être régularisée par des arrosages fréquents et par un tassement de la masse ;

— protection des parois contre une évaporation trop forte à l'aide de vieilles planches ou de tôles (hauteur du tas : 1m,50) ;

— utilisation possible des feuilles mortes, débris végétaux, marcs, tourbe brute, sciures de bois blanc ou de résineux, etc ...

Utilisation et rendement.

Trois à quatre mois après montage, on obtient un fumier de valeur sensiblement égale à celle du fumier de ferme et on compte que 1.000 kilos de paille donnent 2.500 kilos de fumier.

Enfouissement d'engrais verts.

Cette fumure, utilisée en agriculture, n'est pas assez pratiquée au jardin. Opérer par échelonnement : chaque année, un carré est ensemencé dru (15 kilos à l'hectare) soit, si le sol est calcaire, de trèfle blanc ou incarnat, soit, en sol non calcaire, de lupin blanc, de vesce, de minette, etc. Outre la nourriture retirée pour le clapier, on apportera par enfouissement vers décembre une importante quantité de matières organiques. On remarquera que l'engrais vert est d'autant meilleur que les plantes sont plus jeunes : c'est, en effet, dans la première période de son développement qu'une plante puise le maximum de substances nutritives.

Fabriquons de bons composts.

L'idéal est d'opérer de la même manière que pour faire un fumier artificiel. Mettre en tas, en lits de 20 à 25 centimètres d'épaisseur, séparés par 5 à 6 centimètres de terre, tous les débris de nature organique capables de se décomposer. Il sera bon de faire épouser à la partie supérieure du tas une forme de cuvette afin de pouvoir arroser convenablement de temps en temps, avec du purin, des eaux de vaisselle, etc.

On saupoudrera chaque lit avec de la chaux, qui favorisera la fermentation, la décomposition des matières organiques et leur transformation en azote assimilable.

Ne pas omettre de surveiller le compost en cours de fabrication : entretenir une humidité suffisante, tasser le tas, mais sans exagération ; recouper le compost au bout de trois à quatre mois : démonter le tas par tranches verticales et le reconstruire à côté en prenant bien soin de mélanger toute la masse, afin d'assurer une bonne aération, condition d'une excellente fermentation.

Ne pas mettre au compost les mauvaises herbes, surtout celles déjà montées à graines, afin de ne pas en réensemencer le jardin.

BOILEAU.

Le Chasseur Français N°649 Mars 1951 Page 162