Certains insectes sont particulièrement nuisibles à nos
poiriers et pommiers et sévissent dans presque toutes les régions, causant, si
l'on n'y porte pas remède en temps opportun, le dépérissement, puis la perte complète
des arbres.
Parmi ces parasites, les cochenilles, ou kermès,
sont probablement les plus redoutables. Leurs attaques, insidieuses au début, prennent
tout à coup des proportions telles que l'intervention de l'arboriculteur ne
peut plus donner de résultats positifs. Les récidives sont, d'ailleurs,
fréquentes, et il faut une grande continuité de soins pour en triompher. Le
plus souvent, c'est l’insecte qui a le dernier mot, consommant la ruine de la
plantation.
Les kermès se distinguent nettement des pucerons par
l'immobilité des femelles adultes et par l'existence d'une carapace qui protège
les œufs. Fixée sur l’écorce, la femelle est également recouverte d'un bouclier
plus ou moins large et épais qui la préserve contre les insecticides ; sur
certains arbres, les insectes sont si nombreux que l'écorce disparaît sous une
croûte épaisse formée par les carapaces vides accumulées et recouvrant les plus
jeunes sous lesquelles s'abrite la femelle pondeuse. Au moment de la ponte, les
œufs s'entassent sous le bouclier ; la femelle meurt presque aussitôt. Les
Jeunes larves, écloses des œufs, sont d'abord très mobiles et se répandent sur les
parties vertes de l'arbre, puis, au bout de quelque temps, s'immobilisent en un
point quelconque de l'écorce. Leurs pattes disparaissent alors, cependant
qu'une carapace de protection se forme au-dessus de chacune de ces larves.
Les kermès sont pourvus de suçoirs longs et fins au moyen
desquels ils puisent la sève à travers l'écorce. Ils épuisent ainsi le végétal
sur lequel ils ont pris un point d'appui.
Différentes espèces de kermès ou cochenilles.
— Les espèces les plus dangereuses pour les cultures
fruitières sont la cochenille virgule, la cochenille ostréiforme,
la cochenille rouge du poirier et le pou de San José, ce dernier
très redoutable, mais encore peu répandu fort heureusement.
La cochenille virgule a, comme l'indique son nom, un
bouclier en forme de virgule, de couleur brune, de 3 à 4 millimètres de long.
La femelle, blanchâtre, pond, vers la fin de l'été, une quarantaine d'œufs qui
passent l'hiver sous la carapace maternelle et éclosent au printemps. Le
pommier est surtout attaqué par cette espèce, que l'on ne trouve
qu'exceptionnellement sur le poirier.
La cochenille ostréiforme (en forme d'huître) a un
bouclier rond, gris argenté, d'environ 2 millimètres et demi de diamètre. La
femelle, de couleur jaune vif, passe l'hiver à l'état adulte et pond seulement
au printemps. Les larves éclosent au début de l'été, le plus souvent en juin.
Cette espèce, commune sur le pommier et le poirier, attaque presque toutes les
essences fruitières.
La cochenille rouge du poirier est très dangereuse.
Cette espèce s'observe sur le poirier et aussi sur le prunier, sur l'écorce
desquels elle forme de véritables croûtes la recouvrant. Le bouclier, de
couleur gris sale, est circulaire et atteint à peine 2 millimètres. Il recouvre
une femelle rouge vineux qui passe l'hiver à l'état adulte et pond au
printemps. Les larves éclosent en juin.
Le pou de San José, le plus redoutable de tous en
raison de la rapidité de sa multiplication, nous est venu de Californie
quelques années avant la dernière guerre. Repéré, dès son introduction, par les
services de la protection des végétaux et vigoureusement combattu, il ne s'est
encore guère étendu en France. Le bouclier, de couleur ardoisée, est circulaire
et atteint 1 millimètre à 1 millimètre et demi. La femelle, jaune citron,
ressemble beaucoup à la cochenille ostréiforme et ne peut être déterminée que
par un examen au microscope. Cette espèce attaque toutes nos essences
fruitières, ainsi qu'un grand nombre d'arbres forestiers et d'ornement.
D'études relativement récentes faites sur la question, il
semble résulter que le développement des cochenilles est fortement influencé
par le milieu dans lequel elles vivent. Par exemple, le milieu alcalin leur
convient particulièrement. C'est ainsi que les plus graves invasions
s'observent souvent dans les vergers traités avec des bouillies bordelaises
contenant trop de chaux. Il est donc recommandé de bien vérifier la composition
des bouillies ou d'utiliser les bouillies à l'oxychlorure de cuivre, qui n'ont
pas le même inconvénient.
Moyens de lutte.
— Nous disposons actuellement de produits insecticides
permettant une lutte efficace.
Les traitements peuvent être effectués soit en été, peu
après l'éclosion des jeunes larves et alors qu'elles sont encore mobiles, soit
en hiver contre la cochenille ostréiforme, la cochenille rouge du poirier et le
pou de San José. Mais les traitements d'hiver sont sans effet sur la cochenille
virgule, dont les œufs sont trop bien protégés par la carapace dont ils sont
recouverts en cette saison.
Les huiles blanches, ou huiles de pétrole,
comptent parmi tes produits les plus actifs. On les utilise, en hiver, à la
dose de 3 p. 100, et, pendant le cours de la végétation, à 1 p. 100 seulement.
Elles recouvrent d'une pellicule mince, mais sans solution de continuité, la
carapace des cochenilles, isolent l'insecte de l'air extérieur, provoquant son
asphyxie dans un assez court délai.
Le traitement d'hiver gagne à être complété en juin. A cette
dernière époque, l'huile blanche peut être simplement ajoutée à la bouillie cupro-arsenicale
utilisée contre la tavelure et le carpocapse. Elle s'y mélange parfaitement.
Mais il ne faut, en aucun cas, la mélanger avec une bouillie sulfocalcique ou
avec un produit contenant du soufre. De même, il doit s'écouler au moins quinze
jours entre un traitement à l'huile blanche et un traitement à la bouillie sulfocalcique,
ou vice versa.
E. DELPLACE.
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