L'hybridation du maïs n'est pas une question nouvelle pour
les lecteurs du Chasseur Français (voir numéro de mai 1950), mais elle
est tellement d'actualité qu'il n'est pas inutile d'y revenir et d'apporter de
nouvelles précisions.
On savait depuis longtemps qu'un des résultats de
l'hybridation du maïs était un accroissement de rendement, mais on cultivait
trop peu de maïs en France pour qu'on systématisât la technique de
l'hybridation, et les sélectionneurs s'intéressaient surtout aux céréales plus
répandues chez nous : blé, avoine, orge ; le maïs ne présentait pour
eux qu'un intérêt secondaire.
Il en fut tout autrement aux États-Unis, où la culture du
maïs joue un rôle considérable dans l'économie nationale, et l'idée, une fois
admise, fut expérimentée et diffusée avec les méthodes publicitaires en usage
en ce pays.
En quinze ans, grâce aux maïs hybrides, le rendement moyen
du maïs à l'hectare y passait de 15 quintaux à 20 quintaux, soit une
augmentation de 1/3. Ces chiffres ne donnent d'ailleurs pas la limite de
production des maïs hybrides, qui, en bonnes terres bien fumées et engraissées
et climat favorable, peuvent donner beaucoup plus et atteindre 35 et 40
quintaux.
Les maïs hybrides américains proviennent d'un croisement
double : quatre lignées pures autofécondées, choisies en raison de leurs
aptitudes comme géniteurs, sont croisées deux à deux : A x B et C x D.
On obtient alors des hybrides simples, qui sont, à leur tour, croisés entre eux :
(A x B) x (C x D). Ce croisement donnera la semence qui
sera livrée au commerce. Cette semence est homogène et donnera une production
régulière, mais elle ne pourra servir qu'un an ; si on semait l’année
suivante le maïs obtenu par les hybrides doubles, on obtiendrait alors une population
extrêmement bigarrée du plus fâcheux effet, et de rendement médiocre. Il faut
donc changer la semence tous les ans en s'adressant aux producteurs d'hybrides
qui, eux, repartent sans cesse des géniteurs d'origine.
Le prix de cette semence est sensiblement plus élevé; que
celui du maïs de consommation et cela constitue une charge au passif de cette
méthode de culture ; mais, étant donnée la faible quantité de semence à
l'hectare nécessaire pour la culture du maïs (20 à 25 kilos avec des semences
pures de bonne faculté germinative, au lieu de 30 à 40 kilos avec des semences
quelconques) la charge supplémentaire, de l'ordre de 800 à 1.000 francs par
hectare, n'est pas excessive et laisse encore un large profit par
l'augmentation de récolte en perspective.
Le climat des États-Unis n'est pas celui de la. France et,
dans la collection des maïs hybrides américains, il convient de faire un choix.
On peut, à l'heure actuelle, conseiller :
— pour l’Alsace : Wisconsin 240, .Wisconsin 245, United 20, United 22 ;
— pour la région parisienne : Wisconsin 240, Wisconsin 255, United 20 ;
— pour la Bresse : Wisconsin 255, United 20, United 22 ;
— pour la vallée de la Garonne : Minhybrid 706, Wisconsin 255, Wisconsin 355, Wisconsin 416, United 24, United 26, Wisconsin 464, Dekalb 56 ;
— pour la plaine de Tarbes : Wisconsin 255, Wisconsin 355 ;
— pour le Béarn et le Pays basque : Wisconsin 416, Wisconsin 464 ;
— pour la Chalosse: United 24, United 26, United 28, United 3, Minhybrid 706, Dekalb 56, Iowa 44l7.
On peut se demander pourquoi nous importons des maïs
hybrides américains au lieu de les produire chez nous en partant de variétés
nationales bien adaptées à nos sols et à notre climat. Le problème n'a pas
échappé à l'Association générale des producteurs de maïs, et d'importants
travaux sont en cours ; mais il faut, en pareille matière, un minimum de
temps pour obtenir des résultats sérieux. On estime que, pour obtenir les
lignées pures de base, il faut de cinq à sept ans ; les essais de croisement
des lignées autofécondées demandent de une à trois années ; l'obtention
d'hybrides simples, un an ; et, enfin, l’obtention des hybrides doubles,
un an ; soit, au total, de huit à douze ans. Encore faut-il avoir obtenu à
ce moment quelque chose de supérieur à ce qui existe déjà, sans quoi il est évidemment
inutile d'encombrer !e marché d'une variété nouvelle, aux performances
insuffisantes.
Des travaux sont en cours, et d'ici peu sortiront des
variétés françaises qui donneront certainement toute satisfaction aux usagers
et libéreront notre balance commerciale de la charge que constituent nos achats
de semences de maïs à l'étranger.
Une objection souvent présentée est qu'on risque, avec
l'augmentation continue des rendements, de connaître une surproduction, qui
amènerait un effondrement des cours. Le danger ne semble pas imminent, car les
besoins mondiaux en grains de toutes sortes sont loin d'être satisfaits, et il
ne faut pas oublier que la « crise » de 1933-1938 était due, en
France, pour une bonne part à des importations massives (de maïs en particulier).
De toute façon, ceux qui produiront à meilleur compte, donc qui auront les plus
gros rendements, seront ceux qui s'adapteront le mieux aux circonstances
quelles qu'elles soient.
R. GRANDMOTTET,
Ingénieur agricole.
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