Beaucoup de lecteurs se demanderont certainement, à la lecture
de ce titre, ce qu'il signifie exactement.
Il s'agit d'une innovation sensationnelle qui constitue, en
fait, une véritable révolution en aviculture, et dont les lecteurs du Chasseur
Français auront vraisemblablement la primeur, car, à ma connaissance, un tel
sujet n'a encore été exposé par aucune publication avicole française.
Qu’est-ce qu’une litière profonde ? Alors que jusqu'à ce
jour tous les manuels d'aviculture et les praticiens s'accordaient pour
reconnaître que la litière des poulaillers devait être fréquemment renouvelée,
des expérimentateurs canadiens, et non des moindres, puisque le professeur W.
A. Maw, du collège Macdonald, en est un des promoteurs, exposent et démontrent
actuellement le résultat des expériences basées sur un principe diamétralement
opposé.
Ils ont muni les poulaillers d'expérience d'une épaisse litière
de paille hachée, bales d'avoine, jonc, tourbe, etc., en débutant par une
épaisseur de 10 à 15 centimètres, et n’ont rien enlevé jusqu’à ce qu’elle
atteigne 15 à 28 centimètres, mais sans jamais permettre le tassement de la face
supérieure. La litière est remuée fréquemment à la fourche afin de l’aérer et d’en
diminuer les particules composantes, jusqu'à obtention d'une sorte de compost.
Les innovateurs, enthousiastes, et qui utilisent cette
formule depuis plusieurs années, prétendent qu’il est démontré maintenant
qu'une telle litière possède une valeur alimentaire pour les troupeaux de ponte
et de reproduction et que des poussins élevés sur de telles litières provenant
des parquets adultes ont tous atteint sans encombre l’âge de huit semaines.
Le journal avicole La Ferme, de Montréal, donnait,
dans son numéro d'octobre dernier, les quatre exigences fondamentales qui conditionnent
le bon fonctionnement d'une litière profonde ; ce sont :
1° La profondeur. — La litière profonde demande une
épaisseur de 15 à 28 centimètres pour avoir le volume ou réservoir nécessaire à
l'absorption des déjections fraîches et de l'humidité, sans s'agglomérer, et pour
libérer diverses activités chimiques et biologiques.
2° Remuement. — Pour maintenir à la litière ses qualités
absorbantes, il faut la remuer dès que sa surface devient collante ou a
tendance à s'agglomérer. De plus, par ce remuement, les excréments nouveaux et
la surface souillée se mêlent a la matière du fond où, à la suite d'activités
chimiques et biologiques, l'assainissement s'opère. Cet assainissement est
analogue à celui qui se fait dans un tas de compost.
3° Humidité. — Les activités chimiques, biologiques
et assainissantes, dans uns litière profonde, réclament de l'humidité dans une
proportion pareille à celle qui se trouve généralement dans une litière sur
plancher non chauffé. L'apport constant de l'humidité, provenant des déjections
et des alentours de l'équipement d'abreuvage, suffit d'habitude, même par temps
d'été sec, quand la litière semble être sèche et peut même être poussiéreuse.
On ne peut pas tirer d'un plancher chauffé, où la litière
est trop mince, les avantages espérés d'une litière profonde.
4° Chaleur. — La chaleur nécessaire aux activités
biologiques et chimiques, dans la litière profonde, ne demande pas, en général,
une attention particulière, sauf par périodes de froids exceptionnels prolongés.
Même dans ce cas, la chaleur dégagée par les oiseaux et par la litière elle-même
est suffisante dans les poulaillers bien isolés pour maintenir, durant les
hivers froids, une température de quelques degrés au-dessus de la température
extérieure,
De plus, sur les planchers à niveau du sol (béton ou terre),
la température d'une litière profonde en fonctionnement serait beaucoup plus élevée
et moins sujette à fluctuations que celle du local. Dans certaines
circonstances défavorables, il peut être nécessaire de chauler la litière pour lui
conserver sa faculté d’absorption, mais l'addition de chaux ne se fait que
lorsque l'humidité est vraiment par trop considérable.
Il est certain que cette nouvelle méthode est un des
meilleurs procédés pour réduire la main-d'œuvre dans une exploitation avicole
et, si ses avantages sont vraiment reconnus, je suis persuadé qu'elle se
développera rapidement en France et sera bien vite adoptée de la majorité des éleveurs.
La litière profonde fait surgir quelques considérations spéciales
de logement. En raison de son épaisseur, la hauteur totale des poulaillers
devra être augmentée de 25 centimètres environ. Il y aura probablement avantage
à prévoir une sorte de caisson sur le sol, de façon que l'ouverture des portes
ne soit pas gênée par la litière, et la ventilation devra être accrue afin
d'éviter les concentrations ammoniacales lorsqu'une période de temps doux fait
suite à une période de temps plus froid.
Le sérieux des documents qui sont en ma possession m'ont
persuadé que cette innovation était basée sur des expériences prolongées et, si
des lecteurs décident d'essayer la « litière profonde », je leur
serai reconnaissant de me tenir au courant des résultats qu'ils obtiendront.
R. GARETTA,
Expert avicole.
|