Nous avons vu dans notre précédente causerie la façon de
transvaser directement un panier ou ruche vulgaire dans une ruche à cadres.
Cette méthode peut paraître un peu ardue aux débutants ; pour ceux qui
hésiteraient à l'employer, nous allons indiquer des moyens plus faciles pour
peupler des ruches à cadres en partant des paniers.
1° Par superposition.
— On emploie ce procédé avec des paniers de petite
contenance. Il consiste à mettre une ruche à cadres à l'emplacement du panier,
ce dernier étant posé sur la ruche de manière à obliger les abeilles à passer à
travers cette dernière pour entrer et sortir. Cette opération se fait dès les
premiers beaux jours. Lors de l'agrandissement du champ de ponte et la chaleur
aidant, si la saison est bonne, la reine descendra pondre dans les cadres de la
ruche, le panier étant utilisé par les ouvrières pour emmagasiner les provisions.
En automne, le panier est enlevé et récolté. La ruche à
cadres est visitée afin de s'assurer s'il y a suffisamment de miel pour
l'hivernage ; compléter si besoin est.
Il peut arriver aussi que, la saison étant défavorable, la
reine se cantonne dans le panier ; auquel cas on laissera tel que, en
espérant que l'opération réussira mieux l'année suivante.
Donc prendre le panier, l'enfumer, couper les bâtisses de
cire jusqu'au couvain. Découper ensuite le pourtour au niveau des rayons.
Installer la ruche à cadres garnie de cire gaufrée à la place du panier, sans
les planchettes de recouvrement. Poser directement le panier sur les cadres.
Bien calfeutrer tout ce qui n'est pas recouvert par le panier avec des
planches, chiffons, etc., de manière qu'il n'y ait aucun passage pour les
abeilles, lesquelles seront ainsi obligées de passer à l'intérieur de la ruche
à cadres pour entrer et sortir.
2° Par renversement.
— C'est l'opération inverse de la précédente. Elle peut
réussir si le panier est assez fort et l'année favorable. On la pratique un peu
plus tard, par exemple deux semaines avant la grande miellée ; effectuée
trop tôt, il y a des risques de refroidissement.
Déplacer le panier après l'avoir enfumé. A l'emplacement
qu'il occupait, creuser un trou de manière que la moitié du panier puisse s'y
enfoncer. Il y aura intérêt à couper le bas des bâtisses qui sont vides et le
pourtour du panier, ce qui diminuera son volume et augmentera les chances de
réussite.
Percer le plateau de la ruche d'un diamètre un peu inférieur
à celui du panier. Renverser ce dernier dans le trou préparé, bien tasser la
terre autour. Poser dessus le plateau percé, puis la ruche à cadres garnie de cire
gaufrée de manière que l'ouverture se trouve aussi exactement que possible à l’endroit
où elle était auparavant. Bien boucher tous les autres interstices et bien caler
le tout.
A la fin de l'été, on s'assurera si l'opération a réussi en
visitant les cadres de la ruche qui devraient contenir du couvain. Dans ce cas,
le panier vide sera enlevé, le trou rebouché et la ruche remise en place après
avoir remplacé le plateau percé par un autre normal. Si, au contraire, la reine
n'est pas montée, il faudra enlever la ruche à cadres et remettre le panier
dans sa position naturelle jusqu'à la saison prochaine.
3° Par essaims naturels.
— Celui qui a la possibilité de surveiller son rucher à
l'époque de l'essaimage a une façon bien simple de garnir ses ruches à cadres,
il consiste tout simplement à garder les paniers comme pépinière à essaims ;
on sait en effet qu'un panier essaime tous les ans, les abeilles manquant de
place au moment de la grande ponte. Lorsqu'un essaim se produit, le récolter
dans une caissette et le soir, à la tombée du jour, l'introduire dans une ruche
à cadres avec cire gaufrée. Si on possède déjà des ruches garnies dont les
cadres soient de mêmes dimensions, donner un cadre de couvain à l'essaim. Le
nourrir au sirop, au début, pour l'aider à se fortifier.
4° Par essaims artificiels.
— Cette méthode est applicable à condition d'avoir au moins
deux forts paniers. Elle offre plus de chances de réussite que les précédentes,
mais n'est pas très rapide.
Nous avons donc deux paniers n°1 et n°2.
Prendre le panier n°2, le transporter à l'ombre, le
retourner, le coiffer d'un panier vide et pratiquer la chasse des abeilles par
tapotement pour les faire monter. (Nous avons décrit cette opération dans notre
précédent article.)
Lorsqu'on est bien certain que la reine est montée avec le
gros des abeilles, ce qui est indispensable pour la réussite du transvasement,
verser l'essaim dans la ruche à cadres préparée avec de la cire gaufrée, ou les
y faire pénétrer par l'entrée normale, à son choix. Les abeilles étant dans la
ruche à cadres, mettre celle-ci à la place du panier n°2. Le panier n°2 à son
tour est transporté à la place du panier n°1, qui est déplacé de quelques
mètres.
Trois semaines après, exactement, tout le couvain
d'ouvrières du panier n° 2est éclos ; il ne reste plus qu'à le récolter
entièrement ; on réunira les abeilles à une autre ruche faible, à moins
qu'on ne préfère conserver le tout intact, ce qui fera une colonie de plus dans
le rucher. De toute façon, une ruche à cadres a été garnie.
5° Méthode semi-directe.
— Ne découper au panier que la valeur d'un cadre de couvain
qui est placé dans la ruche à cadres. Chasser les abeilles du panier avec la
reine et les introduire ensuite dans la ruche à cadres. Poser une grille à
reine sur le dessus, puis le panier. Trois semaines après, récolter le panier
qui n'a plus de couvain.
Nous espérons que chacun trouvera la méthode lui convenant
parmi celles indiquées, car il arrivera fréquemment, au cours d'une carrière
apicole, d'avoir à pratiquer l'une ou l'autre.
Roger GUILHOU,
Expert apicole.
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