Les légumes primeurs ne sont pas encore à la portée de
toutes les bourses et cependant, après un long hiver froid, où féculents,
pâtes, riz ont pris une grande place dans nos menus, nous éprouvons le désir de
manger des légumes verts ; ce désir correspond d'ailleurs à un besoin de
l'organisme qui demande sels minéraux et vitamines, dont les aliments riches en
hydrates de carbone et matières azotées que nous avons absorbés au cours de
l'hiver étaient le plus souvent dépourvus.
Parmi les légumes bon marché que l'on peut aisément se
procurer en cette saison, se trouve en premier lieu le poireau.
On peut ne pas l'aimer, à cause peut-être de son odeur
particulière ; il n'en est pas moins un des meilleurs qui soient à la santé.
Dans l'antiquité, Hippocrate le prescrivait pour favoriser « là
diurèse, relâcher le ventre, arrêter les éructations, faire cesser la stérilité
et guérir la phtisie ». Des travaux scientifiques modernes, il résulte que
« le mucilage contenu dans le suc du poireau, et recueilli par expression,
possède une propriété émolliente élective sur la muqueuse pharyngienne
adultérée par le processus d'inflammations catarrhales aiguës et chroniques ;
il se recommande donc dans tous les cas de pharyngites, laryngites, trachéites,
bronchites, où il agit comme expectorant et détersif » ... De plus,
sa trame cellulosique, ses proportions en sels et en essence sulfo-azotée en
font un « rafraîchissant » par excellence. Les artérioscléreux, les
cardio-rénaux, les obèses, les arthritiques, les goutteux se trouveront bien de
son emploi régulier dans les préparations culinaires variées auxquelles ce
légume se prête.
S'il est apprécié de certains malades, le poireau l'est
aussi de fins gourmets. Les plats aux poireaux sont appétissants et de
digestion facile. Sa valeur alimentaire est restreinte, c'est entendu, puisque,
d'après les travaux du professeur Alquier, sa composition est la suivante :
Eau |
88,63 |
Substances azotées |
2,38 |
Corps gras |
0,43 |
Hydrates de carbone |
7,43 |
Matières salines |
1,13 |
II contient également des vitamines, surtout la partie
verte.
Pauvre en matières azotées et en hydrates de carbone, nous pouvons,
dans nos menus, associer le poireau aux lentilles, haricots secs, pois (qui
contiennent autour de 22 p. 100 de matières azotées et 60 p. 100 de glucides),
aux céréales, aux pâtes, aux œufs.
Mais, surtout, gardons-nous de jeter l'eau de cuisson des
poireaux : utilisons-la pour faire des potages, très appétissants, légers
et cependant nutritifs, en y jetant simplement pâtes, vermicelle, tapioca,
semoule, flocons d'avoine, ou même croûtons grillés.
Chacun sait qu'il n'est pas de bon bouillon de légumes où le
poireau ne figure. Mais essayons de varier sa présentation, et usons ainsi de
ses vertus bienfaisantes.
Voici donc quelques recettes :
Poireaux, en asperges.
— Prendre le blanc des poireaux, les ficeler en paquets, les
couper d'égale longueur, puis les cuire une demi-heure à l'eau salée. Les
dresser sur un plat, comme les asperges, et servir avec une sauce mayonnaise
(on peut aussi simplement servir avec une sauce à salade : huile, jus de
citron, sel).
Soufflé picard.
— Cuire le vert des poireaux précédents (ou des poireaux
entiers) à l'eau bouillante salée, puis les passer au tamis en les pilonnant
pour les réduire en purée. Y incorporer une sauce faite avec une cuillerée de
farine dans un quart de litre de lait, cuite quelques minutes sur le feu
jusqu'à épaississement convenable, et à laquelle on a ajouté deux jaunes
d'œufs. Bien mélanger le tout, puis y incorporer les deux blancs battus en
neige ferme. Saler. Verser dans un plat beurré et mettre à four chaud.
Poireaux au gratin.
— Bien nettoyer les poireaux, les couper en morceaux de 3
centimètres environ. Les cuire une demi-heure dans l'eau salée, puis les égoutter.
Faire d'autre part une sauce avec une cuillerée de beurre,
une de farine, une demi-tasse d'eau de cuisson, une demi-tasse de lait chaud,
une pincée de sel et une bonne cuillerée de fromage râpé.
Mettre les poireaux dans un plat beurré allant au four. Recouvrir
avec la sauce. Parsemer de petits morceaux de beurre. Saupoudrer de panure et
faire gratiner au four.
Poireaux à l'étouffée.
— Cuire deux minutes seulement, à l'eau bouillante salée, le
blanc de quelques poireaux. Les égoutter et les passer au beurre quelques
minutes. Saupoudrer d'une cuillerée de farine, arroser d'une tasse d'eau de
cuisson et laisser mijoter une heure.
Gâteau picard.
— Prendre les feuilles vertes des poireaux précédents (ou
des poireaux entiers), laver à grande eau, couper finement, faire revenir dans
un corps gras chaud. Saler, et cuire tout doucement pendant une heure. Préparer
d'autre part une pâte à tarte, l'étendre au rouleau et en garnir une tourtière
graissée. Mélanger deux œufs bien battus (pour six personnes) aux poireaux
précédemment cuits et mettre sur la pâte de la tourtière une couche uniforme de
poireaux. Recouvrir d'une seconde abaisse de pâte et souder les bords. Parsemer
de beurre et cuire trois quarts d'heure au four.
Poireaux à la crème.
— Laver les poireaux, les couper en petits morceaux de 2 ou
3 centimètres de long, les faire cuire à l'eau salée. Quand ils sont cuits, les
égoutter.
Préparer d'autre part une sauce avec une cuillerée de farine
délayée dans un quart de litre de lait, laisser cuire quelques minutes jusqu'à
épaississement voulu. Ajouter alors une tasse de crème fraîche (ou une tasse,
de « croûtes de lait » relevées sur du lait bouilli), bien remuer,
ajouter les poireaux préalablement cuits, saler, remettre sur le feu en remuant
jusqu'à ébullition. Servir chaud.
Salade de poireaux au riz.
— Pour six personnes, prendre six blancs de poireaux moyens,
100 grammes de riz. Éplucher et laver les poireaux à l'eau courante, les cuire
une demi-heure à l'eau bouillante salée, les égoutter.
Laver le riz et le faire cuire quinze minutes dans une grande
quantité d'eau bouillante. L'égoutter, le rafraîchir et le sécher dans un
linge.
Disposer le riz dans un plat, découper les poireaux en
tronçons et les disposer harmonieusement tout autour du riz et au-dessus en
faisant des dessins. Arroser de la sauce suivante, préparée à part ; trois
cuillerées de jus de citron dans lequel on fait dissoudre une bonne pincée de sel,
trois cuillerées d'huile que l'on mélange et émulsionne par le battage au
fouet.
Beignets de poireaux.
— Utiliser le vert des poireaux précédents (ou des poireaux
entiers) en les faisant d'abord cuire une demi-heure à l'eau bouillante salée.
Les bien égoutter, les hacher, les mélanger à une pâte à
beignets (un œuf, une pincée de sel, un peu d'eau, de la farine en assez grande
quantité pour avoir une pâte épaisse à peine fluide) ; jeter, cuillerée à
soupe par cuillerée, dans la friture bouillante ; retourner ; retirer
quand c'est doré ; servir chaud.
Hachis de poireaux (convient spécialement pour utiliser
le vert des poireaux).
— Cuire les poireaux à l'eau bouillante salée ; les
retirer, les bien égoutter, les hacher très menu. Mettre le hachis dans une
casserole, le faire revenir dans un corps gras. Laisser mijoter pendant une demi-heure
sur feu doux, puis servir avec garniture de croûtons frits.
A. PEYREFITTE.
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