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La cote française des Somalis

Ce territoire, d'une superficie de 23.000 kilomètres carrés, en grande partie désertique, est situé en Afrique orientale, à environ 12° de latitude nord, à la sortie de la mer Rouge. Il est borné au nord par l'Érythrée, à l'est par le golfe de Tadjoura, qui avance en pointe à l'intérieur, et par une ligne droite partant des puits d'Hadon, en direction de Gildessa, qui le sépare du Somaliland britannique au sud, et, à l'ouest, 1'Éthiopie.

A l’entrée du golfe de Tadjoura se trouvent les îles Moucha.

Au fond du golfe, un étranglement sert d'entrée à une baie de forme ovale, longue de 13 milles sur 6 de large. Les bords de ce bassin nommé le Gubbet-Karab, qui paraît être un ancien cratère, sont escarpés et arides. Le Gubbet-Karab est très profond, plus de 150 mètres de profondeur.

M. Henri Besarie, géologue en chef des colonies, a récemment publié une carte géologique et un rapport de mission étudiant cette colonie. II nous dit :

« La côte française des Somalis comprend, d'une part, à l’intérieur, une bande côtière de terrains sédimentaires, bordant le golfe d'Aden et la baie de Tadjoura, et, d'autre part, à l'intérieur, un complexe montagneux très fracturé de plateaux et chaînes volcaniques, avec des plaines effondrées qui sont aujourd'hui le centre de bassins fermés.

» La plus grande partie de la colonie appartient à la zone d’effondrement de l'Afar, vaste pays limité à l'ouest par la falaise d'Ankober-Massaoua, au sud par les fractures de l’Aouache et du Harrar. L'extrême sud, qui s'appuie sur le plateau Issa-Somali, forme des terrains gneissiques et sédimentaires. Entre les plateaux abyssins et la mer, l'Afar présente de nombreuses cassures qui ont compartimenté le pas en une série de horsts formant des plateaux de hauts reliefs et les fosses occupées par les plaines. »

Le pays ne possède pas de cours d'eau permanents ; on ne trouve que quelques lacs et des puits. Il existe quelques cours d'eau souterrains qui subsistent même pendant les plus fortes sécheresses.

Climat.

— Il ne pleut presque jamais. Le climat est très rude dans ce désert tropical ; c'est un des plus chauds du monde, mais il est sain. Très peu de paludisme. L'Européen doit se préserver sérieusement des insolations. Le séjour normal est de deux ans.

Population.

— En grande partie composée de nomades, elle est d'environ 45.000 habitants. Les autochtones appartiennent à deux races principales : au nord, les Danakils ; au sud, les Somalis. Tous nomadisent en poussant devant eux leurs troupeaux de chèvres, moutons à tête noire et chameaux. Ils sont musulmans.

Djibouti, seule ville du territoire, compte environ 17.000 habitants. Quelques centaines d'Européens, Français, Anglais, Italiens, Grecs, Turcs, Américains, puis des Africains et Asiatiques, Égyptiens, Syriens, Arméniens, Indiens, Abyssins, Arabes, Juifs d'Asie, Soudanais. La pénurie des locaux d'habitation est grande.

Service de santé.

— Un hôpital moderne de 200 lits existe ; il y a cinq médecins, un pharmacien et des auxiliaires européens et autochtones. Deux dispensaires à Djibouti et quatre autres à Tadjoura, Dikhil, Obock et Ali-Sabieh.

Agriculture.

— Le pays se prête peu à l'agriculture par suite du manque d'eau. Cependant des jardins auprès des centres produisent pendant six mois des légumes tels que : tomates, carottes, radis, melons, etc. Un effort est fait pour un équipement hydraulique permettant d'augmenter le ravitaillement en légumes et fruits frais.

Pêche.

— La faune marine est abondante ; on trouve la bonite, le thon, le maquereau, le mulet, la crevette, le crabe, 1a langouste, des huîtres. Les pêcheurs opèrent le long de la côte avec de petites embarcations. On étudie la possibilité de la pêche industrielle, en particulier celle du requin. On rencontre aussi des huîtres perlières, des trocas, du corail et des éponges.

Chasse.

— Le gibier est abondant autour des points d'eau : lièvres, francolins, outardes, gazelles de toutes sortes, antilopes, koudous, phacochères, onagres ; près des lacs : hippopotames, caïmans, guépards, léopards, hyènes, chacals, chats sauvages, boas.

Mines.

— Dans son étude, M. H. Besarie signale des indices de cuivre découverts par M. Aubert de La Rue, ainsi que du manganèse ; puis du tripoli, des pierres siliceuses, des rubis, du gypse, de la potasse, des pierres à chaux ; enfin, près du chemin de fer, des grès pour construction et pavage.

Le lac Assal, d'une superficie de 55 kilomètres carrés, à l'altitude de 150 mètres au-dessous du niveau de la mer, se trouve dans un fossé très ventilé ; une amenée d'eau venant du Gubbet-Karab permettrait d'obtenir une belle quantité d'énergie électrique, utilisable tant pour le chemin de fer que pour les autres usages à créer à Djibouti.

Industrie.

— Une usine à glace, une station thermique productrice d'énergie électrique, les ateliers du chemin de fer. Les salines de Djibouti s'étendent sur 457 hectares et font de 50.000 à 60.000 tonnes de sel par an. Elles disposent d'un matériel très moderne et sont reliées au chemin de fer.

Chemin de fer.

— Le chemin de fer de Djibouti à Addis-Abéba, concédé par le Négus en 1894, commencé en 1898, a été terminé en 1917. Il a 784 kilomètres, dont 92 en territoire français ; il est à voie de 1 mètre, il a transporté jusqu'à 450 tonnes par jour, soit les trois quarts du trafic éthiopien. Ce n'est qu'en juillet 1946 que la compagnie concessionnaire a pu rentrer en possession de la ligne. Elle a encore beaucoup de travaux à faire pour réparer les avaries et l'usure provenant de la guerre.

Routes.

— Vingt-cinq kilomètres de routes empierrées et goudronnées autour de Djibouti, 50 autres kilomètres de routes non empierrées et 250 kilomètres de pistes automobilisables en toutes saisons.

P. T. T.

— Un bureau de postes ouvert à toutes les opérations pour la métropole et l'Union française. Pour les communications intérieures, douze stations de T. S. F. de petites puissances. Deux stations de T. S. F. à grande puissance assurent les communications avec l'extérieur.

Enseignement.

— L'enseignement primaire élémentaire est donné par une école publique mixte comprenant douze classes et 300 élèves ; il y a une classe d'enseignement professionnel.

Commerce.

— A l'exception du sel et de la petite consommation locale, tout ce qui est importé ou exporté est à destination ou en provenance de l'Éthiopie. En 1949, les importations se sont élevées à 67.977 tonnes, valant 1.940.200.000 C. F. A. (le franc C. F. A. vaut actuellement le double du franc métropolitain) ; 10.229 tonnes venaient de France, 781 tonnes de l'Union française, 4.934 tonnes de la Grande-Bretagne, 600 tonnes d'Aden, 26.670 tonnes d'Ethiopie, 2.588 tonnes de l'Iran, 581 tonnes des États-Unis d'Amérique.

A l'exportation, il est sorti 155.134 tonnes, valant 1.490.200.000 C.;F. A. Les parts respectives sont de 253 tonnes pour la France, 3.447 tonnes pour l'Union française, 437 tonnes pour la Grande-Bretagne, 4.152 tonnes pour Aden, 1.499 tonnes pour les autres colonies britanniques et 55.253 tonnes pour l'Ethiopie. Le port est vaste et bien abrité.

La banque de l'Indochine seule existe dans le territoire.

Historique.

— En 1840. Rochet d'Héricourt reconnaît le pays. Le 11 mars 1862, les chefs danakils cèdent à la Franco le mouillage d'Obock.

En 1884, le comte Lagarde, premier gouverneur, vint s'établir à Obock. Grâce à son influence auprès des chefs locaux, il obtint des cessions de territoires et, en 1897, il fit transférer la capitale à Djibouti. Maintenant le pays est administré par un gouverneur disposant des trois cercles de Djibouti, Dikhil et Tadjoura.

Victor TILLINAC.

Le Chasseur Français N°649 Mars 1951 Page 181