Dans ma dernière chronique, j'ai parlé, au sujet des
terrains, de la réglementation du camping ... Beaucoup de monde en parle,
mais beaucoup de personnes, de campeurs même, ignorent presque tout de la
question.
Jusqu'en 1936, il n'existait d'autre réglementation du
camping que certains articles du Code civil, du Code pénal et du Code forestier
qui pouvaient s'appliquer au camping.
C'est ainsi que l'article 330 du Code pénal, relatif à
l'outrage public à la pudeur, réglementait la tenue jusque dans les camps,
puisqu'il y était mentionné que « l'outrage à la pudeur est public, même
commis dans un lieu privé, s'il a été aperçu d'un témoin involontaire ».
La loi du 9 juillet 1884 définissait les terrains clos, et les articles 291, 393,
397 du Code pénal, définissant les lieux clos, l'effraction ou l'escalade,
pouvaient également intéresser les campeurs.
En forêt, le Code pénal et le Code forestier réglementaient,
par certains de leurs articles, certains actes courants de la pratique du
camping : allumage de feu en forêt (interdit jusqu'à une distance de 200
mètres des bois et forêts), etc.
Ces prescriptions sont d'ailleurs toujours valables.
* * *
Mais, à partir de 1935, l'essor du camping s'amplifia sans
cesse; ce fut une ruée vers le plein air et, le 7 juillet 1937, le préfet du
Var prenait le premier arrêté réglementant vraiment la pratique du camping dans
son département. Cet arrêté très dur était vivement discuté et, le 20 mars
1938, le préfet du Var prenait un deuxième arrêté, peu différent du premier,
mais plus satisfaisant pour les campeurs. Il réglementait le camping dit « volant »
et précisait en outre que les campeurs pouvaient s'installer dans des
propriétés privées, après en avoir obtenu l'autorisation.
Peu après le préfet du Var, celui du Calvados prit un arrêté
semblable. Puis de nombreux maires signèrent des arrêtés municipaux qui — comme
il est de règle dans ces circonstances — étaient tous différents.
L'U. F. A. C. (Union française des associations de camping)
fit alors les démarches nécessaires, et le Ministre de l'Éducation nationale
adressait, le 25 avril 1939, une circulaire à tous les préfets en leur
communiquant un arrêté-type qui définissait le statut du campeur, les mesures
d'hygiène et la réglementation des terrains de camping (c'est-à-dire des
terrains régulièrement occupés par des campeurs et créés soit par des
municipalités, des particuliers ou des associations).
D'autre part, l'Administration des Eaux et Forêts avait
depuis longtemps édicté des règles pour le camping en forêt domaniale.
Vers 1930, il était interdit de camper en forêt sans
l'autorisation écrite de l'Administration locale des eaux et forêts. Cette
autorisation devait être demandée quelques jours à l'avance, ce qui compliquait
singulièrement le camping en forêt.
Mais, bientôt, l'Administration des Eaux et Forets, qui a
toujours fait montre de la plus parfaite compréhension à l'égard des amoureux
de la nature que sont les campeurs, adoucissait son règlement en faveur des
membres d'associations spécialisées. L'autorisation fut d'abord accordée au T.
C. F., puis un mois après au Camping-Club de France, puis bientôt à d'autres
associations … une dizaine au total, et l'on peut facilement se rendre
compte de la difficulté rencontrée par les gardes forestiers pour s'y
reconnaître entre les cartes des clubs autorisés ou non.
Aussi, l'U. F. A. C., fondée en 1938, eut-elle pour première
tâche de créer une licence unique. Cette licence fut constituée par un timbre
spécial apposé sur les cartes des différents clubs affiliés. Les gardes
n'avaient plus à connaître les cartes d'un grand nombre de clubs, mais à
vérifier si le timbre fédéral y était apposé.
Cette réglementation forestière, adoptée par les Eaux et
Forêts le 22 avril 1939, est encore en vigueur au début de 1951.
Pendant la guerre, évidemment, des règlements de
circonstances furent pris et par l'occupant et par l'administration française.
Nous ne le citons que pour mémoire, car rien ne subsiste de la réglementation
de cette douloureuse période.
Enfin, dès avant la guerre, les clubs de camping avaient de
leur côté établi des règlements à l'usage de leurs membres, soit généraux, soit
particuliers, pour l'accès à leurs terrains par exemple ...
* * *
La Libération survint, et l'on retourna aux textes de 1939. Mais,
bientôt, l'engouement pour le camping reprit de plus belle et, depuis 1946, la
Direction générale des Sports et des Activités de plein air ainsi que l'U. F.
A. C. virent qu'il était nécessaire de reprendre la question de la réglementation
du camping.
La Direction générale des Sports commença d'abord par
rappeler aux préfets l'arrêté type de 1939. Mais elle se rendit vite compte que
cela ne suffisait pas et que le seul moyen d'aboutir à une réglementation
nationale était d'établir un texte de loi.
La Direction générale des Sports s'y est attachée depuis
près de deux ans. Un texte fut élaboré par l'Administration, et ce texte fit
l'objet de discussions au sein d'une commission interministérielle comprenant
les ministères de l'Éducation nationale, des Finances, du Tourisme, de la Santé
publique et de l'Agriculture, et à laquelle furent conviés des représentants
des campeurs, en l'espèce une délégation du bureau de la Fédération Française
de Camping.
La F. F. C., n'étant pas d'accord avec le texte soumis,
élabora un contre-projet, qui fut adopté à l'unanimité de son assemblée
générale et transmis, au cours de 1950, à la Direction générale.
Et depuis les campeurs attendent ...
Il paraît que certains points du contre-projet ont été
adoptés. On dit que le projet de loi va être déposé à la Chambre. On dit ...
En somme, beaucoup de choses, mais la F. F. C. elle-même ne sait rien ...
La seule chose positive de 1950 est un arrêté du 20 juin qui
porte création d'une commission nationale et de commissions départementales du
camping. La création de ces commissions était prévue dans le projet de loi.
Voyant que la loi ne sortait pas, la Direction des Sports prit l'initiative de
cet arrêté interministériel qui a le mérite d'avoir créé quelque chose.
Vers la même époque, la Direction générale des Sports publia
une circulaire provisoire pour la saison 1950. Sous la forme élégante et fort
commode d'une petite brochure imprimée de format 11,5 x 15, elle a le grand
mérite de réunir, outre le texte de l'arrêté du 20 juin, tous les textes des
différents règlements déjà existants pouvant s'appliquer au camping. Ces
règlements sont extraits du Code rural, du Code forestier, du Code pénal, de
certaines lois ou règlements publics, etc.
Enfin le titre V fait le point de la question des licences
et des assurances.
Si cette circulaire n'apporte pas la solution de la
réglementation du camping, il y a toutefois lieu de féliciter chaleureusement la
Direction des Sports de l'avoir éditée, car, au moment où ces lignes sont
écrites, il est certain qu'elle représente l'état le plus complet de la
question. L'année 1951 verra-t-elle sortir la loi sur le camping ?
Souhaitons-le, à condition qu'il soit tenu compte des désirs des campeurs
exprimés dans leur contre-projet ...
Jacques-J. BOUSQUET,
Président du Camping-Club de France.
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