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La vernalisation

La vernalisation, ou printanisation, a pour but, au moyen de divers procédés appropriés aux exigences des plantes, de raccourcir la durée de leur végétation.

Il peut y avoir intérêt à y recourir pour obtenir des produits en dehors de la période courante, pour occuper le terrain moins longtemps, ou pour pouvoir semer certaines variétés à une époque anormale. Après un hiver rigoureux comme le fut celui de 1946-1947, où les emblavures d'automne furent en partie détruites, on se trouva au printemps dans l'obligation de réensemencer des superficies considérables. Le problème comportait une double difficulté : se procurer des semences de blé de printemps en quantité suffisante, obtenir de ces blés des rendements suffisants, aussi proches que possible de ceux donnés par les variétés habituellement cultivées. La vernalisation permettait alors l'emploi de blés alternatifs. Dans quelle mesure a-t-on pu l'utiliser ? Évidemment de façon insuffisante, car il aurait fallu avoir prévu le désastre et avoir pris en temps utile les mesures nécessaires. L'exemple des services que la vernalisation est susceptible de rendre n'en est pas moins net.

Elle ne saurait s'exercer de la même manière sur toutes les plantes, et elle doit tenir compte de leur cycle végétatif et de leurs exigences. Les unes poussent normalement en climat tempéré, d'autres en climat tropical ; les unes passent l'hiver en terre, les autres ne végètent que pendant la belle saison, etc. Autant de plantes, autant de cas particuliers.

Prenons quelques exemples : le blé. Le principe de la vernalisation du blé est de provoquer un commencement de végétation, donc de germination du grain. Il faut pour cela l’humecter avec un tiers à un demi de son poids d'eau et le maintenir à une température voisine de 15° jusqu'à ce que la radicule commence à percer le tégument. Après quoi, le grain est placé dans un frigorifique à une température de +3° pendant trente jours, puis ramené à un taux d'humidité de 30 p. 100. Grâce à ce procédé, on peut gagner de vingt à trente jours sur la durée normale de la végétation, c'est-à-dire semer jusqu'au 10-15 mars des blés alternatifs qui ne devraient normalement pas dépasser le 15 février. On peut aussi retarder d'un mois le semis des blés d'automne, ce qui ne semble toutefois pas présenter de réel intérêt pratique, sous notre climat tout au moins.

Pourrait-on, grâce à la vernalisation du blé, renoncer aux semailles d'automne avec ce qu'elles comportent de risques de gelée et les remplacer par des semailles de printemps ? Techniquement, la chose est faisable. Économiquement, il semble en être différemment. Les hivers destructeurs de céréales comme celui de 1946-1947sont rares, et le pourcentage n'en semble pas suffisant pour justifier les frais et inconvénients de toutes sortes qu'il y aurait à modifier la date des semailles de blé. Mais, en cas de destructions massives, il y a là un procédé intéressant à mettre en œuvre.

La vernalisation est couramment employée par les horticulteurs, qui utilisent surtout l’action de la lumière pour provoquer artificiellement une floraison accélérée. A vrai dire, bien que le mot en usage soit le même que ci-dessus, les deux procédés diffèrent profondément et, dans ce cas, il s'agit plutôt d'un « forçage » que d'une vernalisation proprement dite.

On a également essayé la vernalisation du maïs et celle du millet, dont on hâte la germination en trempant les graines dans l'eau à l'obscurité absolue et à une température de 25° environ. La durée d’humectation est de quinze jours pour le mais et de cinq jours pour le millet, dont les graines sont beaucoup plus petites.

On vernalise bien d'autres graines, le navet par exempte.

La pomme de terre, bien qu'elle ne se reproduise pas par graine, n'a pas échappé à la vernalisation. On a cherché là non pas un raccourcissement de la période végétative, mais une augmentation de rendement. On place les tubercules en glacière à une température comprise entre 0° et +4° pendant un ou plusieurs mois. On les met ensuite en clayettes à la lumière continue pendant un ou deux mois. L'augmentation de rendement serait importante.

Ces procédés, quelque peu en marge de la vernalisation, semblent avoir surtout pour effet de favoriser la formation de germes courts et vigoureux et d'empêcher la formation prématurée de germes, qui se produit chaque fois que les tubercules sont placés à une température supérieure à +4°. Ils n'ont qu'un lointain rapport avec la vernalisation du blé et se trouvent même en contradiction avec elle puisque, en maintenant les pommes de terre au froid, on cherche à retarder le cycle végétatif, alors que le refroidissement des grains de blé tend à accélérer ce cycle.

Cette distinction peut sembler spécieuse ; il y a cependant inconvénient à désigner par le même mot des phénomènes différents, et je ne saurais mieux illustrer cette constatation que par ces lignes d'un des mes correspondants : « Mais le plant de pommes de terre est une chose et le blé en est une autre, et nous comprenons très bien que la printanisation du blé est plus délicate que celle de la pomme de terre ... »

Suivons attentivement le développement des sciences agricoles et biologiques, tirons-en le parti maximum, mais évitons les confusions de mots et de méthodes si nous ne voulons pas nous exposer à quelques déboires ou à des échecs douloureux.

R. GRANDMOTTET,

Ingénieur agricole.

Le Chasseur Français N°650 Avril 1951 Page 229