L'accélération, dans une automobile, est certainement la
qualité première à attendre. Cela peut surprendre nombre d'usagers auprès
desquels seule la vitesse compte. C'est, en effet, avec l'accélération qu'on
augmente la moyenne. L'accélération n'est pas dangereuse comme la vitesse. De l’avis
des spécialistes du volant et des personnes touchant de près les questions de
la sécurité de la route, peu de conducteurs sont capables de bien conduire au
delà de 100 kilomètres à l'heure. La pratique leur manque. Leur œil et leurs réflexes
sont en défaut pour apprécier et réagir en temps voulu.
Les plus beaux carambolages dus au dépassement se produisent
sur les lignes droites, et la moindre avarie, éclatement des pneumatiques ou
rupture de pièces mécaniques, sans grande conséquence aux basses et moyennes
allures, devient catastrophique aux grandes vitesses. De plus, la vitesse coûte
très cher. Nous l'avons vu dans notre dernière causerie sur les pneumatiques.
La consommation d'essence ne reste pas insensible non plus à
la vitesse. En prenant comme exemple une voiture moderne, type de 2 litres de
cylindrée, nous constatons aux essais que la consommation, qui atteint 16
litres à 110 kilomètres à l'heure, tombe à 12,3 l. à 100, puis à 11 litres à 88
kilomètres, 9,6 l. à 76 kilomètres, pour descendre à 8,5 l. à 55 kilomètres à
l'heure. L'usure générale, qui ne peut se chiffrer ni se concrétiser sur des
graphiques, s'apprécie suivant des lois sensiblement identiques.
Si nous considérons la courbe représentant la puissance demandée
au moteur en fonction de la vitesse de la voiture, courbe très rapidement
ascendante, nous remarquons que, si 12 chevaux-vapeur sont suffisants pour
rouler à 60 kilomètres à l'heure, il en faut 35 pour approcher le 100, 60 pour le
120 et 70 pour arriver à 130 kilomètres à l'heure. Quel appétit ! Ne
faut-il pas dépenser une puissance double pour passer du 100 au 130 ! On
comprend qu'à de tels sommets les progrès dans les performances de nos
véhicules sont peu sensibles d'une année sur l'autre. Mais, au laboratoire, à l’aide
d'appareils spéciaux de mesure, on a pu déterminer la courbe de puissance
maximum que notre moteur peut fournir en fonction de son nombre de tours.
Nous ferons, en examinant cette courbe, différentes constatations
intéressantes. A 1.000 tours, le moteur développe 15 chevaux, à 2.000 tours 32
chevaux, à 3.000 tours 52, à 4.000 tours on atteint la puissance maximum de 60
chevaux ; ensuite, si le moteur accroît son régime, la puissance
développée baisse très rapidement, et nous voici à un carrefour capital. Nous
avons un moteur qui donne une puissance maximum de 60 chevaux à 4.000
tours-minute, et nous savons que ces 60 chevaux sont nécessaires, en totalité,
lorsqu'on veut atteindre le 120 kilomètres à l'heure. Nous en conclurons que,
quelles que soient les modifications mécaniques apportées à la voiture,
démultiplication ou surmultiplication des rapports boîte et pont, changement du
diamètre des roues, cette vitesse ne pourra jamais être dépassée en palier.
Maintenant, admettons que le développement de la roue montée
avec son pneumatique, compte tenu de l'écrasement, est de 2 mètres environ, ce
qui est assez près de la vérité ; dans ce cas, pour un tour de roue, le
moteur devra faire 4 tours, afin que la voiture atteigne le 110 kilomètres à
l'heure, tout en donnant sa puissance maximum.
Le rapport idéal sera donc de un quart, mais, en nous
reportant aux deux courbes mentionnées plus haut, nous avons vu que, pour
rouler à 60 kilomètres à l'heure, toujours en palier et en prise directe, le
moteur doit tourner non plus à 4.000 tours, ce qui donne du 120, mais à 2.000
tours. Or nous avons établi qu'à 2.000 tours le moteur développe une puissance
de 32 chevaux, cependant que, pour avancer à 60 kilomètres à l'heure, la voiture
exige l'emploi de 12 chevaux. La différence entre 32 et t2, soit 20 chevaux,
représente la réservé d'accélération à 60 kilomètres à l'heure.
Pour chaque vitesse donnée, il serait possible de
déterminer, de la même manière, la réserve d'accélération. Constatons chemin
faisant que, si, pour une cause quelconque, en roulant initialement à 60
kilomètres à l'heure, on accélère brusquement à fond, on ne libère pas les 60
chevaux qui se reposent sous le capot. A cet instant précis, 20 chevaux
seulement se mettent en branle et viennent en renfort pour accélérer le
véhicule. Les autres interviendront à leur tour, au fur et à mesure que le
moteur tournera plus vite.
La recherche de l'accélération optimum a poussé le
constructeur à jouer sur le rapport idéal théorique de un quart. En effet, si
on choisit le rapport un quart et demi, le moteur devra tourner plus vite que
son régime d'utilisation rationnel de 4.000 ; pour que la voiture arrive à
120 kilomètres à l'heure, il faudra monter à 4.500 tours ; mais, à ce régime,
la puissance tombant de 60 à 57, il faudra abandonner la performance de 120
pour se contenter de 118 environ. Par contre, le gain en accélération sera
considérable puisque, à 60 kilomètres à l'heure, le moteur tournera non plus à
2.000 tours, mais à 2.250 tours, développant à ce régime une puissance de 38
chevaux au lieu de 32, soit 26 chevaux d'accélération au lieu de 20. Les
reprises seront amplifiées de plus d'un quart, tout en n'étant payées que par
l'abandon de 1 à 2 kilomètres en pointe. On fait des moyennes avantageuses
grâce à de puissantes accélérations et non avec le maximum de vitesse que peut
donner la voiture, pédale des gaz au plancher. Comparez deux voitures de
puissance sensiblement égale, l'une qui monte à 120 avec des accélérations paresseuses
et l'autre qui ne peut dépasser le 100, mais qui, par contre, comme nous
l'avons vu, possède des accélérations foudroyantes. Sur une distance de 100
kilomètres, la première ne pourra donner son plein régime, sans danger pour les
occupants et les autres, que sur une ou deux portions de ligne droite,
s'étendant rarement sur plus de 4 à 5 kilomètres ; son gain sera alors de
l'ordre de trente secondes environ sur la deuxième. Par contre, sur une
distance de quelque 100 kilomètres, cette dernière voiture gagnera de
nombreuses secondes sur les quelque cent ralentissements, suivis de reprises,
qu'il sera indispensable de marquer.
Nous savons que, lorsque la voiture gravit une rampe, la
résistance à l'avancement s'accroît rapidement — d'autant plus vite que la
rampe est plus forte. A ce moment, le moteur, plus assez puissant, diminue de
régime et, partant, voit sa puissance tendre vers zéro. La voiture calera
inévitablement. C'est pour permettre au moteur de tourner plus vite et, par
conséquent, de se rapprocher de sa zone idéale d'utilisation, c'est-à-dire vers
ses 4.000 tours-minute, qu'on a créé le changement de vitesses. Ce mécanisme
vient donc suppléer au manque congénital de souplesse du moteur à explosions.
A chaque vitesse correspond un pourcentage limite de rampes.
L'expérience situe comme valeur acceptable les rampes limites suivantes :
7 p. 100 en prise directe. 15 p. 100 en troisième, 25 p. 100 en seconde, 40 p.
100 en première.
On peut, certes, tenir pour chacune des vitesses considérées
des pourcentages plus forts, mais ce sera toujours au détriment de
l'accélération. Et nous voilà replacés dans les mêmes conditions que pour la
marche en palier.
De ce qui précède, nous tirerons les deux conclusions
suivantes :
1° Recherchez toujours dans une automobile, et avant toute
chose, sa puissance d'accélération. Apprenez à vous servir de l'avance à
l'allumage à main ou du correcteur d'avance. Avec elle, vous tirerez partie de
toute la puissance que votre moteur est capable de fournir.
2° Ne retardez jamais, lorsque vous gravissez une rampe, le
passage sur une vitesse inférieure. Dès que vous sentez que votre voiture a
perdu toute accélération, n'hésitez plus. Un moteur fatigue moins et s'use
peut-être moins vite à tourner à son régime normal plutôt qu'à fonctionner à un
nombre de tours plus lent lorsque la résistance s'accroît.
G. AVANDO,
Ingénieur E. T. P.
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