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Chronique ménagère

Endives et bettes

Encore deux légumes qui sont les bienvenus avant l'apparition des légumes primeurs : l'endive et la bette.

L'endive, le plus souvent importée de Belgique, n'est pas trompeuse : elle est bien anémique, comme l'indique son apparence, anémique faute de chlorophylle, que le soleil développe si abondamment dans les légumes qui sont exposés à ses rayons. C'est qu'en effet l'endive est cultivée tout à fait à l'abri de l'air et du soleil, enfouie dans le sable, où elle devient tendre et blanche, au détriment de sa valeur alimentaire. Mais, si l'endive ne possède pas les qualités des légumes verts, elle n'est pas dépourvue de tout élément bienfaisant, et il est possible que celui qu'elle peut nous fournir ne pourrait l'être par un autre végétal. Voilà même la raison pour laquelle il est bon d'user de tout, plus ou moins abondamment, il est vrai. Or l'endive possède quelques matières extractives qu'il ne faut pas dédaigner. Elle contient, en particulier, beaucoup de chaux, dit le Dr Morhardt, substance dont, on l'aperçoit chaque jour plus clairement, l'organisme fait une consommation considérable.

Variété de la chicorée, tous les médecins de l'antiquité s'accordaient à la considérer comme une plante particulièrement salutaire « pour fortifier l'estomac », dit l'un ; « pour ses vertus rafraîchissantes », dit un autre ; « pour son action bienfaisante sur le foie », dit un troisième.

L'endive, en cette fin d'hiver, apporte un appoint agréable à nos menus ; si, par elle-même, elle est peu nourrissante, nous l'assaisonnerons d'éléments plus riches et nous l'accompagnerons d'aliments plus nutritifs tels que les œufs, les pâtes, les céréales, les légumes secs, etc., qui contiennent l'albumine nécessaire à l'entretien du corps et les hydrates de carbone facteurs de force et de chaleur.

Si l'endive est relativement chère et reste, pendant toute la saison, un mets de luxe, tel n'est pas le cas de la bette ou poirée à cardes, qui est bien un des légumes qui coûte le moins cher. Elle est de la même famille botanique que la betterave, la souche commune s'étant modifiée sur les feuilles au détriment de la racine. Ce sont ces feuilles qui nous intéressent au point de vue alimentaire. La feuille de bette est traversée, en son milieu, par une énorme et épaisse nervure blanche qui se cuit à l'eau salée et s'accommode un peu comme les endives : à l'huile, à la crème, au beurre, au jus, etc.

La partie verte remplace facilement les épinards et est très riche en vitamine A ou vitamine de croissance. La bette n'est pas, chez nous, d'un usage assez répandu. Cependant, elle était connue des anciens Romains, qui appréciaient ses propriétés rafraîchissantes. Au moyen âge, elle formait l'élément principal d'une bonne soupe populaire appelée « porée ». Consommé sous ces deux aspects, ce légume apporte à peu de frais un élément de variété dans la composition de nos repas. L'assaisonnement l'enrichit au point de vue nutritif et il pourra compenser agréablement l'excès du menu en matières azotées et en hydrates de carbone.

Et voici maintenant quelques recettes pour accommoder ces deux légumes :

Endives à la crème.

— Laver les endives à l'eau froide ; enlever les feuilles extérieures si elles sont flétries, puis les jeter dans l'eau bouillante salée, d'où on les retire après cinq minutes d'ébullition. On peut les égoutter (mais en ayant soin de garder l'eau de cuisson pour un potage), les laver à l'eau froide, les mettre à nouveau dans l'eau bouillante salée (ce procédé enlève un peu de l'âcreté que certains craignent dans l'endive, que d'autres recherchent au contraire). Laisser cuire vingt minutes. Bien égoutter (en conservant encore cette nouvelle eau) et disposer dans un plat chaud, maintenu chaud au bain-marie ou au four. Quand les endives sont chaudes, servir en les couvrant d'une sauce à la crème ainsi préparée : faire fondre un peu de beurre, ajouter de la farine (ou de la maïzena), du sel ; verser du lait chaud, goutte à goutte, en tournant sur le feu jusqu'à ce que la sauce soit bien homogène et ait l'épaisseur souhaitée. Laisser réduire et ajouter de la crème fraîche sans la faire bouillir (ou des croûtes enlevées de sur le lait bouilli).

Endives braisées.

— Les essuyer très soigneusement, sans les laver. Mettre dans une casserole un morceau de beurre. Lorsqu'il est chaud, déposer les endives dedans et les faire bien brunir, en les retournant de tous côtés. Ajouter alors une cuillerée de bouillon de légumes délayé dans de l'eau et laisser cuire à très petit feu. Saler lorsque les endives sont cuites et y ajouter de la crème épaisse.

Endives braisées au petit salé.

— Préparer les endives comme ci-dessus en les faisant bien brunir dans un corps gras. Disposer ensuite une couche d'endives, une couche de morceaux de petit salé (ou de jambon) coupé en petites tranches très fines. Ajouter un peu d'eau chaude s'il y a lieu, puis laisser cuire à très petit feu pendant une heure. Quand les endives sont cuites, lier la sauce avec un peu de farine (ou de maïzena) délayé dans le jus. Servir quand le tout a bouilli une ou deux minutes.

Salade d'endives.

— Émincer 250 grammes d'endives bien essuyées. Émincer un ou deux œufs durs. Mettre le tout dans une terrine avec une cuillerée de persil haché. Assaisonner d'huile, citron et sel. Bien remuer et servir.

On peut y ajouter à volonté soit des betteraves rouges, préalablement cuites à l'eau salée et coupées en petits dés, soit des pommes de terre préalablement cuites à l'eau et bien refroidies, soit les deux à la fois.

Côtes de bettes en salade.

— Effilées, coupées en petits morceaux, cuites à l'eau salée et égouttées, les côtes de bettes s'accommodent en salade comme les endives crues.

Côtes de bettes au jus.

— Effiler les côtes de bettes (1 kilogramme de tiges pour six personnes), les couper en morceaux, les cuire dans de l'eau bouillante salée pendant une demi-heure, en ajoutant à l'eau une cuillerée de jus de citron ou de lait. Égoutter les côtes quand elles sont tendres. Préparer le jus en faisant un roux avec beurre, oignons hachés, farine et bouquet de thym et de laurier. Mouiller avec un extrait de légumes concentré délayé dans de l'eau chaude (ou un bouillon concentré quelconque). Mettre les côtes dans la casserole, faire sauter, saler et ajouter une cuillerée de purée de tomates concentrée ou, à défaut, hacher une gousse d'ail, une échalote, du persil, en parsemer le légume. Couvrir et cuire à petit feu pendant trois quarts d'heure environ. Servir très chaud dans des assiettes chaudes.

Côtes de bettes au gratin.

— Cuire les côtes comme ci-dessus et les égoutter. Couvrir le fond d'un plat d'un peu de sauce Béchamel et saupoudrer de gruyère râpé. Disposer dessus les côtes de bettes cuites et égouttées. Les recouvrir de sauce Béchamel, de gruyère râpé et de panure. Parsemer de petits morceaux de beurre frais et faire gratiner au four un bon quart d'heure.

Feuilles de bettes à l'alsacienne.

— Cuire 1 kilogramme de feuilles de bettes et 500 grammes de pommes de terre pour six personnes. Passer au moulin à légumes, saler. Ajouter 50 grammes de beurre, un peu d'eau de cuisson ; laisser bouillir dix minutes. Ajouter une cuillerée de crème de riz ou de maïzena pour épaissir la composition et servir avec des quartiers d'œufs durs.

Feuilles de bettes au gratin.

— Faire cuire 1 kilogramme de feuilles de bettes. Les égoutter, les passer au moulin à légumes et les mettre à sec dans une casserole pour les chauffer au bain-marie. Ajouter sel, morceau de beurre, muscade râpée. Battre deux œufs, les ajouter aux bettes, verser le tout dans un plat allant au feu. Saupoudrer de chapelure et faire gratiner au four un quart d'heure.

A. PEYREFITTE.

Le Chasseur Français N°650 Avril 1951 Page 244