Accueil  > Années 1951  > N°650 Avril 1951  > Page 245 Tous droits réservés

Les sources thermales de l'Algérie

L'Algérie possède de très nombreuses sources hydrominérales, utilisées dès les temps les plus anciens. Des vestiges de l'époque punique ont été trouvés à Hammam Meskoutine.

Les Romains construisirent des thermes dont certains sont remarquablement conservés (fontaines chaudes de Kenchela et Youka-les-Bains, dans le département de Constantine). Ceux qui échappèrent à la destruction au cours des invasions successives conservent la faveur des Arabes. Il existe encore dans certains hammams des piscines judicieusement placées, mais délabrées et mal entretenues.

Pendant la période de pacification, à la demande des médecins militaires français, quelques thermes furent remis en état et utilisés pour le traitement des malades. Puis de nombreux ingénieurs des mines, géologues, médecins et pharmaciens firent paraître de nombreuses publications sur les principales sources thermales, parmi lesquelles il faut citer en première ligne : Les Eaux minérales de l'Algérie, Paris, 1911, du professeur Hanriot, membre de l'Académie de médecine. La classification adoptée dans cet ouvrage se base uniquement sur l'élément prédominant et non sur l'ensemble des sels en dissolution. Depuis, les perfectionnements des méthodes analytiques et l'emploi des procédés physiques conduisent à considérer cette classification comme insuffisante. Il est en effet très important de connaître aussi exactement que possible la nature des terrains encaissant : les eaux thermales dissolvent aisément les éléments qu'elles rencontrent pendant leur circulation souterraine. Comme la détermination de leur provenance est des plus ardues, il convient de ne négliger aucun élément d'information.

L'Algérie n'a pas encore réalisé, dans l'étude des eaux thermales, une coordination comparable à celle de la métropole.

Depuis 1936, orientée par M. G. Bétier, ingénieur général des Mines, chef du service des Mines et directeur de la Carte géologique de l'Algérie, Mme Simone Guigne, chimiste principale, chef du laboratoire du service des Mines et de la Carte géologique de l'Algérie, a entrepris des études chimiques et physico-chimiques. La tâche est considérable, même en ne recherchant que les éléments fondamentaux de la minéralisation des eaux thermominérales, à l'exclusion des éléments rares, en se réservant de procéder sur des sources particulièrement intéressantes à des études approfondies pouvant ouvrir la voie à l'utilisation thérapeutique rationnelle de propriétés chimiques et physico-chimiques, ces propriétés étant à la base de leur action biologique et physiologique.

Mme Guigne s'est attachée à normaliser la présentation des résultats d'analyses en exprimant ceux-ci en ions-milligrammes par litre et en faisant apparaître leurs charges en positives ou négatives.

Les trente-cinq groupes de griffons étudiés se classent ainsi :

  • trois sources alcalines, dont deux bicarbonatées sodiques et une sulfatée sodique ;
  • cinq sources bicarbonatées calciques ;
  • cinq sources sulfatées calciques ;
  • cinq sources chlorurées.

Puis en sources sulfureuses :

  • trois sources sulfurées sodiques dérivant d'eaux alcalines ;
  • huit sources sulfurées calciques dérivant soit de bicarbonatées calciques soit de sulfures calciques ;
  • enfin six sources chlorosulfurées dérivant d'eaux chlorurées.

Aucune des eaux analysées n'est en relation directe avec le volcanisme, sauf peut-être Hammam Meskoutine (département de Constantine) et, dans le département d'Oran, Hamman Nazereg, Hammam Boughara et Hammam Bou Hadjar.

La concentration des sels dissous est sans rapport apparent avec la température mesurée à l'émergence. La raison principale réside surtout dans le fait que la plupart des stations thermales dans ce pays, exception faite de Bou-Hanifia, Hammam Mélouane, Hammam Meskoutine et Hammam Righa, ne sont pas équipées de façon telle qu'une fréquentation suivie permette à leurs concessionnaires de consacrer à l'organisation de la recherche scientifique une partie suffisante des bénéfices que l'exploitation devrait normalement produire.

D'autre part, des problèmes délicats sont posés par la diversité ethnique et les habitudes des malades constituant la clientèle qui, souvent, se reporte sur les grandes stations métropolitaines.

L'administration a pensé qu'un effort d'ensemble devait être tenté pour mettre à la portée des bourses moyennes les bienfaits des eaux thermales. Mais il fallait déterminer aussi exactement que possible les caractères chimiques et thérapeutiques. De 1932 à 1936, de nombreuses études furent faites à ce sujet et, dans sa séance du 28 novembre 1946, la commission consultative d'hydroclimatologie a adopté le plan préparé par le service des Mines de l'Algérie à la demande de l'Assemblée financière pour l'équipement des sources thermales de ce pays. MM. les professeurs Lacroix et Aubry ont insisté sur l'intérêt qui s'attache à l'étude scientifique de ces eaux et montré l'utilité d'une prospection médicale plus poussée des stations thermales dans lesquelles doivent être prises les mesures d'hygiène et de prophylaxie indispensables.

L'action du service des Mines et de son laboratoire s'intègre ainsi dans le plan de développement économique et social dont la mise au point a été effectuée sous la haute direction de M. l'ambassadeur Chataigneaux.

Un laboratoire de campagne permettant de poursuivre sur place toutes les recherches utiles à l'étude de l'ensemble des questions à traiter sur l'heure a été créé et mis au point par Mme Simone Guigne. Le laboratoire du service des Mines poursuit l'étude de l'ensemble des sources thermominérales et contribue au développement de l'hydrologie algérienne. L'étude de la chimie biologie appliquée à l'hydrologie et de l'hydrologie médicale sont du rôle des laboratoires de l'Université d'Alger.

Déjà, un centre de recherches chimiques comportant huit baraques de quatre lits fonctionne au Guergour. Il est désirable qu'un centre semblable soit créé à Hanimoun Ksennoc pour l'étude de cette eau peu radio-active (0,45 millimicrocuries) ; par contre, sa teneur en hydrogène sulfuré libre ou en partie combiné est importante (15,50 mgr. de H2S par litre).

Hammam Ksena pourrait devenir la station de soufre de l'Algérie.

Bien d'autres sources pourront permettre la création de stations thermales utiles à l'Afrique du Nord, ainsi qu'au développement économique de l'Algérie.

Victor TILLINAC.

Le Chasseur Français N°650 Avril 1951 Page 245