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Pièges en fil d'acier

II s'agit des pièges à appât grand modèle, semblables à ceux destinés à la capture des moineaux. Ces pièges sont réservés aux geais, pies et corneilles selon leur taille. Cette dernière varie dans ce genre de pièges selon le but proposé. S'agit-il simplement de capturer les oiseaux en les tuant ? Il suffit alors que les mâchoires ouvertes aient un rayon un peu plus grand que la longueur de la tête de l'oiseau prise de la pointe du bec à la moitié du cou. Ceci afin d'obtenir la fermeture du piège quand l'oiseau est bien engagé entre les mâchoires. S’agit-il, au contraire, de capturer les oiseaux vivants ? Le problème se complique, car les dimensions doivent être sérieusement augmentées afin de ne pas blesser les captures ; il faudrait, de plus, n'employer que des ressorts capables de fermer le piège. Cependant, sur ce dernier point très discutable, je préfère un ressort assez puissant capable de faite, sauter la couche de camouflage et le filet monté sur le piège. Or cette couche et ce filet prennent un poids assez important par temps humide, d'où la nécessité de ressorts aussi forts que ceux destinés à tuer les oiseaux. Si les dimensions du piège sont bonnes, les victimes seront exceptionnelles dans ce cas ; l’oiseau coiffé par le filet étant compris presque en entier à l’intérieur des mâchoires, celles-ci, dans leur fermeture, passent au-dessus de lui. La première qualité de ces pièges, dans l'un et l'autre cas, est d'être en fil d'acier bien trempé pour assurer une rigidité parfaite du bâti et de posséder d'excellents ressorts. Ce dernier point est malheureusement souvent défectueux, les ressorts à torsion étant toujours plus mous que les autres modèles. Deux autres points très importants sont souvent négligés par les fabricants : la gâchette et la couleur du piège.

La gâchette, dans la majorité de ces pièges, quelle que soit leur taille, n'est pas rationnelle. Elle se présente sous forme d'une petite pince, mobile en tous sens, ce qui est une erreur grossière. Cette gâchette étant en même temps porte-appât, il importe qu'au moindre choc sur l'appât la tige de détente soit libérée immédiatement. Si cette gâchette est mobile en tous sens, l'oiseau peut non seulement faire bouger le piège sans le faire détendre, ou ébranler la couche de couverture, mais aussi selon le sens des chocs bloquer complètement gâchette et détente. Or il ne faut pas perdre de vue que tous les becs droits (geais, pies, corneilles) sont excessivement méfiants et que le moindre mouvement anormal du piège précédant la fermeture suffit à les faire fuir. A plus forte raison quand ce mouvement anormal du piège a eu pour effet d'en découvrir une portion, dans ce cas aucun oiseau ne donnera au piège.

La vue des becs droits est excessivement perçante, il faut donc obtenir un camouflage total du piège. La gâchette est donc à rectifier. Dans ces pièges, une seule mâchoire est fixe, celle qui est du côté opposé à la queue, la gâchette sera donc uniquement mobile dans le sens ainsi déterminé : de la queue du piège vers la mâchoire fixe. Il faut de plus qu'elle ne joue pas de droite et de gauche. On peut très facilement confectionner soi-même une telle gâchette en tôle découpée ou en fil de fer de grosseur appropriée.

Mais il serait désirable de voir les fabricants se charger eux-mêmes de ce travail qui n'augmenterait guère le prix de revient. Et, puisque j'ai parlé de camouflage total, j'en viens à la question de couleur. Ces pièges sont vendus d'un cuivré ou d'un argenté brillant, tout ce qui est à éviter pour la capture des becs droits. Je ne peux que conseiller aux piégeurs de peindre ces pièges en couleur mate de tons variant en vert foncé, ocre jaune, ocre rouge, gris plus ou moins, foncé. L'odorat ne jouant ici aucun rôle, on est certain d'un plus grand nombre de captures. C'est cet ensemble de défauts qui rebute les débutants et leur fait considérer ces pièges comme d'un rendement nul ; ce qui est une erreur profonde. Si nous examinons maintenant l'emploi de ces pièges, ils se placent particulièrement de la fin d'automne au début du printemps. L'emploi obligatoire d'un appât fait que cet appât sera plus facilement pris en temps de restrictions alimentaires. Cependant, dans cette période, il faudra éviter les jours de neige et les périodes de gel et dégel, car les ressorts sont insuffisants à assurer une détente rapide et le gel prend particulièrement bien sur ce genre de ressorts. D'une façon générale, qu'il s'agisse du type capture vivante ou du type assommoir, il faudra toujours ne mettre qu'une couche de couverture excessivement légère mais totale. A cet effet on emploiera les petites feuilles de charme, d'ormeau, d’érable, le fumier de foin, la menue paille, les balles de céréales. Le vent sera gênant en découvrant les pièges, on cherchera donc toujours à abriter ceux-ci de son action. La terre fine, tamisée, peut être employée si les ressorts sont bons. Cette recherche de l'abri du vent ne devra cependant pas être obtenue en diminuant la visibilité de l'appât. Ce dernier consistera en une noix, une châtaigne demi-pelée, une fusée de maïs coupée en trois, un morceau de pomme, un gland, un fragment de viande rouge et un épi de céréale (attaché au porte-appât).

On camouflera la gâchette en enfilant une feuille à plat, avant d'y fixer l'appât. L'attache sera faite d'une simple ficelle qu'on dissimulera sous les feuilles et qu'on lestera ou attachera à un piquet camouflé ou à une branche.

Il faut, de plus, placer le piège de telle façon que les oiseaux arrivent à la gâchette en passant sur la mâchoire fixe pour être coiffés par la mâchoire mobile et non soulevés par celle-ci, ce qui n'est pas toujours commode à réaliser en plein champ. Quel que soit l'appât employé, on cherchera toujours que l'oiseau frappe dessus de haut en bas et non par côté.

Les pièges seront tendus bien en vue à cent mètres au moins les uns des autres, soit en bordure de bois ou de haie, dans un pré (sur une taupinière, par temps sec), soit en plein champ, au moment des labours, sur les tas de fumier, dans les jardins potagers. Ces pièges ne doivent être tendus que le matin et relevés le soir, sinon les mulots se chargent de dévorer les appâts sans se faire prendre. Il est de plus indispensable de les surveiller fréquemment pour les débarrasser le plus vite possible des captures, dont la vue et les cris éloigneraient à jamais leurs congénères des pièges (corbeaux en particulier). Comme rendement, j'ai toujours constaté que les captures les plus faciles sont, dans l'ordre, celles des geais, puis des pies et, loin derrière, des corbeaux.

A. CHAIGNEAU.

Le Chasseur Français N°651 Mai 1951 Page 266