Par cette dénomination, il s'agit d'une méthode très simple
de prévention de l'essaimage et, comme conséquence, d'une augmentation sensible
de la récolte en miel. Ce procédé est dérivé du plan Demarie, dont, somme
toute, il n'est qu'une variante.
Comme pour toutes les manipulations dénommées méthodes
modernes, son application exige des colonies en pleine force, si l'on ne veut
pas aboutir à un échec ; de plus, il est indispensable de la pratiquer
juste au moment voulu, un écart de deux semaines risquant d'annuler le bénéfice
de l'opération. Si elle est effectuée trop tôt, le coup de frein est trop
brutal, et la colonie boude au lieu de progresser. Si, au contraire, on s'y
prend trop tard, la fièvre d'essaimage peut reprendre si l'on ne s'assujettit
pas à une surveillance périodique ; nous parlons par expérience. Enfin,
dernière condition de réussite, il faut que l'année soit favorable au point de
vue mellifère.
Dans une saison normale et appliquée à bon escient, on peut
récolter le double que dans une ruche non traitée ; aussi, pour ceux que
la manipulation des abeilles ne rebute pas, nous conseillons fortement de faire
l'essai du blocage de la ponte, qui est très simple et ne demande même pas la
recherche de la reine, écueil pour beaucoup d'amateurs.
Son application nécessite l'emploi de ruches à agrandissement
vertical : Langstroth, Dadant, etc., et de la grille à reine.
Dans un petit rucher, en le pratiquant sur les plus fortes
colonies, on aura un certain nombre de grands cadres pleins de miel, qui seront
d'un grand secours en automne, pour compléter d'un seul coup, et sans aléas,
les provisions hivernales, principalement avec la Dadant, où il faut souvent
nourrir, car on n'a jamais trop de grands cadres garnis. Rien ne remplacera le
miel comme nourriture si on veut conserver des colonies fortes et éviter bien
des maladies.
La théorie de cette méthode consiste à pousser au maximum la
ponte de la reine au printemps et de la freiner dès le début de la miellée pour
ne pas conserver trop de bouches inutiles lorsqu'elle est terminée. En d'autres
termes, il faut élever des abeilles pour la miellée et non sur la miellée. Le
surplus économisé en ne nourrissant pas des ouvrières en chômage est un
bénéfice supplémentaire pour l'apiculteur.
Pour nous faire mieux comprendre, voyons ce qui se passe
normalement dans une ruche ordinaire : au printemps, la reine augmente sa
ponte progressivement et continue de plus belle pendant la miellée, ce qui a
pour résultat une population pléthorique, laquelle vivra aux dépens des
provisions accumulées lorsque la miellée est terminée, ou bien elle essaimera ;
de toute façon, la récolte s'en ressent. Si, au contraire, on évite la
production d'abeilles arrivant trop tard pour la miellée, il est évident que la
part de l'apiculteur sera plus forte. Témoin ce qui se produit dans un village
des Basses-Alpes, où le lavandin, qui est très mellifère et ne donne pas de
pollen, provoque un arrêt de la ponte de la reine, ce qui a pour résultat des
récoltes très importantes ; aussi toute la région est-elle submergée de
ruches le moment venu.
Voyons, à présent, la pratique de l'opération : en mai,
choisir les colonies dont le corps du bas est entièrement occupé par les
abeilles et bien garni de couvain.
Apporter à côté de la ruche à traiter un corps garni de
cadres de cire et une grille à reine. Enlever ces cadres, sauf un, à chaque
extrémité, et les poser contre la ruche peuplée. Enfumer et ouvrir cette
dernière, prélever un par un les cadres garnis du bas, bien brosser les abeilles
pour les faire retomber dans leur ruche et poser ensuite le cadre dans le
nouveau corps. Opérer ainsi successivement, sauf pour les deux cadres du
centre, qui sont laissés en place. Regarnir avec les cadres de cire vides qu'on
a apportés. Poser ensuite la grille à reine, puis, par-dessus le deuxième corps
garni de cadres pleins mais vide d'abeilles, refermer la ruche ; l'opération
est terminée.
Que va-t-il arriver ? Une bonne partie de la population
passe à travers la grille pour recouvrir et soigner le couvain. De son côté, la
reine, confinée dans le bas avec une petite partie de la colonie, restreint
fortement sa ponte limitée au début à deux cadres ; elle ne l'augmentera
que progressivement, au fur et à mesure que les jeunes abeilles, nouvellement
écloses, viendront renforcer sa suite.
Dans le corps supérieur, dès que les cellules sont libérées
par les naissances, les ouvrières les garnissent de nectar. Celles qui,
normalement, étaient occupées à élever le couvain sont en grande partie
soulagées de cette tâche et concourent, elles aussi, à la récolte. Il résulte
donc de cette méthode un accroissement rapide des provisions. De plus, le
freinage de la ponte évite une population inutile lorsque la miellée est
terminée. Enfin, autre avantage, en séparant les butineuses des jeunes
abeilles, nous avons rompu l'équilibre de la colonie et évitons ainsi un
essaimage intempestif.
Neuf jours complets après l'opération, il est nécessaire de
passer en revue les cadres du haut pour y rechercher les cellules royales qui
pourraient y être bâties et les détruire, à moins qu'on ne préfère les utiliser
par ailleurs. Avec ce système, les abeilles ne construisent pas toujours des
cellules royales ; il n'en serait pas de même si on avait séparé les deux
corps par une hausse.
Il faut, autant que possible, éliminer le couvain de mâles
placé dans le corps du haut ou .s'astreindre à l'ouvrir de temps à autre, afin
qu'ils puissent s'échapper, sans quoi ils viennent obstruer en partie la
grille, ne pouvant pas passer, et risquent de gêner le va-et-vient des
butineuses.
Faites un essai, dès cette année, de ce procédé qui n'offre
aucune difficulté particulière, mais seulement sur les fortes colonies ;
les résultats obtenus vous encourageront ensuite à le pratiquer régulièrement.
R. GUILHOU.
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