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Automobile

Le prix du kilomètre

De nombreux lecteurs, usagers de l'automobile, se posent souvent la question : « A combien revient le kilomètre parcouru ? » C'est là une question brûlante et toute d'actualité. Afin d'aider l'automobiliste à voir clair, nous allons, aujourd'hui, donner quelques précisions sur ce chapitre.

Tout d'abord, il importe de déterminer approximativement le kilométrage moyen parcouru durant l'année considérée. Certains usagers roulant beaucoup : voyageurs de commerce, médecins, industriels, etc., pourront considérer le chiffre de 50.000 kilomètres comme un minimum, alors que d'autres ne se mettent au volant que le dimanche et les jours de fête, avec cependant 2 à 3.000 kilomètres en extra durant les vacances, ce qui nous approche, en fin d'année, d'une dizaine de milliers de kilomètres. Afin de prendre un chiffre moyen dans les exemples qui vont suivre, nous adopterons le chiffre de 15.000 kilomètres. Chacun pourra, d'ailleurs, pour son cas personnel et pour la voiture utilisée, modifier les chiffres et coefficients donnés dans notre causerie et refaire les calculs sur des bases particulières.

Remarquons tout d'abord que, dans notre budget voiture, il y a deux catégories de frais à considérer. Les frais fixes établis pour l'année en principe et qui sont tout à fait indépendant du kilométrage parcouru, et les frais qui, au contraire, sont directement proportionnels au nombre de kilomètres effectués. Dans les premiers nous trouverons : l'amortissement, l'entretien général et les frais de réparation, l'assurance, le garage. Dans les seconds : l'essence, l'huile, les pneumatiques.

Passons en revue ces différents chapitres. Avec l'amortissement nous sommes, pour les voitures achetées neuves, en pleine fantaisie. C'est que les longs délais de livraisons applicables à la majorité des voitures de série entraînent des cotes d'occasion, après un an d'usage, à des prix supérieurs aux prix d'achat neuf donnés sur les catalogues : c'est le règne du marché noir. Ne cote-t-on pas une traction avant 11 BL d'un an d'âge 560.000 francs, alors que le catalogue imprime gravement pour le neuf 441.545 ; pour la 4 CV Renault normale, 320.000 contre 296.000 ; pour la 203 Peugeot, 560.000 contre 464.100 quand elle est flambant neuve. Dans de telles conditions, il est bien difficile de parler d'amortissement, sinon que du compte perte il passe au compte profit. Peut-être n'est-ce là qu'une récompense donnée aux usagers patients ou encore plus ou moins combinards. Mais le marché noir nous a trop habitués, au cours de ces dernières années, à ce genre d'anomalie pour nous en étonner outre mesure. Pour que nos calculs ne soient pas faussés à leur base, nous prendrons, pour la détermination de l'amortissement, la différence des cotes entre un an et deux ans de service du véhicule visé. Ainsi l'amortissement pour la traction avant 11 BL sera environ de 80.000 francs, pour la 4 CV Renault de 40.000, pour la 203 de 50.000. Les réparations sont plus difficiles à établir. On ne peut, sur ce chapitre, que se contenter d'approximation. Presque nulles la première année, elles deviennent sensibles la deuxième année, pour devenir lourdes la troisième avec une révision générale indispensable. Remarquons cependant que plus les frais de réparations sont élevés, plus l'amortissement diminue. Ceci compense, tout au moins en partie, cela.

La deuxième année, prise ici comme exemple, verra, entre 30 et 50.000 kilomètres, deux rodages de soupapes et quelques autres frais divers. On pourra évaluer les frais de réparations à 30.000 francs pour la 11 Citroën et la 203 et à 20.000 pour la 4 CV. Ajoutons à cela l'entretien, graissage général surtout, estimé respectivement à 10.000 francs et 7.000 francs. Les primes d'assurance, aux tiers illimitée s'entend — il ne saurait être question d'une tous risques — sont, comme chacun sait, déterminées d'après la puissance fiscale de la voiture assurée : elles sont variables suivant les compagnies, le point d'attache du véhicule (région parisienne, grandes villes, secteur rural). Laissons de côté l'assurance incendie et le vol, et passons sous silence les ristournes accordées par les compagnies aux bons conducteurs n'ayant pas occasionné de sinistres durant l'année écoulée. Pour fixer les idées, écrivons que pour la 11 CV il faudra débourser aux guichets des compagnies d'assurance environ 25.000 francs, 20.000 francs pour la 203 et 15.000 pour la 4 CV. Quant au tarif des garages, nous sommes en pleine fantaisie depuis ces dernières semaines. Après l'abandon de toute ou partie de la réglementation, nous assistons, la crise de logement automobile aidant, dans les grandes villes, à une hausse générale qui fait passer les tarifs souvent du simple au double.

C'est l'arrêté du 2 décembre 1950 qui a valu de si belles étrennes aux usagers. Poussant même la fantaisie à des sommets jusqu'alors inconnus, on a déterminé pour un même garage deux tarifs différents, suivant que la marque de votre voiture bénéficiera de la liberté des prix à la production ou à l'importation (Vedette, Salmson, Hotchkiss, etc.) ou non (Citroën, Peugeot, Renault). Peu importe la longueur ou l'encombrement critérium logique à retenir : on s'occupe, avant tout, de la marque de votre voiture.

La prochaine fois, où s'arrêtera-t-on ? Heureux l'usager qui gare lui-même sa voiture. Supposons que nous ne soyons pas dans ce cas. Portons donc dans la colonne garage 2.200 francs par mois pour la 11 CV et la 203, 1.500 francs pour la 4 CV. Si nous faisons les totaux, nous arrivons, pour les frais fixes annuels, à environ 170.000 francs pour la 11 CV, 135.000 francs pour la 203 et 100.000 pour la 4 CV ; ce qui donne, sur la base de 15.000 kilomètres par an, un prix de revient au kilomètre respectivement de 11,33 francs, 9 francs, 6,60 francs.

Passons ensuite aux frais proportionnels au kilométrage parcouru. Chacun connaît approximativement la consommation en essence de sa voiture. Elle varie suivant la manière de conduire de l'usager, le profil de la route, la vitesse moyenne, le genre de circulation, route ou ville. Nous l'établirons, si vous le voûtez bien, à 11 litres pour la traction, à 9 litres pour la 203, à 6 litres pour la 4 CV. A 50 francs le litre d'essence, nous aurons, dans les trois cas, pour 1 kilomètre parcouru, à débourser : 5,50 francs, 4,50 francs, 3 francs. Sur une voiture moderne, la consommation d’huile est pratiquement nulle durant les 20 premiers milliers de kilomètres, peu sensible ensuite, sauf usure anormale ou accidentelle bien entendu. Comptons une vidange tous les 3.000 kilomètres et une consommation de 1 litre d'huile tous les 1.000. Chapitre huile : 0,60 francs, 0,55 francs, 0,45 francs. Voici les pneumatiques. La durée d'un pneumatique est fonction sensiblement, ainsi que nous l'avons déjà exposé, des mêmes facteurs que ceux qui entrent dans le calcul de la consommation d'essence. Leur qualité approche maintenant des qualités d'avant guerre. Pour un usage moyen, ville et route, nous estimerons que le jeu des 5 pneus sera usé au bout de 30.000 kilomètres. Tenant compte des hausses dernières sur les pneumatiques, nous arrivons aux prix kilométriques de : 1,28 francs pour la 11 CV et la 203 et 1,17 francs pour la 4 CV. Récapitulons :

11 CV
Citroën

----------
203
Peugeot

(en francs)
4CV
Renault

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Frais fixes établis sur la base de 15.000 kilomètres par an 11,33 9,00 6,60
Essence 5,50 4,50 3,00
Huile 0,60 0,55 0,45
Pneumatiques 1,28 1,28 1,17
Soit, pour chacune des marques considérées ===== ===== =====
un prix de revient total au kilomètre de 18,71 15,33 11,22

Remarquons, pour conclure, que nous n'avons pas tenu compte de l'intérêt du capital engagé. Pour un prix d'achat de 400.000 francs s'appliquant à une 11 CV Citroën, avec intérêt annuel de 5 p. 100, il faudrait ajouter au premier total ci-dessus : 1,33 francs, ce qui nous porterait à 20 francs le kilomètre et les autres totaux à l'avenant. Il est bon de remarquer que plus la voiture roule, plus le prix de revient à l'unité kilométrique diminue. Chacun pourra modifier les chiffres ci-dessus suivant son cas particulier et méditer.

G. AVANDO,

Ingénieur E. G. P.

Le Chasseur Français N°651 Mai 1951 Page 303