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Le Teckel

Chien de chasse

A l'heure où les chiens à tout faire sont de plus en plus en faveur, c'est le moment d'entretenir le lecteur de celui qui est à la fois chien courant, terrier et chien d'agrément. Souhaitons en passant de lui voir abandonner dans une large mesure ce dernier rôle, auquel certains semblent le vouloir confiner.

C'est surtout du teckel chien de chasse qu'il paraît intéressant de s'entretenir, l'exercice ayant maintenu un modèle dont il serait logique de ne point s'écarter, ne serait-ce que parce qu'il n'est pas celui dont les caractères tératologiques donnent prise à la caricature. Celle-ci, en présentant un animal d'une longueur impressionnante, monté sur des membres ridiculement courts et des antérieurs aussi ridiculement tors a beaucoup nui à la race près des chasseurs qui n'ont que faire d'auxiliaires infirmes. Les élèves qu'on trouve chez les forestiers de l'Est ne sont ni si longs, ni si court montés, ni si tors. La torsion des antérieurs est même si peu accentuée qu'examinés de face les membres ont apparence droite parce que la courbure radio-cubitale, outre qu'elle est peu marquée, est antérieure et non latérale. Le pied, d'aplomb par conséquent, ne se contente pas de poser sur le sol sur deux doigts, ainsi que le font certains bassets de diverses races qu'on a le regret de voir sur les bancs, parmi lesquels des teckels, certainement plus indiqués pour le salon que pour les bois. La brièveté extrême des membres, l'étirement du tronc, deux fois long comme la hauteur au garrot, peuvent satisfaire certains fantaisistes, mais non les sportifs. Ce petit chien, conçu dans une formule rationnelle, est de nature à flatter la vue comme à répondre aux desiderata de qui est soucieux de recourir à ses services.

C'est un peu une énigme, sans doute pourquoi la S. C. L. a créé pour lui un groupe, le onzième, où il est seul à figurer. Et c'est très bien ainsi. Chien courant ? ... Sans doute, puisqu'il suit une piste en donnant de la voix ; mais pas toujours, car il en est de muets. Sauf sélection, il ne la maintient pas aussi longtemps que les véritables courants, dont il ne possède pas l'organe vocal sonore. Chien terrier ? ... Assurément et, par première intention, sa structure et sa taille réduite lui permettent de circuler dans les couloirs souterrains aussi aisément qu'un furet. Chien de compagnie ? ... Sa vivacité en fait un aimable compagnon, sa petite personne n'est pas encombrante et le poil fin de la variété la plus répandue s'entend bien, même après la chasse, avec la propreté des fauteuils. Il devrait être compris que cette dernière destination ne doit pas peser sur l'orientation de l'élevage. L'origine est obscure. Il y a sans doute, tout à fait au dernier plan, le chien décrit par Xénophon, les images taillées dans la pierre remontant à la civilisation égyptienne, faisant présumer de la haute antiquité d'une forme naturelle. J'aime autant ces hypothèses que les dicts de ceux allant d'assurance, affirmer du teckel qu'il est le basset dérivé du Saint-Hubert. D'abord, de quel Saint-Hubert parle-t-on ? Est-ce de celui du moyen âge dessiné par Gaston Phoebus, brachycéphale au crâne plat et épanoui, au stop accusé, à la face courte et carrée, aux oreilles importantes, rondes, plates et larges ? Il serait fol de lui assigner descendant dans la personne du teckel, dont tous les caractères céphaliques sont autres, étant en outre dolicocéphale avéré. Parle-t-on du Saint-Hubert moderne (autre que l'ancien), dont le bloodhound est le type le plus représentatif ? C'est aussi improbable. Ce chien au crâne oxycéphale, porteur d'une oreille ourlée, importante, insérée bas, qui s'impose dans tous les croisements, ne peut se voir assigner un descendant à figure sèche et longue, pourvu d'une oreille triangulaire, plate, insérée haut et plus semblable à celle des mâtinoïdes qu'à toute autre. En outre, il faut tenir compte de ceci que la psychologie du teckel est plus celle du chien terrier que du courant. Le regretté Ch. Huge, qui fut un juge éminent et un utilisateur de teckels, dont il possédait une famille renommée, était bien de cet avis.

En vérité, le personnage étudié est bien énigmatique, faisant figure à part dans le monde panaché des chiens, et encore une fois, s'il a été mis seul dans son coin, c'est que les autorités l'ont bien senti tel. Pris dans les familles soumises à l'entraînement à chaque génération, c'est un auxiliaire du chasseur au terrier dont il serait difficile de trouver concurrent de valeur supérieure. Cela est connu. Favorisé par sa structure et sa taille réduite, il l'est aussi par son comportement au ferme. Ce n'est pas un tueur de renard, tels certains fox-terriers, ni un bagarreur au blaireau comme ils le sont aussi. Il tient le ferme habilement et avec ténacité, comme il se doit. C'est avec tels chiens que l'on prend, et sans casse. Si sa voix en menée est quelque peu pointue, au ferme elle change de ton et se fait bien entendre.

Les chiens de Huge étaient à poil dur et, à mon avis, après de longues années d'expérience, je préfère, pour le terrier, les chiens à poils, ras soit surtout dans les terrains humides creusés dans l'argile humide, soit les terres légères, où ceux à longs poils demandent, après la chasse, un nettoyage compliqué. En outre, le chien à poil ras se reproduit toujours régulièrement. Huge avoue n'avoir jamais complètement fixé le poil de ses griffons. Ignorant ce qu'il en est du teckel à poil d'épagneul quant à la fixité de la robe, je pense seulement qu'elle est peu indiquée pour un chien terrier.

Quant à la couleur, elle importe moins pour la chasse sous terre qu'à la chasse à tir. Toutefois, la robe fauve demeure partout la plus dangereuse pour le porteur. Lorsqu'on songe à la chasse au courant avec de si petits chiens, il est évident qu'on doit préférer la robe noire et feu, ou encore la robe panachée, curieuse particularité qui, avec les autres, éloigne le teckel des véritables chiens courants. Dans les contrées riches en sangliers, on lui demande de se comporter comme les roquets, ou de ne pas maintenir trop longtemps une voie, en dehors de l'enceinte d'attaque. Mais il est certain que, la sélection aidant, on peut parvenir à lui faire acquérir le comportement du chien courant, ainsi qu'on y arrive avec le fox-terrier. C'est un lapinier très expéditif et efficace, et un très bon petit chien, pour la chasse à tir de tous animaux, pour peu qu'il ne soit pas trop chiche de voix. Encore une fois, ceci est affaire de sélection. La chasse aux mustélidés, dans les granges et aux fourrés, est absolument de son ressort. C'est là précisément que le modèle leste, ni tors, ni long, est indiqué.

En résumé, avant tout, un compagnon du chasseur capable de rendre les services les plus divers. En son pays d'origine, il a été entraîné à ce rôle de génération en génération : c'est pourquoi il a échappé à certaines influences. L'inspiration fâcheuse qui, en d'autres pays, lui vaut d'être considéré et choyé comme un quelconque « toy » a retenti en effet sur son physique. On ne devrait jamais oublier qu'étant chien de chasse il ne s'agit pas d'obtenir un chien long, si soutenu soit-il, avec un sternum à ras de terre, mais un modèle leste et d'allures rapides en dépit de sa taille réduite. Quant au poids, c'est le modèle moyen de 7 kilos ou un peu plus qui m'a semblé être le plus recommandable. Il est à constater que tel est celui du fox-terrier de travail le mieux adapté à la chasse souterraine.

En terminant, je voudrais rappeler une expérience de croisement entreprise il y a longtemps, en Normandie, par un louvetier, M. Ferret, relatée par Pierre Mégnin. Ce louvetier chassait avec des bassets de sa contrée. Les trouvant un peu lourds et lents sur le sanglier, il les allégea à sa satisfaction en leur infusant du sang de teckel, obtenant ainsi des bassets très couverts ou même noirs et feu, mais plus rapides et plus adroits au ferme. Les amateurs de chiens courants de faille réduite pourraient renouveler l'expérience, en particulier les chasseurs de sangliers.

R. DE KERMADEC.

Le Chasseur Français N°652 Juin 1951 Page 336