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Bas de ligne à mouche sèche

La plus grande difficulté que rencontre un débutant, c'est d'assurer la flottaison de son bas de ligne et, conséquemment, de sa — ou ses mouches.

Je suppose, évidemment, qu'il sait lancer avec précision, délicatesse, et qu'il est absolument maître de ses mouvements.

Par obligation, la mouche sèche doit rester en surface, quelle que soit l'eau sur laquelle elle repose. Et nous dirons, par un syllogisme peu raffiné, bien sûr, que, devant flotter et étant, une mouche sèche, elle flottera.

Eh bien ! justement, ce syllogisme est en défaut dans bien des cas. Pourquoi ?

Pour diverses raisons, imputables toujours au pêcheur, à son manque de soins ou à son expérience par trop rudimentaire — ceci, bien entendu, dans un cours d'eau normal, le torrent aux eaux violentes étant exclu.

Comment construirons-nous notre bas de ligne et comment sera la soie de notre moulinet ?

Les deux seront établis en dégradé, c'est-à-dire d’un diamètre se rétrécissant régulièrement jusqu'à l’extrémité : c’est le montage en queue de rat.

Seule une fabrication industrielle peut nous donner satisfaction pour la soie, mais nous pouvons monter nous-même un bas de ligne parfait.

S'adressant à la truite, à l'ombre ou au chevesne, il ne nous viendra pas à l'idée d'employer de gros crins incassables, vrais épouvantails, surtout en plein soleil

Nous choisirons des racines anglaises, des crins japonais (ou d'autres), allant de la grosseur 1 x à 5 x, pour les pêcheurs habitués à manier une fine canne et non une trique quelconque en bambou.

Nous ajouterons bout à bout, en commençant par la pointe, deux racines 5 x (1 m.), deux racines 4 x (1 m.) et un bout de crin japonais assez rigide et bien rond, donnant au bas de ligne une longueur totale inférieure de 10 centimètres environ à celle de la canne.

J'insiste sur cette dimension approximative pour que le bas de ligne ne soit pas plié dans l'anneau du scion, lors du repos, et n'ait pas à supporter la fatigue du lancer pendant l'action.

L'emploi d'une longue canne, telle qu'en utilisent les pêcheurs à la volante, permet d'allonger le bas de ligne jusqu'à plusieurs mètres, mais je n'en vois pas la nécessité.

Venons-en maintenant à la mouche. La plupart du temps, elle est seule, ceci pour diverses raisons.

Cette pêche nécessitant, avant tout, la précision, il est plus facile de placer au bon endroit une mouche au lieu de deux ou trois (je m'adresse aux débutants, ne l’oublions pas.).

On la pose plus aisément, plus délicatement aussi, telle une graine de chardon, selon l'expression imagée en usage dans le langage halieutique.

Cette mouche sera assez fournie, pourvue de quelques cerques en queue, afin d'en assurer la stabilité en surface.

Toute la soie, en ses derniers mètres surtout, sera soigneusement graissée, le bas de ligne plus légèrement, et la mouche sera pincée dans un morceau de flanelle imbibée d'huile de paraffine ou vaporisée avec ce même liquide.

Et nous avons lancé. Bien à plat sur l'eau, soutenus par la couche visqueuse, soie, bas de ligne et mouche flottent sur l'eau plutôt calme.

C'est avec attention — émotion, devrais-je dire — que le pêcheur suit sa mouche des yeux, espérant à chaque instant la voir disparaître dans le remous attendu.

Et pendant ce temps, petit à petit, la soie finit par s'immerger de plus en plus, le bas de ligne en fait autant, et bientôt la mouche sombre, elle aussi.

Fâcheuse négligence : il ne faut pas laisser trop longtemps la mouche sur l'eau, sans s'inquiéter de ce que devient le fil.

Évidemment, dans les longs lancers, le désastre est assez fréquent ; aussi, n'est-ce qu'exceptionnellement que nous pratiquerons les coups de longueur, et seulement lorsque l'initiation sera terminée.

Et je veux en venir à vous parler d'un grave ennui qui rebute bien des jeunes : leur mouche s'enfonce au bout de quelques secondes.

Je répète que c'est leur faute, mais pour ces maladroits — il faut le dire — il y a un remède : c'est l'emploi d'un flotteur.

Oh ! qu'ai-je dit ? Je vois d'ici les « purs » s'insurger contre une telle hérésie. Et cependant, écoutez.

Il ne s'agit pas d'alourdir leur bas de ligne avec une toupie à brochets ou un trimmer d'étang.

Une toute petite plume d'oie, très fine, légère comme une allumette, fixée vers la boucle d'attache à la soie, sera suffisante.

Son poids sera si minime qu'il se gênera pas le lancer, mais son pouvoir de flottaison suffira à maintenir le bas de ligne en surface.

Avec la grande canne, il n'y a aucune précaution à prendre ; avec la petite canne en bambou refendu, on adoptera, le « lancer à cadence ralentie », c'est-à-dire qu'on laissera un peu plus de temps à la soie pour s'étendre en arrière.

Le ferrage sera nécessairement un peu plus vif, afin qu'il arrive assez sèchement sur la mouche.

Après quelques essais, tout ira bien.

Même les initiés auront parfois intérêt à utiliser cette petite plume : les pêcheurs à la volante avec sauterelles, grillons, staphylins, l’emploient couramment.

Je sais bien que plusieurs mouches convenablement huilées font aussi office de flotteurs, mais il faut bien connaître son affaire. D'ailleurs, les perfectionnements naissent d'eux-mêmes au fur et à mesure de la « métamorphose » du pêcheur.

Mais alors supposez — cela arrive — que vous piquiez deux grosses pièces, ainsi que je l'indiquais le mois dernier : il y aura du sport en perspective, au bout de vos 5 x.

Et enfin, pour ceux qui n'arrivent jamais à rien, dès qu'il est question de précision, de minutie, etc., il reste le bouchon plombé ou la bulle de cellulo.

Alors là, pas d’erreur : ça flotte, ça flotte toujours, même en eau très courante, et je reconnais que c'est un gros atout dans les torrents de montagne.

Je vous raconterai un jour une petite histoire vécue qui vous distraira tout en vous instruisant : il a beaucoup à apprendre en matière de pêche, et c'est pour cela que je suis toujours heureux quand un confrère me glisse à l'oreille un nouveau tuyau.

Marcel LAPOURRÉ,

Délégué du Fishing-Club de France.

Le Chasseur Français N°652 Juin 1951 Page 341