Le mois dernier, nous avons parlé des débuts du canoé à
voile, présenté les premiers gréements et exposé les possibilités du canoé
équipé d'une voilure auxiliaire pour la croisière en mer.
Nous parlerons aujourd'hui des gréements modernes Houari et
Marconi, qui transforment le canoé en un pur voilier. Ils trouvent leur origine
dans le règlement établi en 1945 par le Canoé-Club de France sur les bases
suivantes : conserver au canoé toutes les qualités de maniabilité à la
pagaie exigées pour la descente des rivières sportives ; le munir de
gréements d'une surface raisonnable assurant le meilleur rendement à la voile
avec le maximum de stabilité et de sécurité.
En partant de ces principes généraux, le règlement a prévu
trois séries :
Série A.
— Canoés à une seule voile d'une surface maximum de 4m2,20
(cette série, qui ne pouvait comprendre que des gréements de peu d'intérêt, a
été supprimée l'année suivante).
Série B.
— Canoé : longueur, 4m,58 à 5m,05 ; largeur, 0m,85
à 0m,95 ; profondeur, 0m,32 à 0m,36 ; poids, 32 à 60 kilos.
Gréement : surface maximum grand'voile, 4m2,20 ;
foc, 2 m2,30.
La hauteur maximum de la voilure, au-dessus du niveau des
plats-bords, est limitée à 4m,40. Le mât doit tenir à l'intérieur du canoé pour
le transport. Le gouvernail doit être articulé pour remonter au-dessus de la
flottaison. Les dérives latérales sont seules admises.
Série C.
— Canoé : longueur maximum, 5m,20 ; poids
maximum, 80 kilos.
Gréement : surface maximum, 8 m2,50 ;
hauteur maximum au-dessus des plats-bords, 5m,50. Le puits de dérive est
autorisé.
Ce règlement a été adopté par la Fédération française de canoé.
On peut remarquer que la série B répond d'une façon absolue aux données du
problème : ses canoés sont strictement ceux utilisés pour la descente des
rivières, et ses usagers pratiquent la voile et la pagaie avec le même bateau
sans rencontrer aucun inconvénient.
Le gréement est réduit, d'autant plus que la surface totale
n'est généralement pas utilisée.
La série C est très différente, elle donne satisfaction à
ceux qui envisagent la voile comme activité principale. La coque n'est limitée
ni en largeur ni en profondeur, à condition qu'elle conserve les
caractéristiques générales du canoé, symétrique dans ses formes avant et
arrière, et puisse manœuvrer à la pagaie. Le puits de dérive donne satisfaction
aux plus exigeants, et la grande surface de voilure permet les gréements les
plus osés.
Voyons maintenant les réalisations pratiques engendrées par
ce règlement :
La série C a donné naissance à des coques spéciales munies
d'un puits de dérive, mais les plus volumineuses, en restant maniables à la
pagaie, ne peuvent cependant pas affronter des rivières très difficiles ;
elles sont parfaites pour la mer avec un gréement de 6 m2,50 à 8
mètres carrés suivant le foc employé. Cette série, malgré l'intérêt qu'elle
présente, s'est peu développée.
Par contre, la série B connaît un essor considérable et
c'est normal, puisque tout possesseur d'un canoé suffisamment stable peut
s'offrir un agréable voilier pour le prix d'un modeste gréement. Tout en
restant dans les limites du règlement, on a cherché, dans cette série, à tirer
le meilleur parti de la coque elle-même. Les légères modifications apportées à
la construction, intéressant surtout la largeur, la profondeur et la diminution
du frégatage, ont démontré que les canoés ainsi conçus étaient les meilleurs à
la voile tout en augmentant leurs qualités en rivières sportives.
Nous avons dit que les cotes maxima autorisées par le règlement
de la série B n'étaient généralement pas utilisées. En effet, le Canoé-Club de
France a fait établir les plans de deux gréements Houari et Marconi par
l'architecte naval F. Sergent, qui ont été adoptés par plusieurs constructeurs ;
ils donnent entière satisfaction et sont les plus répandus. Chaque plan
présente une même surface : 4 m2,20 pour la grand'voile et 1 m2,55
pour le foc normal, soit 5 m2,75 au lieu des 6 m2,50
autorisés, cette surface pouvant être atteinte avec un grand foc de 2 m2,30.
Dans les deux cas, la hauteur ne dépasse pas 4m,10 au lieu des 4m,40 prévus. Ce
sont ces plans de voilure que nous reproduisons ici.
Les mâts sont creux et généralement montés sur un dispositif
à bascule permettant une mise en place plus facile tout en diminuant
l'encombrement. On y trouve tous les perfectionnements que comporte l'armement
d'un petit voilier moderne avec un souci constant de simplicité et de légèreté.
Est-il préférable de gréer un canoé avec une voile Marconi
ou Houari ?
Théoriquement, à condition que les coques soient identiques
et les barreurs de même valeur, la voile Marconi a un rendement supérieur au
plus près. Sur nos canoés, de nombreuses expériences n'ont pas démontré cette
supériorité d'une façon absolue, mais on peut tout de même conclure que la
coque de canoé la mieux adaptée à la voile, pourvue d'un gréement Marconi bien
réalisé, présentera des qualités supérieures et conviendra mieux à un canoéiste
faisant de la voile son activité principale et soucieux d'obtenir le meilleur
rendement.
Le mât Houari, qui mesure 1m,10 de moins que celui d'une
voile Marconi, tient beaucoup moins de place à bord, tant pour le transport que
pour la navigation à la pagaie. Pour cette raison, les canoéistes se déplaçant
beaucoup et effectuant des croisières côtières préfèrent le gréement Houari,
qui est actuellement le plus répandu.
G. NOËL.
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