L'ampélographie, nous apprend le dictionnaire, est « l'étude
de la vigne et de ses caractères ». Nous ajouterons, pour être complet :
de ses caractères botaniques.
Il est bien certain que les premiers vignerons ont essayé de
fixer d'abord par l'image, puis par l'écriture, les détails des plants qu'ils
cultivaient.
Les sculptures et les mosaïques antiques nous apprennent que
la viticulture était à l'honneur à leur époque, mais ne fixent guère les
caractères des plants cultivés.
De même le Moyen Age et la Renaissance, qui nous ont laissé
un bon nombre de peintures, tapisseries et sculptures glorifiant la vigne et
les vendanges, ne nous renseignent pas sur les détails de constitution de ces
vignes.
Il faut arriver à l'époque des botanistes et de nos grands
maîtres es sciences naturelles pour trouver des descriptions détaillées.
La plus belle et la plus complète publication qui, à notre
avis, a paru à la fin du siècle dernier est L'Ampélographie, dont la
parution est due à l'initiative du regretté professeur de viticulture Viala, en
collaboration avec un industriel connu. C'était un ouvrage en sept volumes
grand format et qui comprenait, outre le texte et des gravures en noir, cinq
cents planches en couleurs représentant les grappes et leurs feuilles. Cet
ouvrage aurait mérité de s'appeler : l'atlas de la viticulture
contemporaine.
A l'époque de sa publication, les hybrides venaient de faire
leur apparition et n'avaient pas pris l'extension due à un demi-siècle de
recherches expérimentales.
Une question se pose à l'esprit : Peut-on, par l'examen
d'une grappe ou d'une feuille, identifier le nom d'un cépage (greffé bien
entendu) ? A cette question on ne peut répondre par l'affirmative dans
tous les cas.
En effet, si les cépages nobles, même greffés, ont conservé
leurs caractères botaniques dans leur station d'origine, il n'est pas certain
que ses caractères ne se modifieront pas si ce cépage est transplanté dans une
station au sol et au climat différents.
A titre d'exemple, citons le Pinot de Bourgogne, qui a des
caractères bien définis, cultivé dans les collines calcaires de la Côte-d'Or ;
il s'acclimatera d'une façon différente dans la montage de Reims, ou dans les
calcaires aveyronnais.
La différenciation des caractères par changement de station
est moins grand pour la vigne que pour les céréales ; n'oublions pas que
la vigne est un arbuste qui se défend mieux qu'une graminée.
La conclusion de ceci est qu'un cépage, noble ou non,
conserve intégralement ses caractères botaniques dans son milieu d'origine.
Nous ne considérons, bien entendu, que les plants sains.
Une seconde remarque s'impose : si on examine avec soin
un sarment de plant greffé vers la fin de sa végétation, vers fin juillet par
exemple, on constate que les feuilles de base sont plus développées que celles
du sommet — ce qui est normal, — mais on verra souvent que toutes les feuilles
n'ont pas la même denture, cette dernière étant plus ou moins accentuée ;
de même les sinus sont plus ou moins profonds. En résumé, les feuilles ne sont
pas toutes identiques, d'où il résulte une difficulté supplémentaire
d'identification par la feuille seulement.
En somme, les caractères d'un plant greffé doivent
s'observer non seulement sur les feuilles, mais aussi sur les sarments : grosseur,
couleur, longueur des entre-nœuds, forme de la section (ronde ou ovale) ;
leur port : érigé, buissonnant, rampant, etc. ...
Les grappes devant être examinées avec soin — et on devra
déterminer la grappe type, allongée, conique, ailée ou non ; les grains
lâches ou serrés — l'examen du grain ne devra pas être oublié : sa
couleur, sa forme (ronde ou ovoïde), sa grosseur donneront d'utiles
indications. C'est l'ensemble de ces caractères qui identifieront le cépage.
Mais, s'il s'agit d'hybrides, là l'affaire se complique, et
l'identification devient très difficile. En effet, outre les géniteurs
(américains et français), leur type d'association ; binaire, tertiaire et
quaternaire, donnent des produits très différents comme feuillage, sarments et
grappes.
Les catalogues des hybrideurs donnent des détails très
complets sur les caractéristiques de tous leurs numéros. Mais, mis en place,
s'ils ne sont pas étiquetés, au bout de quelques années les exploitants seront
souvent embarrassés pour donner à ces cépages le nom du fournisseur et le
numéro.
Si nous signalons ce fait, c'est qu'il nous est arrivé
maintes fois de demander à un exploitant les noms des cépages de son vignoble;
il nous a été souvent répondu : il y a des greffés, ou il y a des
producteurs directs, ou les deux à la fois.
Par contre, il est réconfortant de trouver beaucoup
d'exploitants, propriétaires principalement, qui vous donnent d'une façon
précise le nom de leurs cépages, mais aussi la date de leur plantation, leur
comportement, leur rendement, etc. ...
Il faut excuser la carence des vignerons qui ne savent pas
la composition de leur vignoble. N'oublions pas que, par suite de deux
catastrophes en moins de vingt-cinq ans, il y a eu un vide dans les campagnes,
et qu'il a fallu faire appel à des personnes originaires d'une région où la
culture de la vigne est inconnue.
Nous conclurons ce rapide exposé en conseillant aux
personnes qui désirent obtenir le nom d'un cépage de faire appel à un
ampélographe, qui sera le seul qualifié pour leur donner satisfaction.
V. ARNOULD,
Ingénieur agronome.
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