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La forêt française

Les ennemis des pépinières

Le printemps va amener, avec la reprise accélérée des travaux forestiers, de nouveaux soucis pour les reboiseurs. L'accumulation dans les pépinières est, en particulier, pour les ennemis de la forêt, une condition des plus favorables à la perpétration de dégâts, souvent catastrophiques. Aussi nous a-t-il semblé utile d'examiner maintenant, dans ces colonnes, les principaux ennemis des jeunes plants en même temps que les moyens de prévenir leurs attaques ou les moyens propres à les détruire.

Ce sont les insectes s'attaquant aux racines et aux semences en terre qui, les premiers, retiendront notre attention.

Ils sont nombreux et, dans leur ensemble, nuisibles surtout par les dégâts de leurs larves. Ils appartiennent à des ordres variés : orthoptères, coléoptères, lépidoptères et hémiptères.

Les orthoptères.

— Les plus connus qui, d'ailleurs, commettent sur les racines tendres des plantes de jardins des dégâts analogues, sont : le grillon champêtre (Gryllus campestris L.) et la courtilière ou taupe-grillon (Gryllotalpa Gryllotalpa L.). Le premier est bien connu pour son abondance, la seconde l'est beaucoup plus par son faciès très caractéristique et ses pattes antérieures fouisseuses. Si la courtilière se nourrit accessoirement de substances animales, l'un et l'autre s'attaquent aux substances végétales, soit pour s'en nourrir, soit pendant le creusement de leur terrier, soit pour assurer le passage de leurs galeries qui, chez la courtilière, peuvent former un système compliqué et très long, courant, pour partie, immédiatement sous la surface du sol. Dans les plates-bandes de terre fine, le sol apparaît alors soulevé comme par la présence d'un petit tuyau peu enterré.

Si les insectes sont nombreux, beaucoup de semences peuvent être détruites, beaucoup de jeunes plants peuvent avoir leur pivot coupé et sèchent sur place.

Ces insectes sortent la nuit et cette habitude permet d'utiliser contre eux des pièges formés de récipients à parois lisses, comme pots de confiture par exemple, enfouis jusqu'au ras du sol et contenant un peu d'eau couverte d'une pellicule de pétrole. Il est aussi possible de les récolter au matin sous des bottes de paille disposées là, intentionnellement, et sous lesquelles ils se sont réfugiés. Il est encore loisible de leur tendre des appâts empoisonnés sous forme de débris de riz imbibés d'une pâte au phosphure de zinc (à faire préparer par un pharmacien) dans les proportions de :

    - débris de riz 1 kilogramme ;
    - pâte : huile de vaseline neutre 10 à 15 grammes, phosphure de zinc 6 à l0 grammes.

L'huile de vaseline prolonge l'action du phosphure jusqu'à dix ou quinze jours.

Les coléoptères.

— Ceux qui nous intéressent aujourd'hui, nuisibles le plus souvent à l'état adulte pour le feuillage des arbres, sont, à l'état larvaire, de dangereux ennemis des graines et jeunes racines. Ce sont les « vers fil de fer », les « vers blancs » et un certain nombre de larves de charançon. Les unes et les autres commettent d'ailleurs des dégâts semblables, rongeant complètement les petites racines et pelant les plus grosses. C'est seulement la découverte des larves qui permet de connaître le véritable auteur des dommages.

Contre ces larves, on peut aussi employer des pièges ou appâts. Les salades repiquées entre les lignes de plants exercent, par leurs racines tendres, un attrait profond sur les larves de tous âges dont la présence sur les racines se traduit, tout de suite, par le flétrissement des feuilles. Les « vers fil de fer » sont aussi attirés par des tronçons de pomme de terre dans lesquels on les récolte facilement, comme au pied des plants de salade. Mais le moyen le plus efficace, sans conteste, depuis que la synthèse chimique industrielle a mis à notre disposition les insecticides de contact de découverte récente, consiste à enfouir ces substances à base de H. C. H. ou de D. D. T. au moment des labours ou, lorsque la présence des parasites est repérée au pied des plants, à répandre dans des sillons ouverts, à la binette, de chaque côté des lignes, une quantité correspondant à une dose de 50 ou 30 grammes de produit commercial, à 5 ou 8 p. 100 de produit actif, par mètre carré de pépinière. Le ramassage est ainsi évité qui, sur de grandes surfaces, représenterait une véritable sujétion.

Il y a lieu de noter, qu'après l'épandage de H. C. H. il ne faut pas installer dans le terrain, à l'occasion d'un assolement, des légumes à racines ou tubercules comestibles, qui prendraient un goût désagréable de moisi.

Les lépidoptères.

— Les chenilles nuisibles dans le sol, grisâtres et presque dépourvues de poils, sont les larves de certaines noctuelles. Elles sont plus connues sous le nom de « vers gris ». Comme les larves de coléoptères, elles sont attirées par les jeunes plants de salades et sont passibles des mêmes procédés de destruction.

Le choix entre l'emploi des pièges avec ramassage et l'emploi des insecticides est surtout une question de surface à traiter. Pour de très petites pépinières et des invasions de peu d'importance, nous donnerions la préférence à la première solution, car l'emploi inconsidéré des insecticides peut provoquer aussi, à la longue, des destructions massives parmi les insectes utiles à nos cultures.

Les hémiptères.

— Les plants de sapin et d'épicéa dépérissent aussi quelquefois en pépinière sans qu'il soit possible de remarquer sur les plants arrachés la trace des mandibules des insectes déjà nommés. En y regardant de plus près cependant, on découvre facilement de minuscules taches pâles, des pucerons, dont le rostre est implanté dans les tissus de la racine et qui en épuisent la sève.

Celui qui ravage les sapins vit alternativement sur les racines de cette essence et sur les feuilles du frêne, l'autre passe des racines de l'épicéa aux pousses du chèvrefeuille.

Les plants morts doivent être arrachés et brûlés, le sol peut être désinfecté au sulfure de carbone, injecté au pal ou versé dans des trous faits au plantoir et rebouchés tout de suite, à raison de 50 grammes au mètre carré. Les insecticides de contact sont aussi intéressants.

Les insectes ne sont malheureusement pas les seuls ennemis des plants en pépinière. Les taupes, les mulots, les champignons et diverses bactéries occasionnent aussi des dommages. Les moyens de les éviter et de les combattre seront étudiés prochainement dans ces colonnes.

LE FORESTIER.

Le Chasseur Français N°652 Juin 1951 Page 360