La mue est un phénomène physiologique normal, consistant
dans une modification saisonnière de l'aspect extérieur des animaux, portant
sur les plumes ou les poils, et aussi la partie superficielle de la peau
(épiderme) qui, après mortification et élimination, sont remplacés par des
cellules ou organes de nouvelle formation.
Chez les mammifères domestiques, envisagés d'une manière
générale, les poils tombent chaque année, pour être remplacés, plus ou moins
rapidement, par d'autres poils plus souples et plus brillants. Dans nos
climats, la mue des poils se fait à la fin de l'hiver, un peu plus tôt ou un
peu plus tard selon les conditions atmosphériques et aussi selon l'état général
des sujets, leur alimentation, leur travail et les soins de pansage dont ils
bénéficient,
A l'automne, à l'approche de la mauvaise saison, les
mammifères, et les chevaux principalement, prennent un poil particulier, épais
et bourru, le « poil d'hiver », qu'ils perdent au printemps, en mars
ou avril, au cours de la « mue de printemps ». Un des premiers
inconvénients de cette transformation saisonnière peut être de modifier
sensiblement le signalement d'un cheval, la couleur des poils, avant et après
la mue, se montrant dans certains cas très variable. Les marchands de chevaux
savent en profiter à l'occasion et, plutôt que d'essayer de vendre un cheval en
mue dont l'aspect, est en général peu engageant, ils préfèrent attendre qu'il
ait « jeté son poil d'hiver » pour le présenter brillant et fleuri,
en donnant l'impression d'avoir fait peau neuve, comme cela se passe pour la
mue des reptiles.
La mue printanière, beaucoup plus importante que celle
d'hiver, en provoquant la poussée des poils par l'activité des follicules
pileux, occasionne une consommation supplémentaire de matériaux nutritifs qui
doivent être fournis par les aliments de la ration, pour que l'animal ne soit
pas obligé de les prélever sur les réserves de son organisme.
D'autre part, la peau, étant le siège d'une congestion plus
ou moins marquée, émet davantage de chaleur par rayonnement, ce qui est une
autre cause de déperdition d'énergie. Au cours des journées froides de l'hiver,
les chevaux se montrent plus actifs, mangent de meilleur appétit, parce que les
combustions organiques sont plus vives à cause de l’excitation générale
provoquée par la température, le refroidissement du corps étant combattu par la
protection d'un pelage renforcé (poil d'hiver) qui agit à la manière d'une couverture
supplémentaire.
Au contraire, durant la mue printanière, la chute des poils
accentue la perte de chaleur, et, si elle n'est pas compensée par
l'augmentation de la ration, les chevaux qui travaillent ne tardent pas à
baisser d'état, à maigrir, et se trouvent exposés, sous des influences
diverses, à payer tribut à certaines maladies qu'on a qualifiées de « printanières
ou de saison », pour en marquer l'origine et les causes.
Les gales et autres affections cutanées se manifestent fréquemment
à cette époque sur les animaux en mue, dont la peau se trouve recouverte d'une
couche de débris épidermiques et de crasse, accumulés par suite de pansages
insuffisants, la crasse, témoignage de malpropreté, étant en même temps une des
manifestations palpables de la mue permanente.
Les chevaux en mue doivent travailler avec ménagement, leur
alimentation doit être spécialement surveillée, comportant des aliments de
facile digestion (vert, carottes, mashes, barbotages, etc.), distribués en
complément de la ration habituelle, et les soins de propreté doivent être
assurés par des pansages répétés. Cette dernière recommandation ne manquera pas
de paraître fastidieuse, sinon tout à fait inutile, à beaucoup qui n'en ont pas
pris la bonne habitude, malgré, l'engageant dicton qui enseigne qu' « un
bon pansage vaut un bon picotin d'avoine ». Et le conseil est aussi
valable pour les bovins, dont la propreté et le bon fonctionnement de la peau
favorise grandement l'engraissement ou la production laitière, tout en
demeurant, chez les uns et chez les autres, le fidèle « miroir de la santé »,
qu'il y a toujours intérêt à consulter.
La période critique de la mue, qui dure ordinairement de
quatre à six semaines, peut être écourtée sensiblement en activant la chute des
poils morts et leur remplacement par une médication appropriée de produits
arsenicaux, en particulier, et de fleur de soufre. Mais les résultats les plus
certains et les plus rapides, qui ont l'avantage d'être à la disposition de
chacun, sont obtenus par le « pansage à la main », dont le côté
extérieur, préalablement mouillé, frotte en appuyant sur les poils, qui tombent
alors en grosses touffes. C'est là un travail assez pénible, aussi
conseillons-nous aux intéressés d'employer, au lieu de leur main que le
frottement échauffe désagréablement, des étrilles spéciales dont les dents sont
remplacées par des lamelles de caoutchouc et dont on trouve dans le commerce
des modèles variés. Plus économiquement, on pourra faire usage d'un simple
morceau de liège plat, d'un centimètre d'épaisseur sur dix de longueur, tenu à
pleine main, dont on frottera les poils avec un des côtés trempés dans l'eau.
Enfin, les gens ingénieux ne seront pas embarrassés pour se fabriquer un outil
de même utilité à l'aide d'un quelconque morceau de bois, recouvert de
caoutchouc prélevé sur une vieille chambre à air.
La crise de la mue est surtout importante chez les oiseaux,
qui peuvent en être très éprouvés, et c'est souvent à cette époque que se
manifeste le « picage », aux conséquences graves dans une basse-cour
importante. Un logement confortable, propre et bien aéré, sans être froid, un
régime tonique et varié dans lequel on fera entrer tour à tour la vianda crue,
l'huile de foie de morue et le vin sucré, sont les meilleures précautions
hygiéniques à prendre pour limiter la durée de la mue et éviter cette
complication.
J.-H. BERNARD.
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