L'astre rouge, Mars, qui doit son nom au dieu guerrier et
barbare de l'antique mythologie, est devenu un sujet d'études des plus
passionnants, surtout depuis le mémorable rapprochement de 1877 où, pour la
première fois, on entendit parler de « canaux ».
Certes, ce monde plus vieux, plus évolué que le nôtre (deux
fois plus petit) est encore vivant, alors que sur la Lune les observations
s'accordent pour montrer qu'aucun être terrestre n'y saurait vivre un instant
(1).
A l'œil nu, Mars est rougeâtre, le télescope révèle un astre
jaune-orange, coupé de bleu, vert gris, tonalités variables au cours des
saisons martiennes, deux fois plus longues que les nôtres.
C'est en France que les plus beaux travaux sur Mars ont été
effectués, depuis ceux, classiques, de Flammarion, puis d'Antoniadi dès 1900,
avec le 0m,83 de Meudon, la plus puissante lunette d'Europe, jusqu'à ceux plus
récents de Lyot et Fournier.
De ces travaux découle un grand fait : l'existence de
canaux et de prétendus traceurs de ces voies navigables reste à prouver, par un
petit trajet aller retour en fusée interplanétaire, et cela malgré l'Américain
Lowell, qui croyait fermement aux architectes martiens : diplomate enflammé
par les belles pages de Flammarion, il cessa toute politique et se consacra à
l'étude de la belle planète, du haut d'une montagne des États-Unis, aidé d'une
excellente lunette de 0m,65 ; ses cartes, ses dessins, couverts de lignes
droites, sans perspective, s'entrecoupant dans tous les sens, s'ils n'étaient
pas confirmés par les observateurs d'Europe ou même de son pays, furent raillés
« toile d'araignée, terreur des mouches ».
C'est en 1877 que Schiaparelli, maître observateur
planétaire, prétendit avoir découvert sur ce globe un grand nombre de lignes
sombres droites ou courbées qu'il dota improprement du nom de « canaux ».
Ces formations parfois se dédoublaient, mais cette apparence
n'était pas vérifiée simultanément par tous les observateurs : ainsi, à
Nice, Perrotin notait les canaux simples, et au même instant, à Milan,
Schiaparelli persistait à les voir doubles.
Depuis cette opposition (meilleure visibilité de Mars tous
les quinze ans, la prochaine en 1956), la planète provoque un grand mouvement
de curiosité et aucun astre n'a été aussi examiné que celui-là. Lowell, nous
l'avons vu, renchérit sur les canaux, œuvre d'une humanité consciente et
organisée. Flammarion, Secchi y voyaient tous les indices d'une végétation
luxuriante aux couleurs saisonnières ; Moreux, Cerulli parlent de mirages
et d'illusions d'optiques. Arrhénius admet la fonte des neiges polaires se répandant
dans les fractures de l'écorce martienne et prend à témoins les lacs salés et
desséchés de Perse, qui changent de teintes suivant les saisons ...
Notons que les lignes de Schiaparelli ont été retrouvées et
confirmées par Antoniadi sous une autre forme : suite de plages estompées
et colorées dont la disposition, vue de loin, reproduit les lignes canaux de
l'astronome de Milan. C'est dans ce sens qu'il faut interpréter la réponse d'un
observateur américain à un journaliste : « Lunette Yerkes (2) trop
grande pour voir canaux. » Ces « canaux » correspondent donc à
une réalité, et en 1941 ont été filmés par des Français à l'observatoire de
haute montagne du Pic du Midi.
En général, dès le printemps martien, les neiges polaires,
alors éclatantes et fort visibles, fondent, et les tons verts se propagent vers
l'Équateur atteint en quatre mois ; l'été martien survient : les tons
changent, passent au marron, et, en automne, au rouge, au bleu, au bleu violet ;
parmi ces plages (mers de Schiaparelli), de grandes traînées (canaux) mal
délimitées, alignements de points diffus plutôt, s'alignent et se croisent
(oasis), se dédoublent, puis pâlissent ou disparaissent avec l'hiver martien.
De précises mesures françaises et américaines laissent à
penser qu'une faible atmosphère et une végétation naine existent sur Mars. En
effet, l'infra-rouge, les filtres colorés décèlent une enveloppe gazeuse
raréfiée de 200 kilomètres d'épaisseur, comportant une zone protectrice des rayons
cosmiques et ultra-violets, comme le fait pour la Terre la couche d'ozone, et
dont la pression, faible il est vrai, permettrait la présence d'eau liquide à
la surface de Mars. Un Américain ayant découvert dans cette atmosphère des
traces d'acide carbonique, la fonction chlorophyllienne existerait là-bas !
Reste à savoir si le manque relatif d'oxygène, le froid glacial (Mars recevant
deux fois moins de chaleur solaire que nous, la nuit le thermomètre y descend à
-60° environ), permettraient la vie de cellules végétales et animales.
Or, un savant Français, P. Becquerel, par de patientes
expériences sur des spores, mousses, algues, et autres espèces inférieures
soumises au vide et au froid absolu (-271°), a prouvé que même de très vieilles
graines (cent cinquante-huit ans) pouvaient germer, des algues et bactéries
revivre et proliférer, après un tel traitement, suivi de dégel brusque et remise
en milieu normal.
Ainsi, sous un ciel très clair, troublé de tempêtes
violentes de sables, une faible végétation existerait à la surface de Mars,
revivifiée chaque année par la fonte des neiges polaires, mais l'existence des
Martiens, comme nous l'avons dit plus haut, reste à prouver.
R. MIETTE.
(1) Voir Le Chasseur Français, n° de mai 1950,
« Vie sur les monde ».
(2) Du nom de l'observatoire le plus puissant du monde.
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