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Tribune libre

Pour faire "quelque chose"

... Il nous faudrait une tête, une bonne grosse tête à plusieurs cerveaux — un monstre, quoi ! — capable de faire « quelque chose » pour la masse des modestes chasseurs.

Des têtes ! ... s'exclameront les éternels mécontents, nous en avons à revendre et, chaque jour, on se paie la nôtre à bon compte ! ... Allons, allons, calmez-vous ! Donnez-vous la peine — pas même capitale — de me suivre un bout de chemin et, qui sait, peut-être serez-vous de mon avis ... Tout d'abord regardez ... Voici la tête sympathique de votre président local. Peut-être avez-vous aperçu celle, non moins aimable, du président départemental. Vous faut-il maintenant notre grand national ?

Comment, ces physionomies vous importent peu ? ... Pourquoi ? ...

« Ils ne s'occupent pas de nous », dites-vous.

Avant de leur jeter le moindre grain de sable, interrogez-vous. Dans votre petit groupement, vous avez, je crois, refusé toute charge. On ne vous voit jamais aux assemblées générales — comme tant d'autres. Si vous y venez, c'est souvent avec l'intention très nette de « rouspéter » ferme, de critiquer ou de railler ... Heureusement, pleins de dévouement, vos dirigeants travaillent. Ils font de leurs mieux. Ils font ce qu'ils peuvent. Ils font ce qu'ils croient utile et raisonnable ... Dans la majorité des sociétés, on agit de même.

A l'assemblée générale départementale, des vœux sont émis, trop souvent en fin de séance dans le brouhaha précédant le banquet. Ces questions, parfois très importantes, doivent être présentées au bureau national. Or, bien des fois, on n'entend plus parler d'elles. Perdues en cours de route ? Oubliées ? Noyées ?

Peut-être du sommet de l'échelle n'aperçoit-on plus la base sur laquelle on l'a dressée. Elle est pourtant importante, cette base, avec plus d'un million de chasseurs moyens ... C'est nous la base. Nous aimerions qu'on fît « quelque chose » pour cette masse. Loin de moi la pensée de critiquer le Conseil supérieur de la chasse. Détruire ou seulement minimiser demeure à la portée de tous. Construire l'est moins. Des réalisations même très poussées contiennent des imperfections. Une mesure réjouissant le propriétaire chasseur breton ou picard amènera peut-être des doléances dans le Sud ou l'Ouest ... On ne peut satisfaire près de deux millions de porteurs de permis à la fois.

Et justement ce mot de permis amène, une fois de plus, de décevantes constatations. Je juge inutile de reprendre les arguments plaidant en faveur du permis unique. Dans sa causerie de février, l'éminent et regretté M. A. Ganeval avait, d'une façon éclatante, mis en relief les anomalies « permis de chasse ». Je n'y reviendrai pas. L'État ne perdant rien à cette uniformisation, on peut s'étonner de ne l'avoir pas encore obtenue. Nous ne voulons croire que le maintien de deux tarifs servirait à marquer certaine différence sociale.

Si un faible pourcentage de notre grande armée désire ne pas être mis sur le même pied, il est aisé de lui donner satisfaction. Que cette sélection fortunée continue à verser 2.500 francs, davantage si elle en meurt d'envie. Pour nous, Français et chasseurs moyens, nous voulons simplement semer notre plomb où bon nous semble. De tous côtés, des confrères pleins de bon sens font des remarques identiques. Mais rien n'est modifié. Je crains que l'ouverture 1951 n'ait lieu avec une réglementation inchangée.

Que faire pour voir se réaliser notre juste revendication ? Si le Conseil supérieur de la chasse ne veut ou ne peut agir, il faut que la masse intervienne. Ah ! comme ce serait aisé si « quelque chose » groupait nos centaines de mille de porteurs d'arme. Et notre grande voix serait entendue. N'oublions point que 1951 est une année d'élections ... Les mauvais esprits vont conclure que le chasseur votera d'après le programme cynégétique du candidat ! ... Même dans le Midi, nous ne sommes pas capables d'agir ainsi. Si M. X ..., député en exercice, recevait journellement quelques dizaines de lettres de sa circonscription condamnant le permis départemental, nous le verrions œuvrer en vue d'obtenir le permis unique. Car M. Y ..., chasseur électeur, a femme et belle-mère. Écouter sa voix peut lui en gagner trois.

Bien sûr, des lecteurs penseront qu'il est puéril d'alerter le Parlement pour chose si futile alors que le pays et le monde traversent des heures graves. Je renvoie ceux-là à la lecture du Journal officiel. Ils seront édifiés quant au sérieux des textes parfois adoptés ! Puis le permis unique n'avancera point l'heure H que trop d'esprits acceptent comme fatale.

A. ROCHE.

Le Chasseur Français N°653 Juillet 1951 Page 397