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Les plombs de pêche

Au premier abord, le sujet paraît n'avoir qu'un intérêt secondaire, mais, pour les initiés, c'est cependant une question fort importante. Tous les pêcheurs au coup doivent savoir que la répartition judicieuse de la plombée donnera à leur ligne une sensibilité génératrice d'un plus grand succès. Les confrères qui, après maintes expériences, ont réussi cette mise au point parfaite ont rendu au monde halieutique un inappréciable service.

Cependant, cette plombée répartie n'a pas eu une répercussion sur le matériel des pêcheurs au lancer, lesquels doivent envisager plusieurs conséquences, que le poids doit déterminer.

Quelles sont-elles ? Évidemment, le plomb doit permettre la propulsion au loin d'un leurre presque sans pesanteur intrinsèque. De ce fait, il variera selon la flexibilité, le nerf de la canne, le poids du leurre lui-même, le diamètre du nylon ou de la soie et la distance à parcourir ; j'omets, à dessein, l'adresse du lanceur et la dextérité de son poignet.

Indépendamment de sa pesanteur, la plombée doit avoir une forme bien particulière, car elle doit annihiler un des cauchemars du pêcheur : le vrillage.

Sans entrer dans une discussion savante où les profils du plomb naîtront de calculs compliqués dont l'aboutissant est un hydrodynamisme intégral, qu'il nous soit permis d'essayer une explication plus terre à terre, mais comprise par tous.

Ce leurre doit tourner — ou onduler — pour paraître représenter une proie vivante et se montrer, ainsi, apte à tenter les voraces ; mais cette rotation, souvent très rapide, trop même parfois, se transmet à son axe, qu'il soit indépendant, comme dans la cuiller, ou fixe, comme dans les montures à poissons morts. Solidairement, cette torsion influe sur le nylon, malgré l'émerillon dont l'action est freinée par la traction, et tout le corps de la ligne connaît bientôt cette calamité qui tord le fil, le vrille en spires chevauchantes, rendant impossible tout lancer ultérieur.

Je sais bien que la récupération en sens inverse devrait théoriquement atténuer cet effet désastreux et même le faire disparaître ; elle n'est pas suffisante, et d'ailleurs, pour pouvoir récupérer convenablement, il a fallu d'abord lancer sans accrocs, ce qui n'est plus possible dès le début du vrillage.

Essayons de fixer, un plomb percé exactement dans son axe longitudinal, juste au-dessus de l'émerillon. La torsion de la ligne sera atténuée dans une large proportion, mais pas entièrement, étant donné que la fixation est théoriquement dans l'axe.

Qu'a donc pensé le premier pêcheur qui a voulu remédier à cet état de choses ? On peut supposer qu'il a désaxé son plomb, c'est-à-dire qu'au lieu de le percer en son milieu il a déplacé le centre de gravité, en laissant plus de métal d'un côté que de l'autre de l'axe.

Pour que l'opération soit plus aisée, il a délaissé la balle ou l'olive et adopté le plomb bateau (fig. 1). Le vrillage était donc devenu impossible en avant du plomb et même à l'arrière, si on avait eu le soin d'y fixer un petit émerillon.

Depuis, toutes les fantaisies inventives des fabricants et des bricoleurs compétents se sont donné libre cours ; les catalogues fourmillent de modèles plus ou moins compliqués, mais tous basés sur le même principe.

Chacun doit être à même de confectionner un plomb antivrilleur, soit parce que le marchand est éloigné de la localité, soit par économie, soit surtout par plaisir.

Un bout de tuyau de plomb à gaz coupé en forme et façonné à l'aide de la pince et de la lime constitue un plomb parfait (fig. 2). Une simple lamelle pliée en deux peut rendre service, sûr place.

Cela est très bien si on adopte la monture d'autrefois qui plaçait le poids à quelques dizaines de centimètres du leurre.

Mais la conception moderne, et combien meilleure, accole l'un à l'autre leurre et plombée pour plusieurs raisons : le lancer correct est facilité de ce fait qu'il n'y a plus qu'un seul poids et le centre d'attraction sur le poisson est unique.

Souvent, autrefois, le brochet sautait sur le plomb qu'il voyait en premier lieu et, se cassant les dents sur ce morceau de métal non armé, il le recrachait vivement et s'en allait, désabusé, remâcher sa rancoeur.

Maintenant, c'est différent : il saute sur le leurre qui tourbillonne sans se soucier du plomb et, quand il s'aperçoit de son erreur, il est trop tard : le triple l'a croche en pleine gueule.

Cette° méthode de plombage doit nous astreindre à certaines précautions, dont la plus importante est de donner au plomb une forme telle que la rotation du leurre n'en soit pas affectée. Le plus souvent, c'est le tandem plomb-cuiller qui est en jeu et la palette doit tourner, bien que placée juste derrière la masse du plomb.

Il faut donc éviter la formation d'un remous à l'arrière et le « collage » du leurre au plomb.

Aussi doit-on essayer chaque cuiller plombée en tête, lorsqu'on confectionne soi-même son matériel : une différence très minime dans le profil gêne la rotation. Il n'en va pas de même dans les modèles du commerce, faits en sériel d'après des données prises sur un modèle parfait.

Un autre inconvénient à éviter : le retournement de la cuiller sur le plomb et l'accrochage du triple sur le bas de ligne (fig. 3). L'axe de la cuiller doit prendre appui sur la partie plate à l'arrière du plomb et ne pas dépasser l'angle droit (fig. 4, en plan). Pour ce faire, la boucle de l'avançon, dans laquelle se prend la boucle, de l'axe de la cuiller, doit être très petite, limitant ainsi le déplacement du leurre, à angle aigu.

Enfin, un autre plombage peut être essayé avec une demi-olive, ou des perles lourdes placées sur l'axe de la cuiller sous la palette (fig. 5).

Cette façon d'opérer est également bonne, quoique moins rationnelle, et nécessite une palette large à la base, capable, dans sa rotation, de soulever l'axe plombé et le maintenir en équilibre horizontal dans son tourbillon, pendant la récupération. A cette condition essentielle, le plombage sur l'axe est acceptable.

D'autres formes, d'autres procédés sont encore employés ; pour mon compte personnel, j'en ai bricolé plusieurs qui n'ont aucun rapport avec les modèles connus ; j'en parlerai peut-être un jour.

Nous, pêcheurs au lancer, virtuoses de la pince et de la lime, avons créé des petits « jouets » qui nous sont chers et tout aussi efficaces que les meilleurs. Cherchons toujours et n'attendons pas qu'un confrère plus habile nous ouvre la voie ; nous doublerons notre plaisir.

Marcel LAPOURRÉ,

Délégué du Fishing-Club de France.

Le Chasseur Français N°653 Juillet 1951 Page 407