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La parthénogenèse en pisciculture

Voilà un mot bien savant et bien rébarbatif et qui représente l'aboutissement suprême de la fécondation artificielle.

Dans mes précédentes chroniques, j'ai montré qu'en exprimant du sperme de poisson mâle sur des œufs de poisson femelle, on pouvait obtenir la fécondation de l'œuf et le développement ultérieur des alevins. Dans la parthénogenèse, le déclenchement du développement de l'œuf est obtenu sans fécondation, c'est-à-dire que la reproduction est assurée par la femelle seule, avec obtention de sujets sans père. Rassurez-vous, la science n'est pas arrivée à la réussir sur l'espèce humaine, et l'on n'obtient des résultats probants qu'avec certains animaux inférieurs.

C'est depuis le début du XXe siècle que de nombreuses expériences de parthénogenèse ont été tentées par divers biologistes. Les premiers succès furent observés sur les œufs du papillon du ver à soie par Boursier (1847). Les résultats ont été médiocres : 6 p. 100 seulement de réussite et l'expérience passa inaperçue et fut oubliée.

Ce fut vers 1900 que l'Américain Loeb obtint un début de développement des œufs d'oursin sans intervention d'un élément mâle. Quelques années plus tard, le Français Delage obtint pour la première fois des animaux adultes sans intervention de spermatozoïdes en traitant des œufs d'oursin par de l'eau de mer, du gaz carbonique et des solutions chimiques plus compliquées.

Enfin, un peu plus tard. Bataillon, en piquant des œufs vierges de grenouille avec une épingle très fine et en introduisant dans l'œuf des globules sanguins, a obtenu des grenouilles qui devinrent adultes.

Passons rapidement en revue les résultats obtenus. Ils n'ont été positifs que chez certains insectes, les oursins, les étoiles de mer, certains mollusques, certains vers, et parmi les vertébrés uniquement chez les batraciens, et notamment la grenouille. Les agents les plus efficaces de remplacement du mâle ont été soit des procédés physiques tels que variation d'éclairage, élévation de température, de pression osmotique, dessiccation de l'ovaire, concentration d'eau de mer ou solution saline hypertonique, soit parmi les procédés chimiques, divers acides ou des sels de potassium, de sodium, de magnésium, soit, parmi les procédés divers, des piqûres avec ou sans inoculation de produits d'origine vivante. Et sur les poissons ? Jusqu'à présent, de tous les essais faits, une seule expérience parut réussir en 1933 et fit grand bruit. M. Pirola, directeur de l'Établissement de Pisciculture de Bellano, en Italie, annonça avoir réussi la fécondation d'une petite alose sédentaire, l'agone, habitant le lac de Côme, et pensa, non sans raison, que la fécondation n'est autre chose que la stimulation donnée au germe pour déclencher le phénomène de la segmentation, stimulation qui, normalement, est le fait du spermatozoïde.

Pirola procéda à des captures d'agones, tria soigneusement les femelles des mâles, les sépara. Il expulsa de l'ovaire des femelles une certaine quantité d'œufs, les féconda en mettant ces œufs dans une solution hypotonique comprenant du sel marin à une densité égale à environ la moitié de celle d'eau de mer, en utilisant comme stimulant un faible courant électrique de faible durée. En pratique, il faisait passer un simple courant continu de 2 à 3 volts durant 20 à 30 secondes tout en brassant les œufs dans une cuvette. Par cette méthode, il obtint la fécondation de l'agone dans une proportion de 30 à 100 p. 100. Il obtint de très grandes quantités d'alevins. Malheureusement, il fut par la suite établi que Pirola, de fort bonne foi d'ailleurs, ne pouvait empêcher, en prélevant ses agones sur les frayères grouillantes de géniteurs des deux sexes, de porter dans le mucus et la vase qui salissait les poissons femelles des spermatozoïdes émis par les mâles. De ce fait, malgré les précautions prises, quelques spermatozoïdes faussaient les expériences ; aussi ne peut-on considérer comme concluants les essais de Pirola et la parthénogenèse chez les poissons n'est-elle pas un fait scientifique dûment établi. Bornons-nous, en conséquence, à pratiquer la fécondation artificielle normale qui, elle, donne des résultats vraiment remarquables.

DELAPRADE.

Le Chasseur Français N°653 Juillet 1951 Page 408