Les parents comprennent et acceptent difficilement, s'ils ne
sont pas prévenus, que dans certains cas on fasse pratiquer à leurs enfants une
gymnastique non pas générale et éducative (qu'on pourrait aussi appeler
gymnastique de développement général), mais une gymnastique localisée, ou segmentaire,
n'intéressant qu'un petit groupe de muscles et laissant exprès les autres au
repos.
C'est pourtant une nécessité qui s'impose dans certains cas
pathologiques, dans certaines déformations, où il faut développer un groupe
musculaire atrophié (en retard sur les autres), ou corriger une déformation
locale.
Il est bien évident qu'en pareil cas, si l'on employait une
gymnastique ordinaire, c'est-à-dire générale, on ne ferait, en développant l’ensemble
du corps, qu'aggraver la déformation au lieu de la guérir, et qu'on ne pourra
aborder la gymnastique générale qu'à partir du moment où la déformation visée
aura été corrigée.
Nous prendrons aujourd'hui comme exemple un cas assez
curieux, quoique malheureusement assez fréquent : celui des déformations
thoraciques ou scapulaires provoquées par l'asthme chez les enfants. Il est
fréquent, en effet, et surtout dans l'adolescence, de constater chez les
enfants qui ont eu — ou qui ont encore — des crises d'asthme fréquentes
certaines déformations, la plus typique étant une cyphose de la colonne
cervicale (c'est-à-dire des premières vertèbres, celles du cou), dont la
première manifestation apparente est une tendance à se voûter. Et pourtant ces
enfants ont une musculature suffisante, voire normale.
C'est certainement à la position crispée, penchée en avant,
arc-boutée au dossier d'une chaise ou à l'oreiller, que prennent les enfants au
moment ou à l'annonce angoissante de leur crise d'asthme, position souvent répétée,
que cette déformation se développe. Et si, au moment de la crise, ils adoptent
cette position, c'est parce qu'elle leur permet de respirer, en utilisant des
muscles respiratoires accessoires dont le sujet normal ne se sert jamais. Puis,
inconsciemment, le petit malade s'habitue à cette position, la conserve et se
voûte.
En présence d'une telle déformation, il faut évidemment
limiter les exercices de gymnastique aux seuls muscles dont l'insuffisance
menace de créer la cyphose ; sinon, on obtiendrait, au contraire, pour
résultat de l'aggraver.
Tout se passe comme si la nature ne permettait de refaire
par la gymnastique qu'un certain poids, ou plus exactement un certain volume de
fibres musculaires nouvelles, et c'est sur ces seuls muscles qu'il faut centrer
l'effort.
Dans le cas que nous venons de prendre en exemple, la
technique consiste à faire exécuter tous les matins, pendant quelques minutes,
des mouvements respiratoires et des tractions aux anneaux, ou au trapèze, ou à
là barre fixe, sous la surveillance de la mère, à laquelle le médecin ou le
professeur d'éducation physique aura appris les gestes à exécuter. On pourra
compléter cette rééducation par le port d'une épaulière (cent fois préférable
aux antiques corsets).
Nous avons choisi cet exemple parce qu'il est l'un des plus
typiques. Dans d'autres cas, comme par exemple un relâchement de la sangle
abdominale à la suite de grossesses ou d'opérations répétées, un pied plat, une
lordose, on adopte pour chacun une série de mouvements appropriés.
Cet exemple, nous l'espérons, fera comprendre aux mamans
qu'elles ne doivent pas s'inquiéter, au contraire, si, avant de passer à
l'éducation physique générale normale, le professeur, ou le médecin, exige
d'abord la correction d'une déformation, d'une insuffisance locale. C'est dans
l'intérêt de leurs enfants, et il est nécessaire de leur en expliquer les
raisons.
Dr Robert JEUDON.
|