Nous commencerons cette causerie par un bref exposé des
conditions de navigation d'un voilier. N'importe quel bateau, même dépourvu de
voiles, avancera s'il est poussé par le vent venant de l'arrière. Supposons que
notre bateau soit une barque à fond plat, un kayak ou un canoé ordinaire ;
si le vent le frappe de côté, il glissera sur l'eau latéralement et, si le vent
vient de trois quarts avant, il reculera dans la même direction, comme le
ferait un objet quelconque flottant à la surface de l'eau, à condition, bien
entendu, que le courant soit nul.
Si un voilier se comporte différemment et possède la faculté
de suivre une direction autre que celle du vent, c'est grâce à l'intervention
du plan de dérive immergé sous la coque — que nous nommerons plus simplement la
dérive — qui s'oppose à l'effet de dérapage et maintient le bateau dans sa
direction. Nous préciserons qu'un voilier peut naviguer sans dérive s'il reçoit
le vent d'arrière à trois quarts arrière ; avec vent de côté ou trois
quarts avant, la dérive devient nécessaire, et nous ne pourrons plus remonter
un vent de face, ou presque, suivant un angle plus ou moins important en
fonction des qualités du voilier considéré.
Le plan de dérive peut présenter différents aspects ;
sur un voilier important, il est constitué par une quille lestée à la partie
inférieure qui prolonge la coque. Sur un voilier plus léger, la quille fixe
peut être rapportée et n'être constituée que par une lame de métal lestée ou
non à la base. Enfin, sur les petites unités, on emploie le plus fréquemment la
dérive mobile montée dans un puits de dérive saillant à l'intérieur de la
coque. Cette solution convient parfaitement au canoé, mais il est plus fréquent
d'employer les dérives latérales originaires de Hollande, ou elles sont
utilisées sur des bateaux de peu de tirant d'eau, d'un tonnage souvent très
important.
Avant d'étudier le montage et l'utilisation de ces deux
types de dérives, les seuls convenant au canoé, précisons qu'une dérive
n'ajoute rien à la stabilité du bateau, à moins d'être lestée, mais une telle
éventualité ne peut être envisagée avec une coque très légère.
Dérive centrale.
— Elle est constituée par une pale en métal remontant par
pivotement dans un puits installé à l'intérieur de la coque, dans l'axe
longitudinal, vers le centre. Pour un canoé, la pale est généralement en
duralumin, longue et étroite ; elle comporte vers la partie supérieure une
encoche qui permet de la maintenir dans n'importe quelle position sur le pivot
noyé à l'intérieur du puits. La figure 1 montre schématiquement la disposition
d'un puits de dérive composé de deux parois en bois réunies aux extrémités.
Suivant la forme, de la pale, c'est le cas sur notre croquis, l'orifice
supérieur peut être partiellement fermé vers l'arrière et ne laisser qu'une
ouverture pour permettre d'enlever la pale.
Il est préférable de monter le puits de dérive à la
construction du canoé en prévoyant une quille extérieure plus large à
l'emplacement de la fente et des renforts à l'intérieur pour maintenir le puits
qui supporte, en cours de navigation, des efforts considérables. La solution
qui consiste à rapporter un puits sur un canoé courant est très délicate et
risque fort d'apporter des déboires.
L'emplacement du puits doit être déterminé avec précision en
fonction du centre de voilure, et il est sage de s'en rapporter, pour ce
calcul, à l'expérience d'un architecte naval.
Dérive latérale.
— Elle a l'avantage de ne modifier en rien la structure du canoé
et de ne pas l'alourdir ; son encombrement est nul à l'intérieur du
bateau. Pouvant être posée à un emplacement variable, elle facilite la
recherche du meilleur équilibre en fonction du centre de voilure. Par contre,
son rendement est un peu inférieur à celui d'une dérive centrale, et il arrive
-que le contact d'une pale avec la crête d'une vague fasse embarquer un peu
d'eau.
Une dérive latérale se compose d'une traverse en bois
terminée par deux joues, contre lesquelles s'appuient les pales (fig. 2). La
traverse est fixée au canoé par deux cales de serrage qui prennent appui sous
les plats-bords. Les boulons de ces cales se déplacent dans deux fentes
pratiquées dans la traverse pour permettre un réglage en fonction de la largeur
du canoé. L'assemblage des joues est renforcé par des équerres métalliques.
De forts boulons munis d'écrous à larges ailes maintiennent
les pales contre les joues en permettant leur pivotement. Il y a intérêt à
utiliser des pales très profondes, et celles que nous employons avec les
gréements Houari ou Marconi, présentés le mois dernier, mesurent 1 mètre pour
une largeur de 0m,20. Le bord d'attaque est arrondi, le bord arrière très
aminci.
Gouvernail.
— Comme tous les gouvernails de voiliers légers, celui du canoé
comporte un safran métallique articulé sur une partie supérieure en bois qui
doit être placée au-dessus de la flottaison pour permettre l'échouage facile,
le safran se relevant de lui-même. La ferrure de fixation ne doit pas laisser
de pièces saillantes sur la coque après démontage.
Sur le dessus du gouvernail se place, d'un bord ou de
l'autre au choix du barreur, un plateau qui reçoit l'extrémité de la barre
(fig. 3). Ce plateau agit comme une bielle, et la barre est déplacée d'avant en
arrière. Cette manœuvre déroute au début, et une barre franche permettrait de mieux
sentir les réactions du bateau, mais l'étroitesse du canoé n'en permet pas
l'emploi.
G. NOËL.
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