La grande majorité des traités de culture potagère sont peu
prolixes sur une question qui, par ce temps de vie chère, est pour beaucoup de
première importance. C'est celle qui a pour objet de faire produire au sol son
maximum et qui n'est autre que la contreplantation. Cette opération a, en
effet, pour but d'obtenir une récolte relativement rapide de certaines plantes
qu'on sème ou repique dans l'intervalle existant entre d'autres végétaux à
lointaine production. Ces végétaux sont plantés à demeure à une assez grande
distance les uns des autres, en raison de leur développement futur. C'est le
cas notamment pour l'asperge, le cardon, les choux pommés et les choux-fleurs.
Pour l'asperge, qui exige au minimum trois ans avant de
produire et que l'on plante généralement dans les jardins potagers à 1m,20
entre les rangs et à 0m,90 sur les lignes, il est avantageux et même
recommandable, pendant les deux premières années, d'utiliser les interlignes
par une plantation de pommes de terre hâtives la première année. On la fait
suivre d'une contreplantation de choux de Bruxelles demi-nains faite avant la
récolte des pommes de terre en replantant les jeunes plants entre les touffes.
La seconde année, dans ces interlignes, on peut prévoir un
semis de haricots nains pour récolter soit en vert, soit en grains.
Pour le cardon, qui est particulièrement long à se
développer au début, et qui reste indécis pendant plusieurs mois pour enfin
prendre une grande envergure en août et septembre, on le plante en lignes
distantes de 0m,80 et à 1 mètre sur celles-ci. Il est donc avantageux de
profiter de cet écartement pour semer entre les lignes, soit des pois nains en
rayons entre les rangs, soit des haricots nains en poquets et des laitues ou
des romaines entre les plantes sur la ligne.
Ces différents légumes ont largement le temps de se
développer et d'être récoltés avant de porter préjudice au cardon. Il en est de
même pour une nouvelle plantation d'artichauts, qui s'effectue aux mêmes
distances que dans le cas précédent.
Les choux d'automne et d'hiver (Milan, de Pontoise, Cressonnier,
etc.), qui sont plantés en juillet à 50 ou 70 centimètres, peuvent également
recevoir une contreplantation de laitues, de scaroles, faite au même moment,
c'est-à-dire une laitue ou scarole entre chaque plant de chou et une ligne de
ces sortes de salade entre deux rangées de choux.
Cette manière d'opérer s'applique encore davantage aux choux
« Quintal d'Alsace », « Gros de Strasbourg », qui se
plantent à la même époque, mais à 0m,80 en tous sens. Les choux de Bruxelles,
les choux-fleurs d'automne, qui sont mis en place depuis le début de juillet
jusqu'à la première quinzaine d'août, pourraient, eux aussi, recevoir une contreplantation
puisqu'ils doivent se repiquer à 50 ou 70 centimètres en tous sens. Profitant
de ces écartements, une plantation intercalaire de scarole ronde, de chicorées
frisées de Rouen ou de Meaux, est à conseiller. Tels sont les principaux cas de
contreplantation pratique. Il ne faut pas toutefois trop exagérer ce mode de
culture et l'appliquer à des légumes qui se cultivent à des écartements plus
réduits que ceux indiqués ci-dessus. C'est ainsi qu'on ne saurait recommander
de faire sur une même planche : un semis de carottes et de petits radis,
puis une contreplantation de choux-fleurs et de romaines, car cette double contreplantation
se ferait au détriment des carottes, qui ont besoin d'air et de lumière pour
acquérir un développement normal.
Or, en la circonstance, il ne fait aucun doute que le feuillage
des choux-fleurs et celui des romaines étoufferaient en grande partie les
carottes.
Ce qui revient à dire qu'en jardinage comme en toutes
choses : « Qui trop embrasse mal étreint. »
A. GOUMY,
Ingénieur horticole.
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