Accueil  > Années 1951  > N°653 Juillet 1951  > Page 417 Tous droits réservés

La contreplantation en culture potagère

La grande majorité des traités de culture potagère sont peu prolixes sur une question qui, par ce temps de vie chère, est pour beaucoup de première importance. C'est celle qui a pour objet de faire produire au sol son maximum et qui n'est autre que la contreplantation. Cette opération a, en effet, pour but d'obtenir une récolte relativement rapide de certaines plantes qu'on sème ou repique dans l'intervalle existant entre d'autres végétaux à lointaine production. Ces végétaux sont plantés à demeure à une assez grande distance les uns des autres, en raison de leur développement futur. C'est le cas notamment pour l'asperge, le cardon, les choux pommés et les choux-fleurs.

Pour l'asperge, qui exige au minimum trois ans avant de produire et que l'on plante généralement dans les jardins potagers à 1m,20 entre les rangs et à 0m,90 sur les lignes, il est avantageux et même recommandable, pendant les deux premières années, d'utiliser les interlignes par une plantation de pommes de terre hâtives la première année. On la fait suivre d'une contreplantation de choux de Bruxelles demi-nains faite avant la récolte des pommes de terre en replantant les jeunes plants entre les touffes.

La seconde année, dans ces interlignes, on peut prévoir un semis de haricots nains pour récolter soit en vert, soit en grains.

Pour le cardon, qui est particulièrement long à se développer au début, et qui reste indécis pendant plusieurs mois pour enfin prendre une grande envergure en août et septembre, on le plante en lignes distantes de 0m,80 et à 1 mètre sur celles-ci. Il est donc avantageux de profiter de cet écartement pour semer entre les lignes, soit des pois nains en rayons entre les rangs, soit des haricots nains en poquets et des laitues ou des romaines entre les plantes sur la ligne.

Ces différents légumes ont largement le temps de se développer et d'être récoltés avant de porter préjudice au cardon. Il en est de même pour une nouvelle plantation d'artichauts, qui s'effectue aux mêmes distances que dans le cas précédent.

Les choux d'automne et d'hiver (Milan, de Pontoise, Cressonnier, etc.), qui sont plantés en juillet à 50 ou 70 centimètres, peuvent également recevoir une contreplantation de laitues, de scaroles, faite au même moment, c'est-à-dire une laitue ou scarole entre chaque plant de chou et une ligne de ces sortes de salade entre deux rangées de choux.

Cette manière d'opérer s'applique encore davantage aux choux « Quintal d'Alsace », « Gros de Strasbourg », qui se plantent à la même époque, mais à 0m,80 en tous sens. Les choux de Bruxelles, les choux-fleurs d'automne, qui sont mis en place depuis le début de juillet jusqu'à la première quinzaine d'août, pourraient, eux aussi, recevoir une contreplantation puisqu'ils doivent se repiquer à 50 ou 70 centimètres en tous sens. Profitant de ces écartements, une plantation intercalaire de scarole ronde, de chicorées frisées de Rouen ou de Meaux, est à conseiller. Tels sont les principaux cas de contreplantation pratique. Il ne faut pas toutefois trop exagérer ce mode de culture et l'appliquer à des légumes qui se cultivent à des écartements plus réduits que ceux indiqués ci-dessus. C'est ainsi qu'on ne saurait recommander de faire sur une même planche : un semis de carottes et de petits radis, puis une contreplantation de choux-fleurs et de romaines, car cette double contreplantation se ferait au détriment des carottes, qui ont besoin d'air et de lumière pour acquérir un développement normal.

Or, en la circonstance, il ne fait aucun doute que le feuillage des choux-fleurs et celui des romaines étoufferaient en grande partie les carottes.

Ce qui revient à dire qu'en jardinage comme en toutes choses : « Qui trop embrasse mal étreint. »

A. GOUMY,

Ingénieur horticole.

Le Chasseur Français N°653 Juillet 1951 Page 417