C'est d'outre-Manche que nous est venue, il y a quelque
vingt années, avec bien d'autres modes, celle des allées et des terre-pleins
dallés ...
Rapidement, cette nouvelle façon de traiter les parties du
jardin réservées à la circulation avait pris de l'extension avant la deuxième
guerre mondiale. La pénurie de matériaux de construction, consécutive à
celle-ci, en avait freiné quelque peu la généralisation. On y revient
actuellement et il est à prévoir que, d'ici peu, on ne créera plus guère de
jardins neufs sans y réserver une place d'importance plus ou moins grande à
cette formule originale.
Principes généraux.
— Le chemin ou le terre-plein dallé doit être établi
spécialement pour permettre d'y cultiver quelques plantes particulièrement
rustiques.
Si résistantes soient-elles, ces plantes doivent pouvoir
enfoncer suffisamment leurs racines pour braver à la fois les grands froids de
l'hiver et la sécheresse de l'été. Ceci exclut la possibilité de poser les
dalles sur une couche uniforme de béton de ciment, en ne laissant entre elles qu'un
intervalle de quelques centimètres de largeur et de profondeur égale à la
largeur de la dalle, intervalle qui serait ensuite rempli de terre. Il est en
effet certain que, dans ces conditions, aucune plante ne saurait résister.
Il est possible, lorsqu'on les a sous la main, d'utiliser comme
dalles des pierres plates, provenant par exemple de carrières de schistes, et
ayant de 5 à 10 centimètres d’épaisseur. Il ne faut pas, toutefois, que ces
pierres soient gélives, c'est-à-dire sujettes à se désagréger sous l'influence
des gelées. On peut aussi se servir de briques de couleurs diverses, assorties
aux plantes qui devront garnir les interstices et posées soit à plat, soit sur
champ.
Mais, dans la majorité des cas, on fait les dalles en
ciment.
Le dessin du dallage est tout d'abord réalisé sur le
terrain. On se sert pour cela de lattes de bois de 5 à 10 centimètres de large,
qui occupent la place des interstices ; puis on place entre ces lattes,
qui forment par leur ensemble une sorte de coffrage, du ciment teinté à
volonté. Une fois le ciment bien pris, les lattes sont enlevées et remplacées
par de la bonne terre de jardin. Une autre façon d'arriver au résultat cherché
consiste à fabriquer en atelier des dalles en ciment armé, de diverses formes,
que l'on emploie ensuite de la même façon que s'il s'agissait de pierres
plates.
En sol sain et ferme, les dalles peuvent prendre appui directement
sur le terrain, bien nivelé et tassé au préalable, tandis qu'en sol humide
chaque dalle doit reposer sur une petite assise en béton, en mâchefer, ou
simplement sur quelques pierres plates bien calées.
Plantation.
— Les plantes destinées à garnir les interstices doivent
être, autant que possible, disposées par groupes de même variété. On associe
les espèces de telle façon que leurs couleurs et leurs tailles s'harmonisent
parfaitement.
Les plantes à port étalé, gazonnant ou retombant, sont les
plus convenables pour cette utilisation. Les plus naines et les plus rustiques
doivent occuper le milieu de l'allée, où l'on marche le plus souvent et où
elles courent le risque d'être piétinées, tandis que celles de plus grande
taille sont plantées sur les bords et dans les encoignures, où l'on ne marche
qu'exceptionnellement.
Quelques espèces pour dallages.
— Les plantes susceptibles d'être utilisées pour cet usage
sont assez nombreuses. Mais l'une des plus usitées est la sagine à feuilles
subulées, encore appelée spargoute pilifère, qui forme un véritable
gazon, très fin et moelleux, débordant sur les dalles et se couvrant, de mai en
août, d'innombrables petites fleurs étoilées d'un blanc pur.
Les sedum gazonnants, particulièrement le sedum
acre, à fleurs jaune vif en mai-juin-juillet ; le veronica prostrata,
aux innombrables fleurs bleues ; les aubriétias, aux jolies teintes
bleu pâle, bleu foncé ou roses selon les variétés ; la corbeille
d'argent et la corbeille d'or sont autant d'espèces fleurissant au
printemps et au début de l'été et qu'il est préférable de placer dans les
endroits où l'on circule peu.
Le gazon d'Espagne (Statice armeria), aux nombreux
capitules roses, les campanules naines à fleurs bleues, puis, un peu
plus tard, la gypsophile naine, la camomille romaine, le lippia
canescens apportent également la note gaie quand la plupart des espèces
précédentes cessent de fleurir.
Du mois de mai jusqu'aux gelées s'épanouissent encore les
fleurs bleu foncé ou violet rougeâtre des viola cornuta, les nombreux et
légers capitules blanc rosé du vittadinia triloba, les mignonnes
corolles azurées du nepeta mussini.
Certaines espèces ne fleurissent guère, mais ne manquent
pas, cependant, d'être intéressantes par leur feuillage, généralement
blanchâtre, qui persiste en toute saison. Telles sont la joubarbe toile
d'araignée, la joubarbe tomenteuse, l’antennaria dioïca, le céraiste
tomenteux, le stachys laineux.
Enfin, parmi les plantes vivaces, on peut encore avoir
recours à quelques-unes : la linaire cymbalaire, espèce de muraille
aux fleurettes bleu clair ; la corydalle jaune, aux belles grappes
jaune d'or ; le thym à odeur de citron ; le pyrèthre
gazonnant ; les phlox setacea et amoena.
Et, parmi les plantes annuelles, à plusieurs autres : pourpier
à grande fleur, oxalis pourpre, ficoïde tricolore, eschcshaltzia
nain compact, etc.
La plupart des espèces citées ci-dessus, qui croissent à
l'état spontané dans les rocailles, sur les vieux murs ou en bordure des
chemins, sont d'une grande résistance à la sécheresse.
Il est cependant utile, et même parfois nécessaire, en période
d'été, de les arroser de temps en temps. Il faut aussi pratiquer des sarclages
pour empêcher le développement simultané d'autres plantes adventices,
dépourvues d'intérêt, qui pourraient les concurrencer.
Mais ces soins ne donnent guère à l'amateur beaucoup plus de
travail que l'entretien des allées sablées. Ils permettent, en revanche, de
s'assurer, pendant toute la belle saison, des floraisons abondantes et variées.
E. DELPLACE.
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