Dans beaucoup d'exploitations agricoles, et même chez nombre
d'amateurs, on laisse souvent perdre, pendant la belle saison, lorsqu'il y a
abondance, des quantités importantes de fruits, pour ne pouvoir tous les
consommer et trouver à les vendre, même à vil prix.
Il existe cependant des procédés simples et pratiques
permettant de mettre en réserve, pour l'hiver, une notable partie de ces fruits ;
ces moyens sont malheureusement trop peu connus des ménagères. A la campagne
surtout, on est encore trop porté à croire qu'il faut un talent particulier
pour réussir des confitures, apprêter des bocaux de conserves ou simplement
dessécher des fruits dans de bonnes conditions. De là l'hésitation à
entreprendre ces préparations ...
Il n'est cependant pas besoin d'insister longuement sur les
immenses avantages qu'offrent, en ce temps de vie chère les provisions de
bouche ainsi mises en réserve à l'époque de la surabondance.
Qu'y a-t-il, en effet, de plus agréable que de pouvoir faire
figurer de temps à autre, dans le menu forcément monotone de la mauvaise
saison, des confitures de fraises ou de groseilles, des conserves de cerises,
de poires, des pruneaux ? Enfants, vieillards, convalescents trouveront,
dans ces préparations saines, exemptes de produits étrangers, des stimulants de
valeur, que ne dédaigneront pas non plus les personnes bien portantes.
Le côté économique n'est pas davantage négligeable, pour les
familles nombreuses surtout. En effet, bien que l'industrie des conserves ait
pris chez nous une importance toujours croissante depuis qu'Appert a vulgarisé
le procédé de stérilisation par la chaleur, il n'en reste pas moins certain que
les excellents produits livrés par le commerce sont encore trop onéreux pour
que les bourses modestes puissent en user autrement qu'avec parcimonie. Quant
aux fruits frais, souvent grevés de frais de transport très importants du fait
de leur provenance, il n'y faut guère songer.
En dehors de la conservation au fruitier, qui n'intéresse
que les fruits à pépins, la conservation des fruits peut s'effectuer de
différentes façons :
1° Par l'emploi d'un antiseptique. Le sucre, en
solution concentrée, joue le rôle d'antiseptique ; il est, à ce titre,
employé pour la préparation des confitures, dans laquelle son action est combinée
à celle de la chaleur.
2° Par enrobage, c'est-à-dire en enveloppant le
produit à conserver dans une matière qui le met plus ou moins à l'abri du
milieu extérieur : germes, oxygène de l'air, lumière, humidité, en même
temps qu'elle en empêche la dessiccation. La paraffine, le papier d'étain pur,
un certain nombre de matières pulvérulentes bien sèches et dépourvues d'odeur
(poudre de liège, tourbe, poussière de charbon tamisé, sable fin) peuvent être
utilisés pour l'enrobage.
3° Par dessiccation ou séchage, qui se fait
soit au soleil, soit au four, soit mieux encore, au moyen d'appareils spéciaux
nommés évaporateurs, dont certains, de petite dimension, susceptibles de se
placer sur un fourneau de cuisine, peuvent servir dans un ménage.
4° Par l'emploi de la chaleur, qui permet de tuer
tous germes susceptibles de nuire à la conservation du produit. Le procédé
Appert est actuellement le plus employé.
5° Par le froid. Toutefois, jusqu'ici, cette méthode
n'a guère d'applications dans les ménages, à la campagne tout au moins.
De tous ces procédés, la préparation des confitures et la
stérilisation par le procédé Appert sont les plus à la portée des maîtresses de
maison.
Les confitures.
— Il convient de distinguer :
a. Les confitures proprement dites, dans lesquelles
les fruits sont entiers ou découpés ;
b. Les marmelades et compotes, où ils sont désagrégés
et leur pulpe intimement mélangée au sirop de sucre ;
c. Les gelées et sirops, constitués par un mélange de
sirop de sucre et de jus de fruits.
Les véritables confitures se préparent ordinairement en
ajoutant les fruits épluchés au sirop de sucre. On fait cuire ensuite
suffisamment, tout en remuant très souvent.
Pour les fruits à chair délicate, qui ne supporteraient pas
une telle cuisson sans se désagréger, on doit, au préalable, les blanchir dans
un sirop perlé, dans lequel ils perdent une partie de leur jus. On les retire
ensuite à l'aide d'une écumoire et on ne les remet qu'après concentration du
sirop, c'est-à-dire un peu avant la fin de la cuisson.
Les marmelades et les compotes sont moins cuites. Pour les
conserver un certain temps, on les met en boîtes ou en flacons hermétiquement
clos, que l'on stérilise.
D'ailleurs, les confitures elles-mêmes peuvent fort bien
être stérilisées par le même moyen, c'est-à-dire par un séjour de vingt à
trente minutes dans l'eau bouillante. Il n'est, dans ce cas, pas nécessaire de
les sucrer autant, ce qui en permet la consommation par certaines personnes qui
n'en pourraient user autrement.
On peut fort bien utiliser les fruits trop mûrs ou un peu
abîmés pour préparer des confitures. Il convient alors, en les épluchant,
d'éliminer toutes les parties avariées. Mais il faut se garder de laisser trop
longtemps les fruits ouverts avant de les faire cuire, car des altérations pourraient
se produire, ce qui aurait pour résultat d'empêcher les confitures de se
prendre en gelée par la suite.
Les conserves.
— La cuisson en récipients clos, peut être employée pour
conserver tous les fruits.
Le principe de la méthode Appert est le suivant : on
place, dans des bocaux ou dans des bouteilles, la substance à traiter. Après
avoir soigneusement fermé les vases, de façon à ce qu'ils soient tout à fait
hermétiques, on les plonge dans un bain-marie et on les laisse soumis à
l'action de l'eau bouillante pendant un temps plus ou moins long, suivant la
nature et le volume du contenu. De cette façon, les germes que pouvaient déjà
receler les fruits sont détruits par l'action de la chaleur, et, d'autre part,
ces fruits se trouvent, dans les récipients clos, à l'abri de tous les germes
pouvant venir de l'extérieur.
Dans les ménages, et pour la consommation familiale, les
produits sont, le plus souvent, introduits dans les vases sans autres
précautions que celles dictées par la propreté.
Un grand chaudron, une lessiveuse, ou bien, à la ferme, la
chaudière à cuire les aliments du bétail, peuvent servir de bain-marie. On
trouve aussi, dans le commerce, de petits dispositifs spécialement étudiés pour
le chauffage de bocaux à fermeture perfectionnée.
Le verre des récipients ne doit pas reposer directement sur
le fond du chaudron. Au contact de l'appareil de chauffage il se produirait, en
effet, une inégale dilatation du verre, qui pourrait provoquer la casse des
récipients. Il y a donc lieu de disposer au fond une toile grossière, du foin,
de la paille hachée, etc. Les bouteilles seront placées droites, convenablement
isolées les unes des autres pour éviter qu'elles ne s'entrechoquent pendant
l'ébullition. Pour cela, chaque bouteille peut être placée dans un paillon ou
bien entourée de chiffons. On verse ensuite de l'eau froide sans les couvrir
complètement. Si le bouchon se trouvait submergé, il faudrait, après la cuisson
et pendant le refroidissement, enlever de l'eau, afin d'éviter la pénétration
du liquide.
Le chaudron fermé par un couvercle, on chauffe lentement
pour permettre une dilatation progressive et régulière du verre. Il faut
compter une demi-heure environ pour arriver à l'ébullition. Pour se rendre
compte de la façon dont on chauffe et éviter les à-coups, un thermomètre est
très utile, surtout pour les débutants.
L'industrie fabrique des bains-marie à double fond pour chauffage
à la vapeur, beaucoup plus faciles à conduire. Il existe même des appareils
avec chauffage au gaz.
La cuisson demande un temps variable, selon le produit
traité. Lorsqu'elle est terminée, on laisse le liquide se refroidir jusqu'à une
température voisine de la température extérieure, puis on sort les flacons
contenant les conserves. Il faut bien se garder de le faire plus tôt, car on
s'exposerait à les faire éclater. Même, s'ils sont encore un peu chauds, il
faut éviter de les poser sur un corps froid ou de les placer dans un courant
d'air.
Lorsqu'il s'agit de bouteilles fermées par un bouchon et que
celui-ci, convenablement ficelé, est bien sec, on coule dessus de la paraffine
ou de la cire, à moins que, les bouteilles contenant du liquide et ayant un bon
bouchon, on ne préfère les garder couchées dans un endroit à la fois froid et
sec, ce qui peut parfaitement suffire lorsqu'il ne s'agit pas d'une trop longue
conservation.
Si l'on utilise des récipients à fermeture perfectionnée, il
faut se conformer, pour la conduite à tenir, aux indications données par les
fabricants. De même, s'il s'agit de boîtes métalliques à couvercle soudé, on
n'a pas à craindre de voir l'eau s'introduire à l'intérieur. On peut donc les
immerger complètement, en les chargeant de poids, si la chose est nécessaire,
pour les empêcher de remonter. D'ailleurs, dans les ménages, les récipients en
verre sont généralement préférés aux boîtes. On peut se servir de bouteilles
ordinaires, à condition de prendre quelques précautions dans le chauffage,
qu'il faut conduire très régulièrement. Les bouteilles à Champagne, à limonade
gazeuse, qui sont à parois épaisses, sont particulièrement convenables pour les
petits fruits.
Il faut rechercher, autant que possible, les verres sans
défaut, d'épaisseur uniforme, sans inscriptions en creux ou en relief, à col
plutôt évasé pour faciliter la dilatation du produit à l'intérieur. Préférer
les petits flacons, d'un demi-litre ou même un tiers de litre, dont le contenu
peut être consommé en une seule fois et qui sont plus facilement stérilisés. La
couleur du verre est sans importance ; cependant le verre blanc permet de
mieux voir les produits renfermés dans les flacons, qu'on doit, au surplus,
toujours étiqueter soigneusement.
E. DELPLACE.
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