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Élevage

L'herpès ou teigne des chevaux

On désigne sous ces deux appellations, la première scientifique, la seconde imagée (de même que celle de « dartre », employée aussi dans le langage courant), une maladie de la peau ordinairement plus ennuyeuse que dangereuse, mais pouvant devenir grave dans certains cas, à cause de sa grande contagiosité, non seulement pour les animaux, mais aussi pour l'homme. Elle est provoquée par la présence d'un champignon parasite (Tricophyton tonsurans) qui se développe dans les follicules pileux et détermine la chute des poils, après les avoir réunis en touffes hérissées par une croûte à leur base, qui se détache en quelques jours, laissant à leur place une dépilation arrondie à surface plus ou moins suintante. D'après la forme de ces dépilations, on a pris l'habitude de distinguer trois sortes d'herpès : l'herpès tonsurans, se manifestant par les plaques dépliées pouvant atteindre de quatre à cinq centimètres de diamètre ; l'herpès circiné, sous forme d'anneaux dépourvus de poils avec centre non dépilé ; enfin l'herpès epilans, formé par des pustules de la grosseur d'un pois environ, laissant plus tard une surface dépourvue de poils.

Bien que l'herpès soit une affection le plus souvent bénigne, elle n'est pas sans influencer l'état général des sujets atteints, surtout des poulains ; et, comme elle est des plus contagieuses, les spores du champignon se disséminant rapidement sur toutes les parties du corps et passant d'un animal à un autre, par l'intermédiaire des objets de pansage, des couvertures et tous accessoires du harnachement, elle prend finalement une grosse importance économique quand elle sévit dans une écurie nombreuse.

Les médicaments les plus variés ont été employés pour le traitement de l'herpès (pommade mercurielle ou soufrée, teinture d'iode, solution de sublimé, mélange Sabouraud de phénol, teinture d'iode et chloral à parties égales, etc., etc.), et presque toujours avec succès, quand ils étaient appliqués avec soin et persévérance. Mais il existe deux modes de traitement particulièrement recommandables, pour la facilité de leur emploi et pour leur économie, préconisés par des vétérinaires militaires ayant été appelés à combattre de longues et graves épidémies d'herpès, parmi les chevaux de leurs régiments.

Le premier, conseillé par le vétérinaire Querruau, agit à la fois à titre préventif et curatif ; les dépilations apparentes sont badigeonnées au pinceau avec une solution de sulfate de cuivre à 5 p. 100, que l'on utilise aussi à l'éponge pour imbiber la base des poils sur les différentes parties du corps. Le sulfate de cuivre, qui est un excellent anticryptogamique (qui détruit les champignons), se dépose sur la peau sous forme de poussière et, tout en agissant rapidement sur les plaques apparentes, il arrête le développement d'autres, cachées sous les poils, en détruisant partout où ils existent les spores, dont la présence suffirait à provoquer de nouvelles poussées de contagion. Après la première lotion cuivrée, le cheval doit être laissé pendant trois ou quatre jours sans pansage, après quoi on lui fera une toilette soignée, en prenant la précaution de la faire au grand air, pour ne pas être incommodé par les poussières de sulfate de cuivre restées dans les poils ; éviter surtout, sous prétexte de faire vite et mieux, de laver le cheval à l'eau et au savon, car il se formerait un magma crasseux et collant sur la peau difficile à enlever.

Le second procédé, vulgarisé par le vétérinaire Postel, consiste dans l'emploi exclusif du savon vert ou savon mou de potasse, dont les principaux avantages résident dans la facilité de se procurer le médicament et de l'appliquer ; c'est, en plus, la rapidité de son action, son efficacité, et c'est enfin la modicité de son prix d'achat.

Dès le début de la contamination, les points envahis par le champignon peuvent être facilement reconnus, en passant la main à plat et dans le sens du poil sur la peau, pour sentir très nettement de petites granulations au niveau desquelles les poils ne tardent pas à se hérisser en petits balais très apparents, puis à tomber en formant la plaque d'herpès classique.

Sur tous ces points, autour des plaques, les poils sont coupés aux ciseaux sur une étendue aussi réduite que possible, et immédiatement brûlés ou jetés dans une solution antiseptique forte, de formol ou de phénol, par exemple. Ensuite, il suffit de mettre sur la plaque un peu de savon vert, que l'on étend par une friction en débordant quelque peu les bords du bout du doigt. Le cheval peut continuer son service sans aucun inconvénient, à moins qu'il n'existe de nombreuses plaques d'herpès, situées en des points où portent certaines parties du harnachement, en particulier la sellette et le collier. Pendant plusieurs jours, le pansage est complètement supprimé, puis, après une huitaine environ, on lave, à l'eau chaude de préférence, les parties traitées et, quand elles sont sèches, on applique une nouvelle couche de savon vert. Dans ces conditions, là où l'herpès n'est pas généralisé, huit à dix jours suffisent pour obtenir une guérison complète.

Il est admis que ces heureux résultats, consécutifs à l'application du savon vert, sont dus à ce qu'il empêche la dissémination des spores en même temps qu'il isole les plaques traitées. En séchant, il forme sur la peau une sorte de barrière qui emprisonne le parasite au point où il s'est développé, ce qui, avec l'absence de pansage, réduit considérablement la propagation de la contagion de proche en proche sur un même animal.

Le traitement, quel qu'il soit, doit toujours être précédé de l'isolement des chevaux atteints et s'accompagner de mesures de désinfection portant à la fois sur les écuries et leur matériel, et surtout sur le harnachement et les instruments de pansage. Enfin, la « teigne » du cheval étant facilement transmissible aux hommes, ceux qui sont chargés de soigner les animaux atteints doivent prendre la précaution, après chaque pansage, de se laver les mains à l'eau savonneuse d'abord, puis dans une solution antiseptique tiède (crésyl, eau oxygénée, acide borique, etc.).

J.-H. BERNARD.

Le Chasseur Français N°653 Juillet 1951 Page 425