Accueil  > Années 1951  > N°653 Juillet 1951  > Page 433 Tous droits réservés

Causerie médicale

La sclérose en plaques

Contre cette terrible maladie, heureusement peu répandue, la médecine reste sensiblement impuissante, m'écrit un lecteur, qui me demande cependant de lui consacrer une causerie.

Ordinairement décrite parmi les maladies de la moelle, les lésions qui la caractérisent sont le plus souvent disséminées sur toute la hauteur de l'axe cérébro-spinal, depuis le cerveau jusqu'à la moelle, y compris les racines nerveuses, antérieures et postérieures, sous forme de taches rosées, d'aspect gélatineux et transparent, que l'on compare à de la chair de saumon.

A leur début, ces taches sont tumescentes et font saillie ; ensuite, envahies par la sclérose, elles sont déprimées ; on constate, mais pas d'une façon constante, des lésions d'endo- ou de péri-artérite. Pour les uns, la lésion primitive serait une prolifération du tissu névroglique, peut-être secondaire à une altération de la fibre nerveuse ; d'autres admettent que ces lésions seraient elles-mêmes secondaires à une altération primitive des vaisseaux.

Mêmes incertitudes sur la cause probable de ces lésions, provoquées parfois par un traumatisme ou une émotion vive ; on a invoqué l'hérédité névropathique, les froids humides, l'abus des veilles, le surmenage intellectuel, les excès vénériens ; on a songé aussi à une origine infectieuse pour laquelle on a incriminé les maladies les plus diverses, depuis les fièvres éruptives de l'enfance, la fièvre typhoïde, la fièvre puerpérale, la diphtérie, l'érysipèle, la dysenterie, le choléra, la fièvre paludéenne, sans négliger la syphilis (presque toujours à tort) ; on a encore mis en cause des intoxications parfois relevées dans les antécédents (alcoolisme, saturnisme, traitement mercuriel, oxyde de carbone).

Une fois déclarée, la maladie se manifeste par quelques signes qui, sans lui être exclusifs, sont néanmoins caractéristiques ; en première ligne, le tremblement et le trouble de la parole. Le tremblement est à oscillations lentes, se situant aux membres, aux yeux et, également, à la tête et au tronc. C'est un tremblement « intentionnel », n'existant pas au repos et n'apparaissant qu'à l'occasion d'un mouvement volontaire ; il s'exagère sous l'influence de l'effort ou de l'émotion.

Au membre supérieur, le premier signe en est une écriture tremblée jusqu'au point de devenir illisible ; un des actes les plus typiques se manifeste lorsque le malade porte un verre à sa bouche ; les oscillations augmentent d'amplitude lorsque le verre s'approche des lèvres, il choque alors les dents avec violence en répandant le liquide contenu.

Au membre inférieur (où le tremblement peut être unilatéral comme au membre supérieur), ce tremblement se présente même au lit, lors des essais de certains mouvements ; il se manifeste davantage lors de la démarche, à laquelle on décrit différentes formes (peut-être dues au siège des lésions).

Dans la forme « cérébello-spasmodique », la plus fréquente, les jambes sont écartées, le pied se lève et retombe brusquement en frappant le sol ; le malade ne peut suivre une ligne droite : on dit qu'il « festonne ».

Dans la forme « spasmodique pure », les jambes et les pieds sont en extension ; le malade marche sur la pointe des pieds, en se dandinant ; dans une forme « cérébelleuse pure », plus rare, la démarche devient hésitante, pouvant aller jusqu'à devenir ébrieuse.

Dans une période plus avancée, les membres inférieurs sont devenus incapables de tout mouvement, même au lit ; le malade est alors atteint de paraplégie spasmodique.

Sur le tronc, le tremblement apparaît lorsque le malade, étant au lit, veut s'asseoir ; n'étant plus soutenu, le corps prend des mouvements d'inclinaison antéro-postérieure ou latérale. A l'œil, le tremblement (signe très fréquent) prend le nom de nystagmus ; il est plus souvent dans le sens latéral que vertical.

Le tremblement atteint aussi la langue et il devient visible quand elle est tirée hors de la bouche. La mastication est difficile, ainsi que la déglutition.

La parole est lente, scandée ; chaque syllabe est nettement détachée et paraît expulsée de la bouche, d'où le nom de « parole explosive ».

On a aussi signalé un tremblement des cordes vocales.

La force musculaire, généralement conservée au début, peut diminuer à la longue et aller jusqu'à la paralysie, avec ou sans contracture. Ces troubles paralytiques prédominent parfois d'un côté, soit sur le membre supérieur seul (monoplégie), soit aussi sur le membre inférieur du même côté (hémiplégie). On constate aussi, peu fréquemment, de l'atrophie musculaire. Les réflexes cutanés ou tendineux sont conservés et, souvent, exagérés.

Les troubles de la sensibilité sont habituellement peu marqués et se manifestent sous forme de paresthésies : piqûres, fourmillements aux extrémités, engourdissements, sensations de froid ou de chaleur ; les véritables douleurs sont plus rares, pouvant prendre le type de névralgies.

Dans de nombreux cas, on note une diminution de la sensibilité au toucher, à la chaleur ou au froid, sans aller jusqu'à l'anesthésie. Parmi les autres signes, on note parfois des vertiges, des troubles visuels (strabisme, avec ou sans diplopie, rétrécissement du champ visuel).

Les sphincters sont habituellement respectés et les cas de rétention ou d'incontinence sont rares.

Il y a aussi parfois des troubles de la peau ; les plus graves sont les escarres, survenant surtout dans la région du sacrum, dans les formes prolongées et dues à la compression locale après un long séjour au lit, d'où l'indication de toujours surveiller cette région.

L'état mental est peu touché ; les malades se désintéressent généralement de ce qui les entoure ; des hallucinations, du délire ne surviennent que dans les formes prolongées.

Quoique typiques, les symptômes, souvent disparates, qui viennent d'être énumérés ne se trouvent qu'exceptionnellement réunis chez un sujet ; il y a des formes frustes, où peuvent manquer ou n'être qu'à peine ébauchés le tremblement, le nystagmus et les troubles de la parole, et des formes anormales, où prédominent les paraplégies (monoplégie, hémiplégie), dues probablement au siège des lésions, formes qui donnent lieu à des grandes difficultés de diagnostic.

Nous trouvons encore de nombreuses variations dans le début, l'évolution et la durée de la maladie.

Le début peut être brusque par une chute ressemblant à celle d'une attaque d'apoplexie ou d'épilepsie, parfois précédée de vertiges, de vomissements ; il peut être lent, avec apparition tardive des signes qui ont été décrits.

Il n'y a pas davantage de précision dans la durée ; elle peut être très brève dans les cas suraigus où la mort peut survenir quelques mois après l'apparition des premiers symptômes, des formes lentes, avec rémissions et améliorations ; le malade reste cependant affaibli, moins résistant, pouvant succomber à quelque complication ou à une affection cardiaque ou pulmonaire intercurrente.

Bien qu'échappant presque complètement à toute action thérapeutique, la sclérose en plaques doit être différenciée des maladies, surtout celles de la moelle, ne fût-ce que pour éviter de faire un traitement intempestif, inutile ou nuisible.

Le tremblement mercuriel ne disparaît pas dans le repos ; celui de la maladie de Parkinson est plutôt permanent, mais peut s'atténuer sous l'influence de la volonté ; dans la chorée, il s'agit surtout de mouvements désordonnés ; dans le tabès ou la paralysie générale (où il est associé à des troubles psychiques), le tremblement, localisé aux extrémités, est à oscillations menues ; la parole est lente, traînante, hésitante ; le tremblement s'observe souvent aussi aux lèvres. Mêmes différences minutieuses dans la plupart des maladies de la moelle ; les tumeurs du cerveau présentent une céphalée persistante.

Après ces descriptions déjà bien longues, il faut être bref pour ce qui concerne le traitement ; si l'emploi de l'iodure de potassium a donné quelques espérances, la révulsion par pointes de feu, l'hydrothérapie sont restées inefficaces.

On est presque toujours borné à formuler des règles hygiéniques : mener une vie calme et régulière, éviter les émotions, les fatigues de toutes sortes, s'abstenir de tout abus, de l'alcool, du tabac, des veilles : tous conseils plus faciles à formuler qu'à suivre. La rééducation musculaire est souvent utile et il est presque toujours indiqué de conseiller des toniques généraux, en évitant ceux qui seraient susceptibles d'exciter le système nerveux.

Certaines vitamines (B 12) ont donné des résultats chez des malades présentant des signes d'anémie en même temps que ceux de leur sclérose.

Dr A. GOTTSCHALK.

Le Chasseur Français N°653 Juillet 1951 Page 433