« Un avion bouleversant les conceptions classiques ! ... »
écrivions-nous dans notre numéro de novembre 1949 en faisant la description du
petit biplace de 40 CV dessiné par le commandant Hurel : le HD-10. La
sortie de cet appareil et sa présentation à Orly fut, en effet, un « boum ! »
assez sensationnel dans les milieux aéronautiques.
Rappelons simplement qu'une des grandes originalités de sa
conception était le coefficient d'allongement vraiment sensationnel qu'il
possédait : 32,5, alors que le coefficient généralement admis et utilisé
gravitait autour de 10.
Appareil expérimental, soulignions-nous alors ... Le
but que s'est fixé le commandant Hurel était de réaliser un cargo de transport
permettant d'obtenir un prix de revient de ... 30 francs la tonne
kilométrique en exploitation commerciale normale.
C'était là encore quelque chose d'assez sensationnel !
Les services de l'Aviation civile firent confiance à
l'ingénieur Hurel. L'extrapolation du HD-10 fut décidée et étudiée.
Actuellement les ateliers Hurel-Dubois sont en train de la réaliser. Il est
possible d'annoncer que les premiers vols auront lieu dans les mois à venir.
Les essais de la maquette volante qu'est le HD-10 se sont
d'ailleurs poursuivis sans interruption au centre d'essais en vol de Brétigny.
Elles ont confirmé toutes les prévisions, au cours des vols officiels,
notamment ce qui concerne le facteur caractérisant le rendement en poids. Ce
facteur est le produit P/S x (P/W) 2, P étant le poids total, S la surface
alaire, W la puissance. Il atteint 20.000 pour cet avion expérimental, alors
qu'aucun avion dans toute l'histoire de l'aviation n'a jamais dépassé 12.000.
Ces avantages de rendement, loin d'être compensés par des
inconvénients quelconques, sont confirmés par une grande amélioration des
qualités de vol. Il a été constaté officiellement que la maniabilité latérale
était surprenante et que le « décrochage » (1) aux faibles vitesses
était pratiquement supprimé. L'appareil continue à obéir aux commandes à incidences
très élevées, dépassant de beaucoup le maximum de portance.
L'importance de ces qualités est primordiale du point de vue
de la sécurité. Donc, au total, avec une sécurité accrue, l'appareil peut être
utilisé avec un poids très supérieur au poids usuel : cette augmentation
de poids se traduit par une charge utile au moins double de la charge usuelle
pour une même puissance et une même vitesse de route. C'est donc cette
augmentation de rendement économique qui amène une réduction du prix de revient
de la tonne kilométrique, qui peut être de 30 à 40 p. 100 par rapport aux
avions de conception usuelle et de tonnage analogue.
D'autre part, ainsi que nous l'avons signalé, le mât de
haubanage de l'aile est lui-même porteur. En dehors du gain de rendement qu'il
procure, cela présente un autre avantage : il permet d'augmenter non
seulement l'allongement, mais la surface de la voilure, sans que son poids
devienne excessif. Il est possible, si on le veut, en sacrifiant un peu de
rendement et de vitesse, d'obtenir des décollages et des atterrissages sur
terrain très court.
Le cargo HD-31.
—Cet avion a été conçu spécialement pour les transports
économiques de fret dans l'Union française.
Les qualités suivantes ont donc été recherchées :
1° Économie d'exploitation ;
2° Simplicité d'entretien ;
3° Souplesse d'utilisation.
Son étude a été dictée par les enseignements obtenus lors
des essais du HD-10, qui continue encore à l'heure actuelle à être l'objet
d'études.
1° Économie d'exploitation.
— Elle résulte principalement des qualités de rendement de
la voilure. Les caractéristiques de l'appareil sont les suivantes :
envergure, 45 mètres; surface, 100 mètres carrés ; allongement, 20,6.
L'appareil, propulsé par deux moteurs Wright de 800 CV, peut
transporter 4.300 kilos de fret sur 500 kilomètres ou 3.800 kilos sur 1.000
kilomètres, en utilisant des terrains de faibles dimensions et avec un prix de
transport, tous frais compris, inférieur de 30 p. 100 à celui des meilleurs
avions existants. Le prix de revient de la tonne kilométrique ressort en effet
à 29 francs sur 500 kilomètres et 32 francs 50 sur 1.000 kilomètres.
2° Simplicité d'entretien.
— Ce poste est un des éléments du prix de revient.
L'ensemble de l'avion a été conçu pour éviter l'emploi de main-d'œuvre
spécialisée pour l'entretien, qui doit être réduit au minimum. Toutes les tôles
sont en védal inoxydable et, de plus, protégées contre l'oxydation. A part les
commandes de volets qui sont électriques et les commandes de freins qui sont
hydrauliques, toutes les commandes moteurs, flettners, etc., sont mécaniques.
La plus grande simplification, par rapport aux avions usuels, est l'adoption
d'un train d'atterrissage fixe.
3° Souplesse d'utilisation.
— Longueur de piste nécessaire pour l'atterrissage après
franchissement d'un obstacle de 8 mètres, à 13.000 kilogrammes, c'est-à-dire
après un parcours de 500 kilomètres : 200 mètres.
Longueur nécessaire au décollage pour franchir un obstacle
de 8 mètres à la pleine charge de 13.500 kilogrammes : 350 mètres. Ces
performances permettent d'envisager des utilisations extrêmement variées, dont
un exemple est le suivant : on désire commencer une exploitation dans un
lieu inaccessible, mais où un espace de 200 mètres a été repéré ; l'avion
vient s'y poser avec une équipe de quelques hommes et un bulldozer du type
léger, 2.500 kilogrammes. L'avion peut repartir à vide et effectuer des
liaisons régulières de ravitaillement jusqu'au moment où l'équipe a pu, après
quelques jours, établir une piste de 400 mètres, qui permet un début d'exploitation
en attendant l'établissement de la piste normale de 600 ou 800 mètres.
Le HD-31 s'avère donc un engin de pénétration sans égal.
Maurice DESSAGNE.
(1) Terme remplaçant maintenant celui de « perte de
vitesse », qui n'était pas exact.
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