La perdrix Chukar est entrée dans l'histoire de la
cynégétique française après des difficultés de tous ordres, qui sont bien à
l'échelle de l'immense intérêt qui est porté à cet oiseau, par les chasseurs,
depuis quelques années.
Le problème de l'introduction du Chukar a pu cependant être
réalisé et il ne convient pas de revenir sur les obstacles qu'il a fallu
surmonter, si ce n'est pour remercier les autorités américaines et françaises,
scientifiques ou administratives, dont la compréhension a été totale en la
matière.
Des perdrix Chukar sont maintenant en France en nombre très
suffisant pour qu'il puisse être jugé de leurs qualités. L'expérience est en
cours. Le moment est donc peut-être venu, sans vouloir en rien préjuger des
résultats, de dire ce que sont ces oiseaux, que chercheurs et chasseurs ont mis
en vedette.
Position systématique du Chukar.
— De la famille des phasianidés, le Chukar est une perdrix
qui appartient au type des Alectoris, ou perdrix rouges, qui s'oppose au
type des Perdix, ou perdrix grises.
Les Alectoris ont le tarse armé chez les mâles,
parfois aussi chez les femelles, d'un ergot mousse ou d'un tubercule corné et
ont le bec plus long. La poitrine et les flancs sont vivement colorés et ressortent
sur la couleur gris rougeâtre ou ardoise du reste du corps ; au contraire
des Perdix aux couleurs plus ternes, simplement relevées chez les
adultes par un fer à cheval brun sur la gorge.
Il apparaît bien, selon les auteurs, que la variété la plus
répandue des perdrix Chukar est l'Alectoris graeca Chukar, oiseau aux
pattes longues et rouges, dont l'habitat serait les collines plus ou moins
cultivées des pentes inférieures de l'Himalaya.
A côté de cette variété, deux autres aux affinités
sensiblement différentes doivent être citées :
— l’Alectoris graeca Koriakovi, le Chukar du désert,
originaire de la Perse, qui apparaît être l'oiseau des terres incultes. Il est
plus petit et plus sombre que le précédent ;
— l’Alectoris graeca pallescens, le Chukar du
Turkestan et du Pamir, qui serait, lui, l'oiseau des rochers, l'oiseau des
pentes rocheuses ; il est de taille égale au premier, mais de couleur
beaucoup plus claire.
Telles sont les sous-espèces asiatiques les plus connues et
qui ont fait l'objet d'importation aux États-Unis. Ce sont des sujets de ces
sous-espèces qui nous ont été envoyés en France.
Disons de suite que la différenciation entre ces
sous-espèces s'avère délicate. La taille serait un critère facile de
détermination, mais il a été envoyé des oiseaux sauvages et des oiseaux
d'élevage ; or il est constant que ceux-ci, dans une même espèce, sont
toujours plus petits que les premiers.
Il est enfin important de signaler que la France possède,
elle aussi une sous-espèce de Chukar ; c'est l'Alectoris graeca saxatilis ;
c'est la bartavelle de nos Alpes françaises.
Cette perdrix, décrite par le grand zoologiste forestier L. Lavauden,
est fort voisine par sa morphologie des sous-espèces précédentes.
On ne la trouve que dans les Alpes françaises, où elle est
abondante et appréciée des chasseurs. Elle affectionne les grands éboulis de
rochers sous les pierres desquels elle excelle à se dissimuler.
Fait très remarquable, la bartavelle n'a pas franchi dans
les Alpes le Sillon subalpin des géographes jalonné par le lac Léman, Annecy,
Grenoble, le col de la Croix-Haute, Aspres sur Buech, Digne, Castellane,
Puget-Théniers, Sospel. Lavauden considère de ce fait la bartavelle comme un
élément, voire comme une relique, de la faune aviaire orientale.
Nous examinerons, dans un prochain article, la morphologie
des Chukars, les habitudes de ce gibier dans son pays d'origine, avec les
transformations éthologiques qu'il paraît avoir subi aux États-Unis.
Nous ferons enfin le point des expériences françaises et
nous exposerons les ambitions que peuvent rationnellement fonder sur la perdrix
Chukar les chasseurs français.
F. VIDRON.
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