Pratiquement les moyens chimiques actuels de lutte contre
les animaux nuisibles au gibier se résument à deux catégories : les
poisons et les gaz. Encore faut-il bien se garder de généraliser quant aux
animaux nuisibles menacés par ces moyens. En effet, les deux espèces qui paient
le plus lourd tribut sont le renard et le blaireau. Nous sommes donc loin du
compte, car nous ménageons ainsi tous les mustélidés : martre, fouine,
putois, hermine et belette, ainsi que la majorité des rapaces.
I. Les poisons.
— En nous plaçant au point de vue pratique, la gamme des
toxiques employés est réduite à deux, dont l'un beaucoup plus employé que l'autre :
j'ai nommé la strychnine ou, mieux, le sulfate de strychnine, et les ampoules
de poison liquide. Mais, avant de continuer, j'estime de mon devoir de mettre
en garde les lecteurs de ces lignes sur les conditions d'emploi de ces
toxiques. Il est légalement indispensable à l’opérateur d'être muni d'une autorisation
préfectorale pour se livrer à ce mode de destruction. Sans cette
autorisation, aucun produit toxique ne peut être délivré. C'est donc à
l'opérateur de relire l'arrêté préfectoral sur la chasse en vigueur dans chaque
département pour connaître les modalités d'emploi fixées, puis faire sa demande
à la sous-préfecture ou préfecture.
a. Sulfate de strychnine.
— C'est le meilleur des sels de strychnine dans le but
recherché. C'est une poudre cristalline assez fine, blanche; d'un goût
excessivement amer et sans aucune odeur. On l'emploie aux doses suivantes :
10 centigrammes pour un renard ; 12 centigrammes pour un blaireau.
On s'en sert également pour l'empoisonnement des becs droits :
corneilles, pies et geais. La dose varie alors selon la présentation.
Pour une présentation sous forme de fragment de crêpe, la
dose est de 50 centigrammes par œuf battu et cuit en crêpe ou omelette. On
divise ensuite cette crêpe en cent morceaux, qu'on emploie par deux sous une demi-coquille
d'œuf formant toit.
Pour une présentation sous forme de graines (maïs à gros
grains), on admet 4 grammes de sulfate de strychnine par kilogramme de grains
de maïs mis à tremper douze heures avant.
Ces doses sont à observer rigoureusement pour éviter tout
gaspillage d'un produit cher et délivré au compte-gouttes et pour s'assurer le
meilleur résultat pratique.
b. Poison liquide.
—C'est une spécialité qui a fait ses preuves depuis de
longues années et qui est vendue en ampoules de verre très mince contenant
chacune une dose suffisante pour occire renards ou blaireaux. L'opérateur n'a
ainsi aucun dosage ou manipulation du toxique à effectuer. Il ne lui reste qu'à
placer l'ampoule dans l'appât.
Les conditions de réussite de l'emploi du poison sont très
variables selon les connaissances de l'opérateur. On ne sème pas les appâts
empoisonnés à la volée ; un seul appât bien placé vaut mieux que cinquante
posés au petit bonheur la chance. Comme pour le piégeage, il faut connaître
parfaitement les habitudes des animaux avant d'opérer (terriers, coulées,
passages, appâts préférés, moments propices à choisir, etc.). Il faut, de plus,
être excessivement prudent avec cette arme dangereuse pour éviter tout accident
aux gens, aux animaux domestiques, étrangers ou de l'entourage, et au gibier.
Un opérateur exercé et averti aura d'excellents résultats, car il ne
l'emploiera qu'à bon escient.
II. Les gaz.
— Trois produits ont cours pour le travail de destruction :
la chloropicrine, le cyanogas, l'anhydride sulfureux.
Le premier, qu'on peut taxer de« nationalisé »,
est le plus répandu dans les fédérations départementales.
Chloropicrine.
— C'est un liquide qui, au contact de l'air, se transformé
en gaz suffocant obligeant les animaux à sortir de leurs terriers. La vente
s'effectue soit en bidons, soit en ampoules. Cette dernière présentation rend
les manipulations extrêmement simples et réduit considérablement le gaspillage,
car on peut doser à volonté.
Cyanogas.
— C'est une poudre gris foncé qui, au contact de l'air,
dégage du cyanogène et de l'acide cyanhydrique, tous deux mortels en quelques
secondes. On saupoudre une ou deux cuillerées de poudre dans la gueule des terriers,
et les animaux crèvent au trou.
Anhydride sulfureux.
— Il se présente sous forme de gaz liquéfié qui est contenu
dans un siphon semblable à ceux contenant de l'eau de Seltz et qui reprend son
état gazeux à l'air libre. Un tube en forme de lance permet de faire pénétrer
le gaz dans les terriers.
Chacun de ces produits a ses avantages et ses inconvénients,
mais tous sont efficaces pour atteindre le but visé; la technique opératoire
seule diffère.
Mais j'insiste : un garde ne doit pas se limiter
uniquement a l'emploi des poisons et des gaz ; l'usage du fusil et des
pièges est indispensable pour compléter les résultats obtenus par les moyens
chimiques.
A. CHAIGNEAU.
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