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Courrier cynégétique

Nuisible américain.

— Votre numéro de juillet me tombe sous la main. Votre article sur « Le chacal » me rappelle notre coyote ; exactement le même type.

Il y a quelques années (plus que je n'ose admettre), j'avais acquis quelques hectares dans la brousse, pas loin de la frontière du Mexique, dans le Sud de la Californie, avec l'intention d'y établir un Chicken Ranch, autrement dit de faire l'élevage de la volaille.

Hélas pour les beaux rêves ! Ces projets n'ont abouti à rien grâce à M. Coyote et à sa tribu.

Notre coyote atteint facilement 15 à 20 kilos (quand il a le ventre plein, ce qui arrive souvent). Il sort de la brousse à la tombée de la nuit et vous annonce son arrivée sur le champ de carnage par un cri qui ne manque pas de vous donner le frisson dans l'épine dorsale ; hurlement du loup et d'un chien en détresse.

Cette crapule, alors, commence à faire sa tournée autour des poulaillers ; gare à la pièce de volaille qui est juchée sur les toits ou sur les arbres ! Le gaillard va fouinasser et, s'il n'arrive pas à l'affoler et à lui faire prendre le vol, il attendra patiemment ; et, à la pointe du jour, quand la poule volera à terre, vous entendrez un gloussement de détresse et le meurtre sera commis.

Tendre un piège, dites-vous ! Ne me faites pas rire : j'ai pris renards, opossums, putois, racoons, chats, chiens par douzaines, mais jamais un seul poil d'un seul coyote.

Les plus grands dégâts de cette brute ont lieu en été. Il est coutume, en effet, d'enclore les jeunes poulettes au grand air dans un parc où on installe au beau milieu des perches pour les faire jucher (cinq ou six cents dans chaque enclos).

C'est alors que par un clair de lune, cet artiste arrivera avec ses copains, à contre-vent, à 5 ou 6 mètres des jeunes poules, qui peuvent les sentir et les voir. Alors, comme les cuirassiers de Reichshoffen, ils se précipitent tous ensemble contre les grilles ; le résultat est alors toujours le même : c'est 500 ou 600 poulettes qui s'envolent, affolées, la moitié probablement par-dessus le grillage dans la brousse impénétrable, dont maître renard et son compatriote le lynx vont faire un carnage à qui mieux mieux. Nous sommes avantagés ici aussi par la présence d'une autre vermine : le putois, qui est beaucoup plus abondant et entreprenant que son cousin de France ; il pèse environ 5 livres. Sa spécialité est les œufs et les poussins. Malheur au chicken farmer qui laisse la porte ouverte dans son broaderhouse. Si la porte est fermée, il trouvera moyen de pénétrer dans la couveuse électrique soit en creusant, soit en passant par le toit. C'est une créature déterminée à commettre le meurtre, qui tue pour le plaisir ; sur une couvée de 500, on en trouvera une centaine de tuées et la plupart mortes dans les coins, hors de la chaleur de la couveuse.

Le wild cat, ou lynx, lui, est un gentleman comparable aux deux autres ; il fait sa tournée tous les quatre ou cinq jours, grimpe sur les grillages, s'approprie la plus belle poule, une seulement, et va son chemin. Un autre citoyen de cette biautiful California est Mr. le rattle snake, ou serpent à sonnettes ; généralement il ne cherche pas chicane ; il vous avertira même de sa présence si on approche trop près ; il est néanmoins dangereux, une morsure sans soins immédiats veut dire mort en trente minutes pour les plus gros spécimens, qui atteignent jusqu'à six pieds.

Julien ROFFAT, Grossment (Californie).

Un renard apprivoisé.

— II y a quelques années, dans un village de Guiscriff (Morbihan), un jeune renard fut capturé et élevé par les soins des gens de la maison.

A force de patience, il devint aussi caressant qu'un caniche, répondant à l'appel de ses habitués qui le gâtaient autant qu'on peut gâter un chien fidèle, mais s'engouffrant, à la vue des étrangers, dans le terrier creusé près de sa niche, aussi profond que le lui permettait sa chaîne.

Le jeune renard, ou plutôt la « renarde », grandit et reçut alors, la nuit, les visites de galants compères. Ceux-ci, malheureusement, ne se contentèrent pas de faire une cour assidue à la prisonnière ; ils emportaient aussi, chaque soir, quelques poulets.

Pour éviter la dévastation complète du poulailler, il fallut se résigner à lâcher la jeune captive et a lui rendre une liberté dont, hélas ! elle ne sut pas profiter : habituée à la compagnie des humains, elle se laissa trop approcher par un chasseur, qui l'abattit, heureux de pouvoir clamer aux alentours un beau coup de fusil.

... Au village voisin, il y eut plus d'un serrement de cœur à la vue de l'ancienne pensionnaire lâchement tuée.

Un abonné.

Écureuils et tularémie.

— Depuis bientôt dix ans, les écureuils ont disparu du plateau de Langres qu'ils fréquentaient autrefois pour la joie de nos yeux, mais au grand dam des nids d'oiseaux. La tularémie ayant fait quelques victimes parmi les lièvres du pays et les écureuils étant réputés très réceptifs à ce mal, nul doute que ladite épidémie ne soit en cause.

A ma connaissance, aucune dépouille n'a été trouvée ou recueillie en vue d'une expertise, mais les carnassiers amateurs sont assez nombreux et variés pour qu'il n'en reste aucune trace.

D. B ..., abonné.

Un lièvre sauteur.

— Près du bourg du Saint (Morbihan), un lièvre, poursuivi par un chien, trouva refuge dans un vieux chêne creux, en s'y engouffrant par une étroite ouverture, le chien dut s'arrêter devant le trou trop petit et, par sa fureur, ameuta les passants, qui, soupçonnant la présence de quelque animal peu ordinaire en un tel endroit, s'armèrent de bâtons, prêts à tomber sur la bête dès qu'elle tenterait de quitter son abri.

Par l'ouverture agrandie à la hache, on fit pénétrer un chien ratier. Les aboiements résonnèrent, furieux, à l'intérieur. Il était évident que la bête, traquée, n'échapperait pas au chien, ou, sinon, elle recevrait les coups de vingt triques levées, prêtes au massacre.

Tous étaient haletants ... décidés à accomplir une prouesse — celle du coup de bâton fatal.

En fait de prouesse, ce fut le lièvre qui en accomplit une bien belle, en bondissant du sommet de l'arbre, haut de plus de 5 mètres, par-dessus tous les guetteurs stupéfaits et penauds d'avoir laissé échapper dans la nature un superbe gibier.

Le pire fut d'avoir à abandonner le ratier, prisonnier dans l'étroite galerie montante du chêne, où il demeura coincé sans rémission.

Le proverbe : Tel est pris qui croyait prendre, a-t-il jamais reçu plus ample et évidente confirmation ?

Un abonné breton.

Canard branché.

— Je vous fais part d'un fait qui mérite peut-être d'être relevé. On voit pas mal de choses extraordinaires en Afrique noire, mais, depuis bientôt treize ans que j'y suis, je n'avais jamais vu de canards se brancher.

J'ai vérifié ce fait le 25 avril de très bonne heure, et non sur des buissons avoisinant un marigot, mais sur de beaux arbres d'une quinzaine de mètres de hauteur. Ceci se passait dans le bassin de la rivière Gribingui, en savane boisée.

Je suis sûr du fait, ayant eu la bonne fortune de tuer un des palmipèdes qui venaient de se lever d'un arbre.

Je ne puis déterminer l'espèce du canard ainsi abattu. L'oiseau, sans doute une femelle, pesait environ 1.500 grammes et avait une chair délicieuse.

G. GRASSOT, abonné.

Attaqué par une chouette.

— Le dimanche 22 avril 1951, me trouvant dans une propriété aux environs d'Alençon, vers 17 h. 30, je venais d'arriver sous un groupe de tilleuls, sans doute centenaires, qui en ornent la terrasse et admirais un superbe coucher du soleil sur la butte de Chaumont, lorsque je vis arriver dans ma direction, et horizontalement, une chouette. Elle partait du sommet d'un vieux poirier planté en contrebas de la terrasse, de sorte que ses hautes branches étaient au niveau de ladite terrasse, dont il était éloigné d'environ 15 mètres.

Je pensais que cet oiseau, dérangé par un événement quelconque, voulait chercher un autre refuge et qu'ébloui par la lumière très vive du soleil il ne me voyait pas distinctement.

A peine avais-je ébauché cette réflexion que je recevais sur le côté droit du front un choc violent (comme un coup de bâton) accompagné de coups de griffes qui m'atteignirent au front et à la joue en cinq endroits, et notamment près de l'œil, heureusement protégé par des lunettes.

Ces diverses blessures, bien que superficielles, amenèrent immédiatement une certaine effusion de sang, et le coup reçu au sommet du front, région très vascularisée, m'occasionna une tuméfaction (bosse) ayant pour centre une petite piqûre pénétrante et présentant le volume d'un gros œuf de pigeon. (Par la suite, j'ai eu l'œil droit au « beurre noir ».)

Quelques minutes après, le sang cessant de couler, je voulus me rendre compte de ce qu'était devenu mon antagoniste, pensant qu'il ne s'agissait chez lui que d'un réflexe de peur. Je revins donc sous les tilleuls, où je ne vis rien. Je me disposais à quitter les lieux ; mais à peine avais-je fait demi tour que je recevais sur la nuque un nouveau choc, amorti par le bord de mon chapeau. Je ne reçus qu'une simple égratignure à la racine des cheveux.

L'oiseau alla ensuite se percher sur une grosse branche de poirier, d'où s'était déclenchée la première attaque. Il s'agissait bien d'une attaque caractérisée. Elle n'avait, sans doute, comme objet, étant donné la saison, que la protection d'une couvée, œufs ou petits.

Effectivement, le vieux tilleul au pied duquel je stationnais présente, à environ 2m,50 du sol, une excavation, vestige d'une branche morte, dans laquelle, il y a deux ans, un couple de chouettes avait établi son nid et mené à bien une couvée. Je me trouvais exactement au-dessous de ce trou qui, probablement, était de nouveau occupé et surveillé à distance par un gardien vigilant et agressif.

Depuis une vingtaine d'années, je connais cette propriété ; j'y ai vu de nombreux rapaces nocturnes (chevêches, effraies et hulottes) ; aucun, jusqu'ici, en période de nidification, ne s'était attaqué aux habitants de la propriété.

Dans la circonstance présente, il ne s'agit ni d'une chevêche, ni d'une effraie, mais d'une hulotte.

Le fait doit être très rare et je crois devoir, vu sa rareté, vous le signaler.

J. C ..., abonné du Chasseur Français, à Alençon.

Ne pas confondre.

— Les nouvelles locomotives Diesel électriques, qui remorquent les rapides à travers les immenses forêts canadiennes, exercent un attrait particulier sur les caribous, qui, à l'instar des vaches européennes, ont pris l'habitude de venir regarder passer les trains. La raison de cet intérêt nouveau des caribous pour le railway, c'est que les locomotives sont munies d'un signal sonore qui émet un son identique à celui de l'appel d'amour des demoiselles et dames caribous. Et les mâles caribous semblent extrêmement étonnés de voir quel aspect colossal et bizarre ont pris certaines dames caribous.

A. S ...

Le Chasseur Français N°654 Août 1951 Page 463