La loi du 2 août 1949, publiée au Journal officiel du
6 août, a maintenu les locataires de jardins en possession des lieux loués
jusqu'au 1er novembre 1950, en dépit des congés qui avaient pu être donnés
(1). Mais ce maintien dans les lieux comporte un certain nombre de dérogations
en faveur de certaines collectivités publiques.
Ces dérogations sont assez peu connues, ce qui explique la
confusion qui se glisse dans la matière.
Il arrive, dans de très nombreuses localités, que les
locataires de jardins reçoivent des notifications d'avoir à cesser
l'exploitation de leurs terrains à une date donnée, ces terrains devant servir
d'assiette à la réalisation de travaux publics.
Ici il s'agit de l'agrandissement d'un groupe scolaire, là
de l'aménagement d'un terrain de sports ; ailleurs encore de la
réalisation d'un plan d'aménagement et d'embellissement de la ville.
En présence de ces notifications qui impartissent aux
locataires de jardins des délais pour quitter les lieux ne cadrant pas toujours
avec les termes accordés par les lois de prorogation, de nombreuses
réclamations se sont élevées, auxquelles cependant la loi précitée du 2 août
1949 a répondu d'une manière précise.
Son article 2 stipule, en effet, que, par dérogation aux
prorogations accordées d'une manière générale par son article 1er,
le droit au maintien en jouissance et le bénéfice de la prorogation ne pourront
être opposés, pour les parcelles leur appartenant, à l'État, aux départements,
aux communes ou aux organismes d'habitation à bon marché, lorsqu'il sera
justifié que lesdites parcelles doivent être affectées soit à l'établissement
d'installations d'hygiène publique, d'éducation générale ou sportive, soit à la
construction de bâtiments à destination principale d'habitation, soit à la
réalisation de plans d'urbanisme communaux.
Ce même article 2 dispose que, dans ces cas, l'éviction du
locataire ne peut intervenir qu'à la suite d'un congé par écrit donné au
moins six mois à l'avance. L'éviction ne peut avoir lieu qu'à condition
qu'une parcelle sensiblement égale et d'une situation sensiblement équivalente
au point de vue du loyer, de la valeur culturale et de l'éloignement soit mise
à la disposition de l'intéressé qui en fera la demande.
Le premier texte proposé par l'Assemblée nationale prévoyait
l'attribution au locataire obligé de quitter les lieux dans les circonstances
ci-dessus d'une indemnité d'éviction ainsi qu'une indemnité pour la
plus-value que ses apports et ses travaux auraient pu donner au terrain.
Le Conseil de la République a estimé que ce dédommagement
était déjà prévu dans la loi du 7 mai 1946 et qu'il était, par conséquent,
inutile de maintenir cette indemnité.
L'Assemblée nationale s'est ralliée à ce point de vue, mais
il n'en reste pas moins que, si aucune indemnité n'est prévue dans la loi du 2
août 1949, le fait tient uniquement à ce qu'elle l'est formellement aux termes
de la loi organique du 7 mai 1946.
Par contre, le Conseil de la République avait supprimé
l'obligation de l'attribution de terrains de remplacement, et, à l'Assemblée
nationale, un amendement fut déposé de façon que l'État, les départements ou
les communes ne soient pas arrêtés dans l'exécution de leurs travaux par
l'obligation où ils se trouveraient de rechercher et attribuer des terrains de
remplacement.
Mais, sur ce point, l'avis du Conseil de la République non
plus que l'amendement ci-dessus n'ont été retenus.
Les collectivités publiques doivent donc
nécessairement, avant de prendre possession des jardins, mettre à la
disposition des locataires évincés des terrains de situation et de loyer
similaires.
Quelle est la situation des locataires de jardins en
présence d'une procédure d'expropriation poursuivie par une collectivité
publique ?
— Il faut observer que les dispositions ci-dessus ne visent
que les parcelles dont l'État, les départements, les communes ou les organismes
d'habitation à bon marché sont propriétaires.
Mais ces collectivités peuvent avoir besoin, pour la
réalisation de travaux d'utilité publique, de terrains utilisés comme jardins
et appartenant soit aux exploitants eux-mêmes, soit à des tierces personnes,
mais en tout cas à des personnes privées.
L'Administration cherchera, en général, à réaliser avec le
propriétaire une acquisition amiable et, en ce qui concerne les locataires, un
arrangement qui lui permette, moyennant le règlement de certaines indemnités
d'éviction de pertes de récoltes ou de fumure, etc., d'entrer en possession des
lieux avant l'expiration du bail, si toutefois elle y a intérêt.
Dans le cas où la voie amiable est fermée, la procédure
d'expropriation sera engagée et se poursuivra suivant les règles posées, dans
la généralité des cas, par le décret-loi du 8 août 1935.
Une ordonnance d'expropriation interviendra, qui emportera résolution
de plein droit de tous les baux existants ; les droits des
propriétaires comme des locataires sont transformés purement et simplement en
une créance sur les indemnités d'expropriation et d'éviction, telles que fixées
soit par l'ordonnance d'expropriation, soit par la Commission arbitrale
d'évaluation prévue par le texte susvisé.
En conséquence, la collectivité expropriante pourra expulser
les locataires sans avoir à observer à leur égard les délais de congé, à
condition toutefois de leur régler les indemnités, notamment d'éviction,
auxquelles ils ont droit.
A. DUPONT,
Docteur en droit.
1) À noter que, depuis, une loi du 19 août 1950 a reporté
les prorogations au 1er novembre 1951.
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