Quand les braconniers font appel ...
— Les vrais chasseurs lisent toujours avec plaisir les
condamnations de braconniers. Ils aiment voir avec quelle sévérité les
tribunaux protègent la chasse sportive. Dernièrement, dans la région de Muret,
deux braconniers avaient poussé l'audace jusqu'à chasser le lapin aux phares :
c'était commode ; on avait même pratiqué une meurtrière dans le
pare-brise, c'était plus confortable. Mais du strapontin d'une voiture de
braconniers au banc du tribunal, il n'y a pas loin. Et le tribunal de Muret
condamna les deux « bracs » à 12.000 francs d'amende chacun et
confisqua la voiture avec la précision qu'elle pourrait être reprise pour
20.000 francs. La société de chasse, partie civile, avait enfin obtenu 3.000
francs de dommages. C'était déjà beaucoup, trop sans doute au juger des
condamnés qui envisagèrent de faire appel. La Cour porta les dommages à 10.000
francs, la valeur de l'auto à 50.000 et enleva aux deux braconniers le droit de
chasser pendant cinq ans. Le travail de nuit coûte cher !
Une peau et une vie dures.
— Peu de temps après la fin de la dernière guerre, dans un
petit village forestier du département de la Meuse, exactement Fontaines-Saint-Clair,
au cours d'une battue, un gros sanglier fut blessé par un camarade, M. G.
Brochet, chasseur renommé dans la région. Comme la nuit arrivait et que sa
chienne, intrépide pour les sangliers, était partie avec le reste de la troupe,
la recherche de celui qu'il venait de blesser fut abandonnée.
Le surlendemain, un jeune cultivateur d'une vingtaine
d'années, M. Gilbert Leclère, conduisait du fumier dans un champ situé à
environ 300 mètres du village. Il était accompagné de son chien qui tournait
autour de son attelage. À proximité du lieu où il se rendait se trouvait un
petit bois de sapins ; son chien s'y engagea et, presque aussitôt, il sa
mit à aboyer avec insistance et d'une façon violente. Son véhicule déchargé,
laissant sur place son attelage, Gilbert alla se rendre compte de ce qui
pouvait bien motiver un tel tintamarre. Pénétrant dans la sapinière, il vit son
chien tournant autour d'un gros sanglier, qui paraissait blessé et était assis
sur son derrière, ne semblant nullement avoir peur des aboiements du chien.
Prenant en main son « havet », outil ainsi dénommé
pour vider son chargement, et s'armant de courage, il voulut en porter un coup
au gros solitaire, mais celui-ci, le devançant, chargea l'intrus qui voulait
lui faire un mauvais parti. L'homme esquiva bien à plusieurs reprises le
boutoir du pachyderme et ses coups de tête en se défendant aussi âprement que
possible avec son outil. Le Maquin ne le lâchait pas, la lutte était déjà
longue ; aussi prit-il la résolution, afin d'éviter le pire, de monter sur
un sapin. Il pensait que le sanglier allait partir; mais, bien au contraire, il
se mit à essayer de forcer le sapin comme s'il voulait le faire tomber ;
finalement, il resta au pied, surveillant de nouveau le chien, toujours sans
trop s'en émouvoir, attendant le moment propice pour lui faire sentir le bout
de son groin, orné de belles défenses.
Heureusement l'attelage restait calme, mais la situation
pouvait encore se prolonger ; du haut de son « perchoir » et de
toute la force de ses poumons, il se mit à appeler à l'aide. « Pauvre
Gilbert, que tu as dû trouver le temps bien long sur ton beau « Mirador » ;
si ton attelage s'était mis à prendre le chemin du retour, il aurait fallu que
tu demandes ... pardon ... à ton gardien pour qu'il te laisse le
rejoindre. » Ses appels furent entendus d'une jeune gamine — Alexandrine —
qui vint aussitôt se rendre compte du motif provoquant les appels du jeune
homme.
De la voix, Gilbert lui conseilla de ne pas trop approcher
et d'aller quérir au plus vite M. Brochet, après lui avoir dit qu'un gros
sanglier se trouvait au pied du sapin où il était perché. La distance n'était
pas longue ; de la vitesse de toutes ses enjambées, elle fut bientôt au
domicile du chasseur, où, tout essoufflée, elle dit en quelques mots le motif
qui l'amenait si vite.
— Venez vite, monsieur Brochet ; au gros noyer il y a
le « Gibus » — surnom de Gilbert — qui est monté sur un sapin. Un
gros sanglier est au pied, un gros, vous savez.
Il était huit heures. Se chaussant en vitesse, prenant son
fusil avec quatre cartouches à chevrotines et détachant sa chienne, en peu de
temps M. Brochet arriva sur les lieux.
À peine dans le bosquet, la situation changea subitement ;
le sanglier souffla fortement et partit dans la direction opposée au chasseur ;
celui-ci lui envoya tout de même un doublé dont il accusa le coup, mais sans
rester sur place. C'était bien celui de l'avant-veille, d'après lui.
Lâchant sa chienne, qu'il tenait en laisse, il entreprit la
poursuite du Maquin pendant environ quatre kilomètres. Le solitaire fut rejoint
par le chasseur dans une coupe en fin d'exploitation ; à sa vue, le
sanglier se mit à charger la gueule grande ouverte; l'homme l'esquiva en
sautant sur une pile de stères de bois.
Devant son impuissance à démolir l'obstacle, malgré de
violents coups de son long museau, le sanglier reprit la position du repos,
assis sur son derrière.
Sans munitions, et voyant que la situation devenait
interminable, M. Brochet prit la résolution d'appeler à l'aide. Au bout d'un
moment, un bûcheron vint voir ce qui provoquait ces appels.
Le prisonnier lui demanda s'il voulait bien retourner au
village, où il trouverait chez lui quatre cartouches chargées à balles ;
mais la durée du trajet demanda plus d'une heure et demie.
Pendant tout ce temps d'attente, le chasseur agaçait le
solitaire en lui envoyant à travers le corps quelques rondins, le mettant en
rage et lui faisant déverser sans cesse de la bave sanguinolente (ce qui
prouvait bien les graves blessures dont il était atteint).
L'arrivée du bûcheron donna encore lieu à une nouvelle
charge.
Les deux hommes se rejoignirent à l'abri d'une nouvelle pile
de stères, sous le regard méchant de leur adversaire qui se demandait ce qui
allait bien pouvoir se passer.
Après avoir mis ses deux cartouches dans le fusil, M.
Brochet voulut se rendre compte de ce qu'allait faire son méchant adversaire. Il
quitta son abri de sécurité, se découvrit devant lui. L'animal ne se fit pas
prier ; résolument il se lança à la charge, de toutes ses forces. Mais,
hélas ! ce fut la dernière, car, à quelques mètres, il tomba foudroyé d'une
balle en pleine tête. La poursuite avait duré près de quatre heures.
L'animal pesait cent quarante-cinq kilos.
Guillaume T ...
abonné, 1, rue Dubrunfaut, Paris (12e).
Encore les phares.
— J'ai lu avec le plus vif intérêt votre article « La
question des phares ». J'ai pu constater par moi-même qu'il n'est en rien
exagéré. Je suis donc complètement de l'avis de votre correspondant, sauf sur
un point ; il fait allusion à la « bonne volonté évidente de tous ».
Bataillant depuis vingt ans sur cette question, j'ai eu le regret de constater
qu'à de très rares exceptions près tout le monde, et en particulier les
Pouvoirs publics, s'en moquait éperdument. Il y a déjà quinze ans environ, M. Blaicel
d'Enquin m'avait signalé qu'à Gris-Nez et Gatteville on avait obtenu des
résultats très intéressants par le bariolage des tours. Je l'ai signalé à des
hommes politiques, à des présidents de fédérations de chasse, sans pouvoir
remuer leur inertie. Le président du Saint-Hubert m'a écrit avoir lui aussi
tenté d'obtenir des Pouvoirs publics de mettre un terme à ce qu'il appelait « le
scandaleux privilège des gardiens de phare ». Il s'est toujours heurté au
mauvais vouloir des Ponts et Chaussées, qui ne veulent faire aux gardiens nulle
peine, même légère. Continuez donc la campagne commencée. Tout à votre
disposition si je puis vous être utile.
J.D …
Les cormorans de Notre-Dame.
— Au sujet de l'article paru dans votre journal du mois
d'avril 1951 : au cours d'une partie de ma carrière militaire, effectuée
dans une base aérienne (aérostation), j'ai eu l'occasion, parmi une de mes
ascensions effectuées en ballon libre, de traverser Paris à une altitude de
1.100 mètres, départ de Compiègne, atterrissage à Authon-la-Plaine, près
d'Étampes, en compagnie du capitaine Lefebvre, pilote de l'aérostat.
Les bruits de Paris perçus en altitude sont à s'y méprendre
exactement le bruit de la mer, ce qui confirme les suppositions de M. Beléry et
de son ami Belle-Islois.
Je serais heureux si j'ai pu apporter une modeste
contribution au mystère de l'émigration et à la vie de la gent ailée.
EMOND,
abonné, Senlis (Oise).
Oiseaux rares.
— Notre abonné M. Abel Quesson, de la Gironde, nous
signale la capture d'un macareux arctique, encore appelé macareux moine. Cet
oiseau présente un aspect curieux ; il porte un collier noir autour du cou ;
son bec, haut et pincé, est bizarre ; il est affublé d'un large gilet
blanc. Détail curieux, la partie postérieure du bec s'exfolie après la saison
des amours pour repousser ensuite. C'est donc le bec qui mue.
La rapacité des corbeaux.
— Le 15 avril 1951, vers 16 heures, nous étions, ma femme,
ma fille et moi, en promenade à vélo à proximité de la forêt de la Réna, forêt
faisant suite à la belle forêt de Saillon, près de Bourg (Ain), lorsque nous
fûmes intrigués par le vol en piqué d'un corbeau. Ce dernier, en effet, venait
de plonger sur une grosse poule de Bresse qui, de justesse, évita le coup de
bec fatal, sans doute en cachant sa tête dans un trou quelconque. Elle essaya
de se sauver, mais elle était poursuivie inlassablement par le corbeau, qui s'acharnait
sur sa proie. Ceci se passait dans un pré à 150 mètres de la route et à une
distance égale de la ferme, et ce malgré nos cris.
Le fermier, alerté, mit fin à ce duel dont l'issue ne
faisait aucun doute. Je dois dire que le fermier dut s'approcher à près de 30
mètres de ce corbeau d'une audace peu commune, avant qu'il consente à
abandonner sa proie qui n'avait plus la force de se sauver.
Malgré ma jeunesse passée à la campagne et mes
pérégrinations à travers la campagne de Bresse au cours de nombreuses parties
de chasse, c'est la première fois que j'ai pu constater une attaque d'un
corbeau sur une aussi grosse pièce. Et après ça, amis chasseurs, croyez que le
peu de gibier qui nous reste doit savoir utiliser toutes les ruses possibles
afin de survivre à ces bandes de corbeaux si nombreuses dans nos régions. Aussi
n'hésitez pas en période d'ouverture, à sacrifier quelques cartouches, malgré
leur prix élevé, afin de nous débarrasser de ces bandes de pirates. Toutefois,
je me permets de signaler que de nombreuses sociétés de chasse de la région
ont, au cours de l'hiver 1950-1951, procédé à des empoisonnements qui ont donné
d'heureux résultats. Bravo pour ces derniers !
P. BLANC,
abonné, Bourg (Ain).
Le blaireau concurrence-t-il la loutre ?
— Deux de mes amis ont fouillé ces jours derniers, un
terrier de blaireau dont deux de ces animaux se sont enfuis devant eux. (Mes
amis n'étaient pas armés.) Or, dans le terrier, ils ont trouvé de nombreux
restes de poissons, surtout de chevesnes (évalués à une livre chacun environ).
La tête restait intacte, ainsi que la colonne vertébrale et la queue. L'étang
le plus proche est à 1 kilomètre environ et la Meurthe, seule rivière contenant
du poisson blanc à Saint-Dié, à 2 kilomètres.
Ignorant jusqu'ici que le blaireau mangeait du poisson (en
assez grands quantité), je me permets de vous signaler le fait.
A. MOINE,
Saint-Dié (Vosges).
Crécelle contre sanglier.
— Je viens vous exposer une chasse poursuite d'un sanglier
qui m'a été contée cet hiver par les intéressés qui y ont pris part.
Ce récit prouve bien que seul le sanglier blessé est
méchant, tandis qu'autrement il n'est pas à redouter, ainsi que je vais vous
l'expliquer.
Durant l'occupation, comme il n'y avait plus de chasse en
France occupée, les sangliers se multiplièrent vite dans les massifs forestiers
de la Meuse. Leur nombre devenant tellement élevé, les dégâts causés prenaient
de l'importance; aussi les cultivateurs se décidèrent-ils à vouloir essayer de
préserver leurs récoltes menacées par cette invasion de pachydermes.
Sans armes, avec des bâtons, des fourches, des chiens, des
crécelles pour faire du bruit, les résultats furent décevants.
L'un des cultivateurs me disait : « J'avais pris
une crécelle et, dans l'obscurité de la nuit, je faisais marcher mon instrument ;
tombant sur un sanglier occupé à retourner mon champ de pommes de terre, je
redoublai d'ardeur pour faire tourner ma crécelle ; le sanglier parut tout
étonné d'entendre ce bruit et se mit à tourner autour de moi, sans chercher à
me charger ; je réussis à le faire partir en lui lançant des pierres ou
des mottes de terre, mais je le retrouvai 50 mètres plus loin, de nouveau au
travail. »
Ceux qui firent de jolis tableaux au cours de l'occupation,
ce furent, paraît-il, les chefs de cultures allemands, dont certains
totalisèrent plusieurs centaines de ces pachydermes, car eux étaient bien
armés.
Guillaume T ...,
abonné, 1, rue Dubrunfaut, Paris (12e).
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