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Les bassets du petit chasseur

Le chasseur à tir au chien courant est légion dans nos campagnes, et même en ville, et très souvent ne disposant que d'un petit nombre de chiens, voire d'un seul. Intéressé par tout gibier à poil et soucieux du tableau, il recherche le compagnon lanceur, débrouillard dans les défauts, s'embarrassant peu de scrupules sur les moyens de les relever, et cela d'autant que l'effectif dont il dispose est plus réduit.

C'est sans doute le chasseur campagnard l'inventeur du Briquet, dont l'activité dévorante convient à ses besoins. Quelques-uns de ces bouillants personnages ont été codifiés. L'un des plus représentatifs dans la gente griffonne est le Briquet vendéen. Il figure bien, au moral, le toutou convenant à l'amateur du coup de fusil, s'intéressant tant à tous les gibiers qu'aux nuisibles ; c'est pourquoi je le cite en exemple. Il y en a d'autres, parmi la griffonnaille surtout ; mais celui-ci est classique.

Cependant, les sportsmen de cette vaillante province lui ont, un jour, suscité un concurrent dans la personne d'un célèbre Basset à jambes droites, convenant à toutes les chasses à tir et aussi au courre du lièvre. Or un chien leste de 0m,40 devait, dans les conjonctures actuelles, trouver plus d'amateurs qu'un autre de 0m,50. Ce Basset, relativement court et presque aussi vite que le Briquet, l'a, il semble, évincé de beaucoup de ses positions. Pour peu qu'on veille à ne pas faire reproduire de sujets excédant la taille, la formule est assez fixée pour ne pas donner les surprises autrefois redoutées. Ce chien de 0m,40 répond à une foule de besoins, pouvant tout chasser, du lapin au sanglier. Or l'on sait la position prise de plus en plus par le lapin, en passe de devenir le substrat de la cynégétique en nombreux départements.

C'est sans doute pourquoi les éleveurs vendéens entreprennent la réforme de leur Basset de 0m,35 à 0m,38, dont la formule somatique et les antérieurs souvent mi-tors étaient bien caractères du Basset tératologique, fort différent, par conséquent, du précédent. Le club vient d'établir un projet de standard consacrant la refonte complète de ce modèle, conservant le format réduit mais le définissant sous l'aspect d'un petit chien leste et allégé, aux aplombs droits, moins long de corsage et pas très oreillé. De temps à autre, on le voyait sur les bancs et, cependant, il ne date pas d'hier. On l'appelait jadis « Basset à lapins », bien qu'il chassât fort bien le lièvre, comme je m'en suis assuré voici bien des années. Telle lice que j'ai fréquentée était meilleure sur le lièvre que sur n'importe quel autre gibier et d'un train ne laissant rien à désirer.

Nous allons donc assister à une évolution, d'une des variétés du Basset vendéen, et peut-être des deux. Ne pas se dissimuler que la variété la plus réduite en taille ainsi remaniée va se poser en concurrente de l'autre. Là-dessus, entendons-nous. Ce sera une unification dans le modèle sportif et bien allant auquel il doit son succès. Mais, pour peu que le chien de 0m,35 à 0m,38 trouve clientèle nombreuse, sans doute verra-t-on, peu à peu, disparaître celui dépassant 0m,40, auquel on doit de ces montées inopportunes vers le Briquet, autour desquelles tant d'encre a coulé.

L'importance prise par le lapin dans la chasse française a sans doute contribué à la production de ce Basset vendéen de petite taille, relativement, et enfin allégé en vue d'en faire le chien perçant convenant à ce sport. Maître Jeannot ne quitte le couvert protecteur que poussé par le chien rapide et allant. À noter qu'ainsi transformé notre gaillard gagne quelques autres vertus. Son train, grandement amélioré, en fera un auxiliaire désigné par sa petite taille pour le tir du sanglier. On sait que celui-ci, filant son train dès le lancé, ne comporte pas l'usage de mangeurs de voies aux allures réduites, ni de lourdauds plus vulnérables, si d'aventure le goret fait tête. Un Basset, tel que le définit la pièce que j'ai examinée, me semble donc assuré d'un prompt succès près d'une clientèle étendue.

Cette clientèle n'est pas toujours très avertie et demande à être renseignée. Elle conserve en nombreuses régions le goût du Briquet de pays aux allures fantastiques pour le tir du lièvre. C'est une erreur. Tels chiens, lorsqu'ils ont vraiment de la qualité, sont plus indiqués pour le courre de celui-ci. J'ai connu un trio de vieux chasseurs se désolant de voir leurs trois ou quatre chiens leur soufflant les lièvres qu'ils ne parvenaient pas à tirer. Avec des Bassets droits et aussi bons qu'ils étaient, mais de train plus réduit, ils n'eussent pas éprouvé ces inconvénients. Dans une région, même coupée de hauts talus, telle la mienne, le tireur de lièvres n'a aucun intérêt à pratiquer un chien plus vite que le Basset droit ou le Beagle. Mais on a beaucoup de peine à faire renoncer à un usage ancien.

Il y a, en Bretagne, un petit Basset fauve, très rapide pour sa taille, n'excédant pas 0m,35. Il était très adapté au milieu et chassait tout. Il en existe encore un certain nombre, mais rares en dépit des encouragements donnés à la production. Son abandon ne peut s'expliquer que par les accidents que lui ont valus la couleur de sa robe, tentante pour les fusils chauds et même les autres. Son caractère est, en effet, bien plus souple que celui de la grande race dont il est issu ; c'est donc bien à sa couleur froment doré, si seyante, mais vraiment trop dangereuse chez un petit chien de chasse à tir, qu'il doit d'être devenu si rare.

Nous avons eu (et sans doute existent-ils encore) de ces petits Bassets tricolores tels que les a réalisés le comte le Coulteux de Cauteleu au siècle dernier. Conçus dans le type céphalique et le moral du vieil artésien, ils convenaient également au chasseur disposant de peu de chiens et attaquant tout gibier. Pour des motifs inconnus, ils ont cessé d'avoir droit de cité, mais, d'après certains correspondants, ils ont encore d'assez nombreux représentants.

Il n'est question en cette causerie que des Bassets convenant plus particulièrement au tireur n'ayant qu'effectif très réduit, utilisable partout et sur tout gibier. Nous avons, en outre, d'autres races fournissant le chien destiné à former des équipages plus ou moins importants, dont j'ai dit les mérites. Leurs indications sont un peu différentes. Elles procurent en particulier les auxiliaires de train réduit imposés par le milieu ou les circonstances, par exemple partout où le débuché est à éviter : lots de forêts, etc.

Notre pays est certainement le mieux pourvu de Bassets aux diverses fins. Ils méritent d'être précieusement conservés, tout semblant indiquer l'importance accrue que l'avenir leur réserve, maintenant qu'hélas ! le courre du lièvre est si menacé et que l'entretien d'un lot important de chiens courants devient si difficile.

R. DE KERMADEC.

Le Chasseur Français N°655 Septembre 1951 Page 529