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Les cultures dérobées

Production légumière intensive.

— Que l'on travaille pour le marché, au titre de maraîcher, ou simplement pour la cuisine familiale, au titre de jardinier amateur, on a intérêt à produire le maximum de fruits et de légumes pouvant être obtenus sur des parcelles de diverses étendues.

C'est ainsi que le professionnel utilise au mieux le terrain disponible en y échelonnant toutes sortes de cultures, les légumes précoces succédant aux légumes tardifs, et vice versa, de manière à obtenir plusieurs récoltes sur la même planche, dans la même année.

Ce mode d'emblavement intensif est peu connu des particuliers, qui se contentent souvent d'une seule et unique récolte sur toute la surface de leur potager, ce qui fait que leur jardin se trouve inoccupé six mois sur douze. Aussi les herbes folles s'en donnent-elles à cœur joie pour envahir le terrain.

D'autre part, comme il y a beaucoup plus de petits jardins que de grands, et que l'on est souvent à court de place pour les légumes de consommation courante, on comprend l'importance des cultures dérobées qui permettraient de doubler les rendements.

Succession des cultures.

— C'est surtout pendant la période comprise entre les mois de juin et septembre inclus que les carrés, débarrassés de leur première récolte (épinards, oignons, petits pois, lai tues, brocolis, etc.), demandent à être emblavés à nouveau, afin d'obtenir une deuxième récolte d'arrière-saison et en préparer d'autres pour le printemps prochain. Dans ce but, on repique ou on sème des carottes hâtives, des oignons blancs, des épinards, des haricots à manger en vert, des chicorées, des laitues, de l'oseille, de la mâche, des cardons, des navets, des radis; de la poirée, du cerfeuil, du persil, des petits pois, du cresson alénois, etc.

Mais il y a une chose que l'on oublie souvent, c'est de tirer parti des parcelles ayant porté des pommes de terre précoces, que l'on arrache à partir de juin jusqu'en août. Ce terrain libre convient parfaitement pour la culture des choux de Bruxelles, moins exigeants que les choux pommés. En effet, ces derniers demandent de fréquents arrosages et l'emploi des engrais azotés, tandis que cela ferait pousser les feuilles des Bruxelles, au détriment des bourgeons axillaires. On favorise leur développement en supprimant les feuilles basses et en pinçant l'extrémité des tiges.

On peut également repiquer, dans les interlignes des pommes de terre, des choux précoces, Cabus et Milan, qui auront le temps de former leurs pommes, en s'y prenant de bonne heure.

Pommes de terre et choux.

— Pour prolonger la durée de la récolte des choux de Bruxelles, on utilisera des plants élevés sous châssis et en pleine terre, à partir de février jusqu'à fin mai. Le dur de Genlis, le demi-nain de la Halle et le Bruxelles de Rosny pourront se succéder, le dernier étant le plus tardif, mais aussi le plus rustique. Plus généralement, on utilisera du plant provenant de semis effectués en pépinière, entre le 8 et le 15 mai, que l'on repiquera trois semaines après, lorsqu'il aura deux ou trois feuilles, dans la deuxième quinzaine de juin.

Lorsque le plant pourra être mis en place, la récolte des pommes de terre sera commencée. Le repiquage se fera au plantoir, entre les rangs, et l'on arrosera au goulot pour faciliter la reprise, à moins que l'opération ait lieu après une pluie et par temps couvert. Avoir soin d'enfoncer le plant en terre jusqu'aux premières feuilles, comme s'il s'agissait d'autres choux (Express, Plat de Paris, etc.).

Les rangs de pommes de terre étant espacés de 60 centimètres, on pourra repiquer 333 Bruxelles à l'are, mais on peut se contenter d'en mettre 250. Une fois les tubercules arrachés, la terre des buttages sert à niveler le terrain, ce qui favorise l'émission des racines adventives, et le rendement s'en trouve augmenté.

Pour faciliter la récolte, on préfère planter les pommes de terre par rangs jumelés, à l'espacement de 50 centimètres, mais en laissant entre chaque double rang un espace libre de un mètre de large. C'est là que l'on repique les Bruxelles, en serrant les plants à 45 centimètres.

Certains maraîchers repiquent, de deux rangs l'un, des choux de Bruxelles et des choux pommés, soit des cabus précoces, soit de petits Milan. Après la récolte des pommes de terre et, à l'automne, celle des choux pommés, les Bruxelles disposent de toute la place et ils ont suffisamment d'air pour donner une abondante récolte.

Autres légumes.

— Les parcelles ayant porté des pommes de terre précoces et demi-précoces peuvent recevoir, avant ou après l'arrachage des tubercules, toutes sortes de légumes. C'est ainsi que l'on peut semer dans les interlignes des pois nains, Orgueil du Marché, Merveille d'Amérique, ou encore des demi-nains (Plein le panier, Ridé vert sans pareil, etc.). Les petits pois étant semés par rangs jumelés, on laissera entre chaque double rang un intervalle de plus, ce qui facilitera la cueillette.

On observera la même prescription pour la parcelle semée en haricots. Ceux que l'on désire récolter en sec seront semés après le buttage des pommes de terre. Pour la consommation en aiguilles, on peut attendre que l'arrachage des tubercules soit terminé. Comme variétés à cultiver, on a le choix entre les haricots nains à écosser, Soissons blanc, Flageolet blanc, Suisse rouge, etc., et, pour les aiguilles, le Bagnolet, le Noir de Belgique, le haricot Incomparable, ou encore un mangetout, soit le Beurre d'Alger nain ou le Nain Roi des Beurres.

Pour repiquer les poireaux, destinés à la consommation d'hiver, on attendra également que les pommes de terre soient récoltées, mais, comme ce légume est assez exigeant, on choisira la parcelle ayant reçu une copieuse application de fumier de ferme et l'on plantera comme variétés le poireau Gros de Rouen ou le Monstrueux de Carentan.

Pour s'approvisionner en épinards, on effectuera un premier semis en juillet, pour consommer en septembre, puis un deuxième à la fin d'août, qui donnera une première récolte avant les froids ; mais c'est surtout au printemps suivant que cette culture donnera son plein rendement. Effectuer de préférence les semis en lignes ; il est plus facile de maintenir le terrain meuble et net de mauvaises herbes. Semer en alternant Monstrueux de Viroflay et l'épinard long à monter.

Les cultures dérobées ci-dessus sont les plus intéressantes, mais il ne faut pas négliger de semer, sur une petite échelle, toutes les salades et les plantes condimentaires dont on a constamment besoin pour les apprêts culinaires.

A. LÉGUME.

Le Chasseur Français N°655 Septembre 1951 Page 545