Il y a un siècle, les pays viticoles étaient plus étendus
qu'aujourd'hui. En particulier, la région où nous résidons était presque
entièrement plantée en vigne ; on constate encore sur les pentes de
quelques coteaux la présence d'anciens sillons d'un vignoble disparu. D'après
les chroniques, la récolte était acheminée vers les centres de vente par voie
d'eau. L'apparition de l'insecte fléau a complètement modifié l'aspect de ces
contrées, beaucoup des vignobles arrachés n'ont pas été reconstitués.
L'habitation n'a pas non plus été épargnée : on trouve, un peu partout,
des maisons ruinées ou ayant disparu, les matériaux ayant servi à une autre
construction. Dans tel petit village, on trouve des demeures dont l'intérieur
béant laisse deviner une habitation qui fut confortable, sinon luxueuse.
Le phylloxéra n'est pas le seul responsable de cet état de
choses qui est aussi la conséquence de la désertion des campagnes.
Dans la majorité des cas, les vignobles reconstitués l'ont
été avec intelligence et adresse ; il existe bien quelques îlots où cette
reconstitution a été mal faite, mais dans l'ensemble les vins de table étaient
reconnus bons et n'étaient pas inférieurs aux produits de jadis par les ceps
francs de pied.
Si la production a diminué, elle a été largement compensée
par celle du Nord-Afrique.
Il est toutefois assez curieux de constater depuis quelques
années une augmentation assez notable de vins malades, et il est assez
surprenant d'entendre les habitants natifs du pays le proclamer.
Des gens qui se croient toujours bien informés accusent soit
les engrais, soit les produits des traitements, les suites de la guerre, etc.
Il est réconfortant toutefois d'écouter les gens sensés accuser tout simplement
la vinification, soit celle qui se fait en cuve, soit celle qui continue en
cercles ; à ce sujet, un commerçant nous disait, en parlant des vignerons
de son village : « On ne trouve plus chez X... ou chez Y... de bons
vins comme autrefois, c'est à croire qu'ils ne savent plus le faire. »
Nous avions nous-même constaté le même phénomène, mais il
était intéressant de l'entendre confirmer par des habitants du pays.
Nous avons traité pendant deux ans, à la suite et à
l'approche des vendanges, dans les colonnes du Chasseur Français, les soins
de propreté à donner aux locaux, à la futaille, aux divers outils à vendange
lors de la cueillette et de la vinification.
Revenons sur cette dernière : dans le moût existent les
levures dites « sauvages » et la bonne, la levure elliptique, des
poussières et tous les microbes pathogènes ou non contenus dans l'air, sur les
habits, les ustensiles, etc., les germes des maladies cryptogamiques, eux
assurément pathogènes ; ajoutons-y pour être complet les germes des
maladies des plantes cultivées.
Foulée ou non, égrappée ou non, la vendange est mise à
bouillir. Or, dans les pays vinicoles, la différence de température entre le
jour et la nuit est assez grande. « Les matinées sont froides »,
a-t-on l'habitude de dire ; la nuit, par suite de l'abaissement de la
température, le travail des levures se ralentit, mais non celui des germes
pathogènes que l'on nomme : la fermentation parasitaire. Résultat :
la fermentation est incomplète, le vin sera entonné avec 2 à 5 grammes par
litre de sucre non fermenté, il possédera un mauvais goût, souvent un « arrière-goût »
dû aux fermentations parasites. Ce vin est un candidat tout désigné aux
maladies, dont la plus fréquente est celle de la piqûre. Pour remédier à ce
défaut, l'exploitant le fait traiter, le liquide prend une teinte lilas
caractéristique, mais conserve son ou ses mauvais goûts, accompagnés
quelquefois d'une acidité très sensible à la dégustation.
Puis le produit est naturellement mis dans le commerce. Nous
répétons ce que nous avons écrit ici. Les chais des vignobles à plants fins et
ceux des coopératives sont outillés pour faire une vinification rationnelle,
c'est-à-dire maintenir une température voisine de 20° C. et d'autres opérations
que nous n'avons pas à décrire ici. Le vigneron-polyculteur est naturellement
en infériorité, n'ayant pas le plus souvent les moyens financiers pour se payer
de telles installations.
Toutefois, on a essayé le chauffage des locaux à l'aide de
foyers calorifiques de divers types sans arriver à des résultats bien positifs.
On doit clore le local, chose indispensable dans toutes les
installations de ce genre, puis ensuite le calorifuger ; le commerce vend
des produits calorifuges très efficaces, dont le prix n'est pas prohibitif.
Une fois le chai clos, calorifugé ou non, il n'est pas
inutile de rechercher un moyen de réchauffer le moût et de contrôler ce
réchauffage au moyen d'un thermomètre garni d'une gaine métallique protectrice.
Le procédé le plus pratique est le réchauffage du liquide
par un serpentin en métal inattaquable par le vin et dans lequel circule soit
de l'eau, soit de la vapeur. Il y a fort longtemps que les industries agricoles
emploient ce système.
Un autre procédé consiste à faire appel aux rayons
infrarouges. À ce propos, il vient d'être construit à l'étranger des systèmes
chauffants contenus dans une gaine dont la matière est inattaquable par le vin
et qui pourrait bien être la solution, la consommation de courant ne nous
paraissant pas exagérée.
Il y a de ces systèmes chauffants pour la cuve à vendange et
pour les tonneaux. Dans ce dernier cas, l'appareil s'introduit par le trou de
bonde, ce qui permettrait une bonne fermentation en cercle et la disparition du
sucre restant à l'entonnage.
Mais, quel que soit le système employé pour assurer une
meilleure température de fermentation, ne perdons jamais de vue qu'il faut,
comme nous l'avons écrit, beaucoup de propreté, des locaux sains, souvent
nettoyés, des tonneaux chaînés et méchés, et les outils servant à la vendange
ou aux manipulations du vin rangés dans un placard clos et désinfectés.
V. ARNOULD,
Ingénieur agronome.
|